Enfants de la victoire et de la guerre froide, ils sont nés dans un pays en paix ; leurs parents avaient souffert de l’humiliation de la défaite et de l’occupation ; beaucoup d’entre eux avaient eu froid et faim, et pleuré la mort de proches au combat et dans les camps.
Mais eux, leurs enfants, n’ont jamais connu la guerre, ils ont été élevés au lait de la paix retrouvée, paix précaire, peut-être, mais sous abri américain, otano-nucléaire. Leurs parents et leurs professeurs étaient encore un peu du siècle précédent ; ils avaient correctement appris à lire, écrire, compter à l’école de la République, des Bons Pères ou des Chers Frères…
Toutes les conditions semblaient réunies pour une belle renaissance nationale, une floraison de grâces, la construction sereine d’un avenir sain et généreux, ancré majoritairement dans le socle chrétien. En réalité, beaucoup de ces enfants privilégiés se sont comportés en enfants gâtés.
Ils se sont gavés des yé-yés en oubliant Mozart, ils ont confondu le chahut et le salut, ils ont cru au progrès continu et irréversible qui écrase et arase le passé. Une partie importante de leurs éducateurs leur ont infligé la méthode globale, le gauchisme dogmatique, tout en reproduisant et en adaptant au goût de la mode l’utilitarisme bourgeois : langues anciennes, poésie, culture classique, pratique religieuse sont passées au laminoir et à l’équarrissoir.
Ils se sont ainsi vautrés dans l’idolâtrie du plaisir, ils ont renié la notion de faute, a fortiori celle du péché, ils sont tombés dans un relativisme mou et universel : tout se vaut, à chacun sa vérité, etc., ce qui les a menés bizarrement tout droit à caresser plus ou moins paresseusement et complaisamment les idéologies les plus meurtrières et les plus totalitaires ; et tout cela enveloppé dans un égalitarisme généralisé sauf pour leur cas personnel.
De la masse s’est dégagée une élite surdiplômée, orgueilleuse et arrogante, qui accapare encore aujourd’hui les bons postes et les bonnes places, tout en affichant impudemment un mépris féroce pour les humbles et les faibles. Ces privilégiés dirigent et légifèrent dans la logique de leurs esprits corrompus : les enfants à naître, les infirmes, les malades et les vieillards sont les cibles de leurs lois-projets-fantasmes meurtriers, ainsi que ceux qui osent s’opposer.
Malheur aux résistants, qu’ils comptent bien leurs os,
Ils seront rejetés dans des landes maudites,
Nouveaux camps dispersés, enceintes interdites
Avec drones, capteurs et sifflets des kapos…
Malheur aux dissidents, leurs peines sont inscrites,
Haro sur les croisés, les fachos, les cathos !
Ami lecteur, je m’aperçois que mon propos est bien sombre pour une chronique de début d’année ! Il manque à ce tableau l’essentiel, et il suffit de quelques mots pour l’évoquer : l’enthousiasme de milliers de jeunes chaque année sur la route de Chartres, les discrètes maraudes de nuit vers les paumés et les sans-abri, les innombrables heures de fervent travail qui ont reconstruit Notre-Dame, la lumière dans les yeux des enfants aimés… Et la petite Espérance qui ne s’éteint pas.
Alors, que fais-tu là, ombre orpheline
Sur le seuil en deuil, perdue et chagrine ?
Ne crains pas. Rentre ici chez toi, confiant !
Entends ce chant, entends, car il t’appelle
De l’intérieur. De chambre en chambre, enfant,
Va vers le feu où Dieu te renouvelle.
Belle et sainte année, ami lecteur !