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Quelques leçons des dernières opérations militaires (2e partie)

Nous avons évoqué précédemment comment les dernières opérations militaires avaient rappelé certaines réalités du combat et devrait conduire à repenser certaines priorités en termes de matériels. Mais d’autres éléments touchent à la possibilité de les mettre en œuvre.

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Quelques leçons des dernières opérations militaires (2e partie)

Un mot d’abord de la simple attrition de ces matériels. Pour rester dans le domaine de l’artillerie, dont nous avons vu qu’elle jouait un rôle majeur, un tube de canon a une durée de vie limitée, ce qui suppose son remplacement régulier et une logistique que, pour prendre cet exemple, la Russie peut réaliser sur sa propre industrie de guerre, quand l’Ukraine est dépendante des approvisionnements étrangers. Revient alors la lancinante question des stocks et/ou de l’industrie d’armement, quand le système français a conduit dans les dernières décennies à réduire les capacités de production et les stocks – d’armes et de munitions –, considérant que l’on pouvait en cas de besoin s’en procurer « sur étagère » auprès d’un autre producteur et à moindre coût. Encore faut-il que ces matériels soient disponibles et que le vendeur soit disposé à les vendre à celui qui souhaite les acheter. Encore faut-il aussi, et l’expérience française en matière de munitions de petit calibre l’a démontré par le passé, que la qualité des produits vendus soit bien compatible avec nos normes d’utilisation. Bref, c’est une fois de plus la question de la souveraineté, ici de la capacité à pouvoir agir quand et comme on le souhaite, qui est sous-jacente – avec la réserve qu’il est cependant ridicule de vouloir développer un système d’armes indépendant qui ne serait pas compatible avec un standard international en la matière, notamment en termes de calibre des munitions, quand on ne peut imposer ce standard.

Une guerre urbaine

Mais c’est le cadre d’utilisation de ces matériels qui pose un autre problème. Sur le théâtre d’opérations ukrainien, mais aussi israélo-palestinien, cette guerre est aussi une guerre des villes, un terrain propice au défenseur – le ratio en combat urbain est au minimum de 5 assaillants pour 1 défenseur et les blindés y sont particulièrement vulnérables. En Ukraine, dans les centres urbains vidés de leur population civile et partiellement rasés, ce sont des positions clés, et on comprend ailleurs les difficultés d’une intervention terrestre israélienne dans la bande de Gaza, une zone urbaine spécialement préparée pour cela avec notamment des communications souterraines. Dans les deux cas, quand elles sont possibles, les techniques de bouclage permettant de couper les zones ennemies de leurs ressources en eau, énergie ou nourriture, semblent préférées à une entrée en force qui ne peut être que progressive.

Dans cette situation, les civils pris dans la nasse posent un problème aux assaillants – si du moins ils tiennent à leur image et veulent éviter les « dommages collatéraux » – mais aussi aux défenseurs, par leur consommation des ressources. Pour la plupart des forces occidentales, qui pensent encore travailler dans une logique du « fort au faible », ces populations sont à préserver de manière impérative. Si l’on ajoute à cela qu’elles n’aiment pas voir trop de leurs militaires revenir dans des cercueils – encore que, quand il ne s’agit pas de conscrits, l’impact semble plus faible –, on comprend la montée en puissance, qui va très certainement continuer, de l’action par « proxis » – forces alliées, mercenaires étrangers, « contractors » privés –, qui mènent la guerre à la place d’États qui tentent ainsi de se dégager de leurs éventuelles responsabilités.

Cela renvoie aussi au poids de l’information dans les conflits modernes, favorisant ou incapacitant les forces dans leur action. Ce n’est certes pas nouveau, mais la différence est ici que cette information joue essentiellement sur les images, vient de sources diverses – de la vue satellite à la vidéo d’un téléphone portable –, et qu’elle est mise de manière parfois instantanée sur les réseaux sociaux. On retrouve là encore l’implication des civils, à deux niveaux. D’une part, nombre de renseignements importants, qui ont permis des actions efficaces, sont venus de sources ouvertes, notamment de photos ou vidéos prises par des civils et postées sur les réseaux sociaux, qui permettaient par exemple de déterminer les positions des unités ou leur taux d’attrition. D’autre part, les belligérants génèrent en permanence de fausses informations quant aux atteintes aux populations civiles, et les possibilités actuelles de manipulation des images ouvrent un immense champ d’application à ces actions de propagande toujours efficaces : même lorsqu’existe un doute, le fait d’avoir « vu » quelque chose crée en effet une sensation de réel et de véracité qui ne s’efface que difficilement.

Le rapport du faible au fort

Il faut sans doute relativiser notre appréciation de ce rapport du faible au fort qui fait aussi partie du narratif de propagande. De nos jours, en effet, le « faible » dispose de la possibilité d’engager des actions qui, soit sont aux limites du droit de la guerre, soit relèvent purement et simplement du terrorisme. Il le fait parce que ce seraient « les seules armes qui lui restent », justification parfois facile, et bénéficie alors du préjugé favorable qui prévaut toujours pour David contre Goliath. Dès lors, le poids de l’opinion publique s’avère très largement incapacitant pour les seuls « forts » – qui, dans les faits, ne le sont donc pas tant que cela.

Certes, l’image d’Épinal du combattant héroïque est mise à mal lorsque certains utilisent délibérément les images de leur violence à l’encontre des populations civiles « ennemies ». D’une manière bien oubliée dans nos pays, la violence la plus barbare est pourtant sciemment utilisée et mise en scène comme une arme de guerre : cela a été le cas lors des affrontements entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie comme dans l’attaque du Hamas en Israël. On peut penser que c’est contre-productif, disqualifiant les auteurs. Mais rappelons-nous d’abord de ne pas nous limiter à notre seule perception « occidentale » : certaines populations vont se féliciter de ce degré absolu de violence. Sur le seul plan tactique ensuite, l’intérêt est ailleurs : « stupéfier » l’adversaire et limiter sa réaction initiale ; entraîner des déplacements de population qui vont perturber la logistique des forces ennemies – utiliser sa population civile comme bouclier humain étant inacceptable dans le monde occidental ; conduire à une violence en retour sortant de la légitime défense.

Quelle politique militaire française ?

Les derniers engagements armés nous invitent donc à nous poser la question de l’adaptation de notre pays dans ces différents secteurs, et l’initiative engagée par l’État-major français sur le plan tactique demande aujourd’hui à être mieux soutenue par l’État. Cela concerne bien sûr les matériels. Combien de « pépites » industrielles touchant à notre souveraineté militaire vendues ces dernières années ? Combien de projets d’équipements nécessaires torpillés par les pseudo-collaborations avec l’Allemagne ? Quelle politique de fabrication industrielle nationale ? Quelle politique de gestion des stocks ? Mais cela concerne aussi les personnels, quand il manque à l’armée de terre 2 500 hommes en 2023 sur les 16 000 à recruter annuellement pour respecter ses contraintes de format. Quelle levée en masse ? Qui pour aller combattre selon les différents théâtres d’opération et les solidarités croisées ? Enfin, les retours d’expérience des engagements en zone urbaine doivent nous faire réfléchir sur la manière de procéder sur le territoire national dans l’hypothèse d’une réaction à un terrorisme enkysté.

N’oublions pas enfin, et surtout, que le « combat du futur » n’est pas uniquement celui du « combattant augmenté » vanté à une époque, hyperconnecté, disposant d’un exosquelette et d’une plateforme individuelle de vol. Pas non plus uniquement celui de matériels ultrasophistiqués et plus ou moins autonomes : un drone civil grand public, un combattant léger en infiltration, un champ de mines, une frappe d’artillerie, en font tout autant partie. N’oublions pas que, quels que soient les moyens mis en œuvre, restera avant tout la question de la volonté de combattants, parfois improvisés, à prendre le risque de mourir – et donc la question de ce pour quoi ils seront prêts à courir ce risque. La France a donc encore bien des dossiers à ouvrir pour être au niveau des nouveaux enjeux.

 

Illustration : Bombardements russes sur la ligne de front Orikhiv, région de Zaporizhzhia, sud-est de l’Ukraine. Retour à une guerre “classique”.

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