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MARION, GEOFFROY, DONALD, ET NOUS

La palinodie aussi prévisible que lamentable de Geoffroy Roux de Bézieux – qui, après avoir invité Marion Maréchal à l’université d’été du Medef, a précipitamment annulé cette invitation dès que quelques castors ont commencé à donner de la voix – vient nous rappeler quelque chose de très important.

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MARION, GEOFFROY, DONALD, ET NOUS

La liberté de paroles, comme d’ailleurs à peu près n’importe quelle liberté publique, ne dépend pas seulement de l’existence de bonnes lois mais aussi, et peut-être surtout, de l’existence de certaines vertus privées, au premier rang desquelles le courage. Roux de Bézieux n’enfreignait strictement aucune loi en invitant Marion Maréchal à participer à un débat sur les populismes. Mais il a capitulé, sans même faire sembler d’essayer de résister, devant la pression de ceux qui considèrent que la liberté de paroles devrait être réservée uniquement à ceux dont les opinions leur sont agréables. Répondre que l’on n’aurait pas dû exercer de telles pressions sur lui en premier lieu serait extrêmement naïf. Pourquoi donc croyez-vous que la liberté de paroles ait besoin d’être garantie par la loi ? Parce que, l’homme étant ce qu’il est, il y en aura toujours parmi nous pour rêver de tyrannie et pour essayer de faire taire ceux dont les opinons leur déplaisent.

Pour pouvoir être effectivement exercée la liberté de paroles a donc besoin de l’appui de la puissance publique, dont le rôle est précisément de châtier ceux qui voudraient faire usage de la force pour vous empêcher de vous adresser à vos concitoyens. En revanche, la loi qui garantit la liberté de paroles est nécessairement impuissante contre les pressions morales ou contre les menaces de rétorsion exercées à titre privé tant que ces mesures de rétorsion ne prennent pas la forme de délits en bonne et due forme. La même loi qui vous permet de porter vos opinions sur la place publique permet à ceux qui trouvent vos opinions répugnantes et intolérables de faire savoir haut et fort que vos opinions sont selon eux répugnantes et intolérables.

La loi ne dispense pas du courage

La même loi qui vous permet d’user de vos biens pour essayer de diffuser vos idées, par exemple en publiant un livre ou en créant un Institut de Sciences Sociales Économiques et Politiques, permet à ceux qui jugent vos opinions répugnantes de boycotter l’éditeur qui vous publiera ou, s’ils en ont les moyens, d’exercer une forme de chantage économique sur ceux qui participent à votre Institut. Attendre que cela soit strictement sans danger avant d’exercer une liberté reviendrait à attendre éternellement, particulièrement en ce qui concerne les libertés politiques, car il est de la nature de la politique de soulever des passions très puissantes, et potentiellement violentes. Bref, la loi ne saurait vous dispenser d’avoir un minimum de courage, de même bien sûr qu’un minimum de prudence, dès lors que vous prétendez participer à la conversation civique.

Ainsi, nous avons trop tendance à oublier que le politiquement correct est un mouvement « bottom up », bien plus que « top down », pour user de ces anglicismes managériaux qui plaisent tant à notre président. Ce n’est pas tant la puissance publique qui resserre chaque jour un peu plus le nœud coulant de la correction politique que la société civile elle-même. Cela est particulièrement flagrant aux Etats-Unis, où les lois relatives à la liberté de paroles sont bien moins restrictives qu’en France et où l’imbrication de la puissance publique et du secteur privé est moins grande, ce qui permet ainsi de mieux distinguer que chez nous ce qui vient de l’un ou de l’autre.

Discrimination positive généralisée

Quelqu’un se souvient-il de Brendan Eich ? Le co-fondateur et président de Mozilla qui fut renvoyé de sa compagnie, en 2014, lorsque l’on découvrit que, six ans plus tôt, il avait fait un don de 1000 dollars en faveur de la campagne pour la proposition 8, en Californie, une initiative référendaire, qui limitait le mariage à un homme et une femme. Aucun de ceux qui connaissaient Eich ne l’a accusé de mal traiter ses collaborateurs homosexuels. Pourtant, avoir apporté un modeste soutien financier à une initiative référendaire parfaitement légale et qui a recueilli une majorité de voix a été jugé une action suffisamment terrible pour priver Eich de son gagne-pain.

Qui aujourd’hui peut ignorer que les plus grandes universités américaines sont devenues les temples et les forteresses de la correction politique ? Qu’elles imposent à leurs étudiants et à leur corps enseignant des « codes de la parole » qui feraient passer Orwell pour un aimable plaisantin et qu’elles pratiquent abondamment la « discrimination positive » dans le recrutement aussi bien de leurs étudiants que de leurs professeurs ? Ce n’est pas la loi qui les contraint à ces pratiques. Au contraire, lorsque parfois les pouvoirs publics tentent de limiter ces pratiques ou d’y mettre fin, les universités usent de toutes leurs ressources pour défendre leurs réglementations liberticides et discriminatoires. Par exemple, en adoptant par référendum la « proposition 209 », en novembre 1996, la population de l’Etat de Californie a décidé de supprimer toute forme de discrimination positive dans le recrutement des étudiants au sein des universités de l’Etat. Il n’a fallu que quelques années pour que les universités concernées reconstituent secrètement l’arsenal de la discrimination positive, contournant ainsi la loi.

Lorsque Lawrence Summers, président de Harvard, fut contraint de démissionner, début 2006, après avoir tenu des propos jugés « sexistes » au sujet des aptitudes différentes des hommes et des femmes en matière de sciences, le gouvernement n’y était pour rien. C’est le corps professoral de Harvard qui s’est chargé de l’exécution, tout seul comme un grand. Il est inutile de multiplier davantage les exemples. Aux Etats-Unis les premiers gardiens du politiquement correct ne sont pas les bureaucrates de l’Etat fédéral, ce sont les universités, les grandes entreprises privées, les médias… Ce sont eux qui sont le plus à craindre, car ils peuvent briser votre réputation et votre carrière et, avec eux, il n’y a pas de « due process of law » avant que le couperet tombe.

Couché à la première semonce

Revenons en France. Pourquoi donc Roux de Bézieux s’est-il couché à la première semonce ? Il n’est pas difficile de le deviner. Il a cédé sans combattre parce que certains des membres importants de son organisation sont tout acquis au politiquement correct – Laurence Parisot est évidemment un exemple éminent –, que les autres préfèrent se taire et qu’il a probablement cru qu’il serait mis en minorité s’il essayait de résister. Et puis aussi, très probablement, parce qu’il a simplement eu peur du quand dira-t-on. Il a eu peur de l’ostracisme dans les milieux qu’il fréquente.

Ainsi, il est évidemment nécessaire mais tout à fait insuffisant de s’indigner des lois liberticides que préparent nos gouvernants, et de s’y opposer dans toute la mesure de nos forces. Il nous faut garder à l’esprit que le politiquement correct n’a pas besoin de la loi pour étrangler la liberté de paroles et pour poser son couvercle de plomb sur l’esprit. Bien souvent les lois liberticides ne sont votées que parce que le politiquement correct a au préalable rendu impossible tout débat sérieux à leur sujet et que ceux qui s’opposent à ces lois peuvent craindre pour leur carrière, leurs revenus, leur position sociale. La loi qui prétend traquer « la haine » n’est qu’un clou supplémentaire dans le cercueil, elle n’est pas le cercueil lui-même. Et la seule chose qui pourra, éventuellement, permettre à la liberté de ressusciter et de sortir du cercueil, c’est le courage des individus. Car le politiquement correct n’est pas autre chose qu’une forme de mensonge, or, comme le rappelait Alexandre Soljenitsyne :

Lorsque les hommes tournent le dos au mensonge, le mensonge cesse purement et simplement d’exister. Telle une maladie contagieuse, il ne peut exister que dans un concours d’hommes.

Ce qui fait la force du politiquement correct, c’est que celui qui serait tenté de le contredire à haute voix croit que, dès lors qu’il aura parlé, il sera abandonné de tous. Que personne n’osera combattre à ses côtés. Que personne n’osera même continuer à le traiter comme une personne respectable. Qu’il deviendra ce pelé, ce galeux sur lequel tout le monde crie haro. Que personne ne lui tendra une main secourable, ne voudra plus l’employer. Cette conviction est évidemment en partie une prophétie auto-réalisatrice. Les chiens de garde du politiquement correct aboient de toute leur force, chacun de ceux que ces aboiements indisposent n’ose pas protester de peur d’être seul à le faire, cela suffit.

Les chaines sont en partie forgées par l’imagination, mais leurs effets n’en sont moins réels. Elles se briseront dès lors que suffisamment de gens tourneront le dos au mensonge. Mais pour cela l’homme de la rue a besoin d’exemples et d’encouragement. Il faut d’abord que se dressent face au mensonge quelques individus hors du commun, comme Soljenitsyne en son temps, pour que l’homme du commun puisse trouver les ressources morales de repousser le mensonge qu’on veut lui imposer. D’où l’importance immense d’un Donald Trump. Quelques soient ses défauts, et on peut admettre qu’ils sont assez nombreux et sérieux, l’actuel président des Etats-Unis a une vertu essentielle dans le contexte politique actuel : le courage de prendre de front le politiquement correct. Comme l’a écrit un analyste politique américain :

Trump est un refus vivant et parlant du multiculturalisme et des idées post-modernes sur lesquelles il s’appuie. Trump est persuadé qu’il existe des choses comme la vérité et comme l’histoire, et qu’il croit en ces choses importe bien plus que le fait qu’il dise lui-même toujours la vérité ou qu’il connaisse l’histoire – ce qui, en effet, est parfois douteux.

Quelques exemples ? « Il a fait remarquer que le 11 septembre certains musulmans avaient acclamé la chute des twin towers. Il a dit que Mexico nous envoyait la lie de son pays, a suggéré de boycotter les Starbucks après que les employés aient reçu l’ordre de ne plus dire « Joyeux Noël », a dit que les propriétaires de la NFL devraient renvoyer les joueurs ne respectant pas le drapeau, a émis l’opinion que les gens venant de ce qu’ils appelait des pays « merdiques » (Haïti et les pays africains étaient ses exemples) ne devraient pas être autorisés à émigrer chez nous, a parlé du danger qu’il y avait à choisir des juges en fonction de leur origine ethnique et a dit que Black Lives Matter devrait cessé de rejeter la faute sur les autres. » Pour ne rien dire de ses innombrables saillies féministement incorrectes (oui, il y a bien un jeu de mots).

Bref, Trump dit tout haut ce que le politiquement correct interdit formellement de dire et, qui plus est, il le dit de manière suffisamment provoquante, voire même grossière, pour être sûr que tout le monde l’entendra. Au moment où il est apparu en pleine lumière, il était pratiquement le seul à le faire. C’est en grande partie à cela qu’il a dû son élection en 2016 et qu’il devra sa réélection en 2020 si celle-ci a lieu.

Refuser de s’agenouiller devant le multiculturalisme

En refusant avec force et fracas de s’agenouiller devant les idoles du multiculturalisme, et en raison de la position éminente qui est la sienne, Trump menace d’arracher les chaines du politiquement correct qui pèsent au cou des Américains. Et du fait de la position éminente qu’occupent les Etats-Unis au sein du monde occidental, la présidence de Trump ébranle le politiquement correct dans tout l’Occident.

L’exemple donné par Donald Trump sera-t-il suffisant aux Etats-Unis ? Personne ne peut le dire. Ce qui est certain en revanche, c’est que tous ceux qui occupent une position d’autorité, qui sont sûrs d’être entendus lorsqu’ils parlent, et que leur position élevée préserve contre tout risque de se retrouver sans ressources, ont une très lourde responsabilité. Leur courage ou leur lâcheté détermineront notre destin à tous.

Ceux qui, comme Trump, affrontent le politiquement correct sont des alliés objectifs de la liberté, quel que soit leur bord politique. Ceux qui, comme Roux de Bézieux s’inclinent devant le politiquement correct alors qu’ils pourraient lui résister resserrent la chaîne qui est au cou de chacun d’entre nous, quelles que soient par ailleurs leurs convictions personnelles. Ils méritent d’être jugés avec une sévérité proportionnée à la responsabilité qu’ils prennent.

 

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