Recevez la lettre mensuelle de Politique Magazine

Fermer
Facebook Twitter Youtube

Article consultable sur https://politiquemagazine.fr

LE BAL DES SALAUDS TOURNE COURT

Pourtant tout avait bien commencé : une interpellation familiale à l’heure du laitier, une garde à vue notifiée au visa d’une « top » incrimination criminelle, une saisie concomitante de plusieurs véhicules des grands-parents laissant supposer la recherche de traces de sang, on allait voir ce que l’on allait voir :

Facebook Twitter Email Imprimer

LE BAL DES SALAUDS TOURNE COURT

Le patriarche intégriste et autocratique qui traversait le village à cheval en hobereau méprisant, croulant sous le poids conjugué des résultats de la somme inédite d’investigations policières et des déclarations probablement divergentes de son épouse, frêle femme soumise au ridicule bitos jaune, allait enfin avouer l’homicide (aveu souhaité) ou à tout le moins la manipulation de cadavre (aveu de consolation) de son petit-fils.

Les « sachants », psy de plateau ou journalistes trentenaires « spécialistes de la rubrique justice / police » envisageaient même que le monstre, décrit comme très résistant, ne passât aux aveux que dans les dernières heures du 2e jour de sa garde à vue sur une question piège à dimension affective posée par un enquêteur, réveillant en lui une once d’humanité ou (tant pis ils s’en contenteraient) sa fibre religieuse. Donc le parti des médias, à quelques exceptions près, orchestra dés l’aube du 1er jour le bal des soupçons.

Non sans se mettre à couvert, doit-on le souligner, derrière le rappel ad nauseam de la présomption d’innocence avant chaque intervention accusatrice portée contre le grand-père, façon vicieuse de s’auto-octroyer un totem d’immunité juridico-morale par une manière particulièrement subtile de prétérition. À la décharge des médias à charge, il faut bien admettre que le satrape du Haut-Vernet a tout fait pour favoriser l’esquisse médiatique d’un « profil troublant »  et d’une « personnalité inquiétante », « qui interroge » à partir d’un casier extra judiciaire particulièrement chargé. Jugez un peu le blaze de concours :

  • adepte du coup de pied au cul et de la gifle à revers comme base éducative et, fier de sa ringardise, allant jusqu’à révéler spontanément, sans doute pour minimiser, en manipulateur accompli, la portée de cette information, avoir été entendu comme témoin voici 35 ans dans une affaire de semblable nature (avant d’être mis hors de cause) l’homme étant dès lors supposé entretenir un climat de violence intra familial permanent.
  • bigot compulsif préférant les chants grégoriens au gangsta rap, et les messes en latin aux maisons œcuméniques « pour la recherche de Christ en situation », l’homme apparaît plongé dans un obscurantisme aux relents vichystes.
  • père de 10 enfants, donc sorte d’arriéré hétérosexuel acceptant pathologiquement « tous les enfants que le Bon Dieu lui envoie » l’homme trahit de façon significative son ignorance des moyens de contraception élémentaires et son mépris implicite pour l’avortement, droit de la femme que son épouse réduite au statut de chose soumise n’avait même pas osé faire valoir.
  • replié dans la plus haute maison du village à la tête de sa communauté sectaire, il évite dédaigneusement tous rapports sociaux, à un point tel que tout laisse supposer que, ostéopathe kinésithérapeute, il exerce depuis 30 ans à l’insu de sa propre clientèle.
  • enfin, fruit d’une éducation inquiétante, son fils et sa belle-fille, parents du petit Émile, ont successivement entretenu « des liens troubles » (entendre par là « ont milité ») avec les associations catholique royaliste (Centre Charlier) et anarcho-fasciste (Bastion social) « controversées » (entendre par là «  illégitimes ») avant, pour l’une, d’être dissoute en 2019 ; Colomban, le père, ayant même été relaxé dans une affaire d’agression « présumée » (sic) sur des personnes d’origine étrangères.

L’ on aura donc compris qu’à partir de ces 48h quasi effectives de garde à vue débouchant sur l’implication du grand-père, fût elle minime , dans la réalisation de l’homicide et de ses suites, tous les ingrédients indispensables étaient réunis pour instruire concomitamment le procès du patriarcat, de la violence machiste intra familiale, de l’obscurantisme de l’intégrisme religieux, de l’ arriération sexuelle des « catho tradi » au regard des valeurs du Planning familial, du natalisme flamboyant des « catho lapines » des dérives des « catho fachos », et bien sûr, de l’extrême droite en général… Rarement une affaire criminelle cristallisait elle autant de traits d’une figure archétypale du monde d’avant-hier, les mines gourmandes des « journalistes » sortis premiers de Science Po et des « experts conjecturants » qui conduisaient le bal depuis 48 h laissant imaginer le régal à venir.

Hélas, vers la fin de la nuit, fin brutale du bal médiatique : le grand-père et les siens étaient relâchés sans que la moindre charge soit retenue contre eux nonobstant les soupçons « plausibles » au vu desquels ils avaient été mis en garde-à-vue. La mine décomposée de beaucoup sur les plateaux ne s’expliquait pas vraiment par l’heure tardive. Et même si dès le lendemain, l’espoir reprit avec la conférence du Procureur de la République indiquant que la piste familiale n’était pas définitivement refermée et BFM révélant l’existence d’enregistrements de conversations dans lesquelles les enfants du grand-père accusaient celui ci d’être violent, l’on sentait bien que le cœur n’y était plus… L’aube se levait sur la musique éteinte du bal des salauds qui, dans leur naufrage déontologique et moral, sûrs d’incarner la Vertu, avaient insulté en toute bonne conscience la mémoire du petit garçon qui reposait sous la terre glacée du Haut-Vernet. 

Facebook Twitter Email Imprimer

Abonnez-vous Abonnement Faire un don

Articles liés