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EDF, 25 ans d’impéritie politique

La faillite d’EDF est le résultat conjoint des efforts de l’Union européenne pour imposer un modèle libéral de production d’énergie et de l’incapacité des dirigeants français à imposer des solutions technologiques pertinentes. EDF n’est qu’une catastrophe politique.

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EDF, 25 ans d’impéritie politique

Depuis le milieu des années 90, la France a traité la question énergétique d’une façon idéologique contraire à toute rationalité industrielle et en dépit de l’intérêt national. La guerre en Ukraine a manifesté cette impéritie, mais ce conflit sert d’alibi à une classe politicienne qui veut se soustraire à ses responsabilités. On se consolera en rappelant que le clan occidental vit une situation analogue, mais ce problème relève de la logique du déclin du G7 face à la montée en puissance des BRICS.

EDF un fleuron saccagé

L’énergie était au cœur du développement industriel des trente Glorieuses. Bien sûr, les critiques n’étaient pas infondées sur le monopole créé en 1945 par de Gaulle, sous l’égide, entre autres, du très controversé communiste Marcel Paul, mais EDF s’illustra avec de grands patrons comme Marcel Boiteux ou Paul Delouvrier. Certes le comité d’entreprise (corruption communiste de la CGT) défraya en son temps la chronique et les grèves de type prises d’otages (les « sévices publics » !) mécontentèrent souvent les clients. Mais la question se pose aujourd’hui selon une problématique pérenne, souveraineté ou marché ? C’est en ces termes que Loïk Le Floch-Prigent la pose, lui qui fut président-directeur général d’Elf Aquitaine, alors premier groupe industriel privé français.

Mais aujourd’hui quand un groupe contrôlé par l’État attaque l’État, il y a quelque chose de pourri au royaume de l’énergie (et de France) ! EDF a réclamé 8,34 milliards d’euros de dédommagements dans le cadre d’un recours contentieux déposé auprès du Conseil d’État. L’électricien, dont l’État est actionnaire à près de 84 % (et a pour projet de racheter les 16 %), veut se voir rembourser la facture de plus de 8 milliards d’euros qui lui a été imposée dans le cadre du « bouclier tarifaire » lié à la crise énergétique et à l’inflation consécutive. Ainsi celui-ci, fortement poussé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), consistait à imposer à EDF de vendre sous la pression de l’UE davantage d’électricité d’origine nucléaire à ses concurrents afin que ceux-ci répercutent à leurs clients cette baisse de leur coût d’approvisionnement. L’UE invente des fournisseurs qui ne produisent rien au nom d’une fausse concurrence. Ce qui a provoqué un manque à gagner pour l’électricien de plus de 8 milliards. Mais le mal est bien antérieur. Tout d’abord la fameuse privatisation est une fiction : ce que ne possède pas l’État est détenu par des investisseurs institutionnels comme la Caisse des Dépôts, très proche de l’État. En réalité, sous la pression de l’idéologie supposée libérale de l’UE, EDF, bien avant la crise ukrainienne, avait donc dû vendre de l’électricité à bon marché, finançant ainsi ses concurrents. Tout cela sous l’égide de l’ARENH, ou Accès régulé à l’électricité nucléaire historique. Un acronyme qui oblige depuis 2011 EDF à revendre 100 térawattheures (TWh), soit environ un quart de sa production, à ses concurrents, au prix très concurrentiel de 42 euros le mégawattheure (MWh). Quant à la CRE susnommée, on peut douter de son indépendance dans cette république des coquins(nes) suite à la nomination d’Emmanuelle Wargon, recasée à sa tête. Proposée à ce poste par Macron (16 683 euros/mois) pour récompenser une ministre battue aux législatives, cette fonction exigeant une solide indépendance vis-à-vis du pouvoir ! C’est elle qui va être chargée de réguler l’énergie alors qu’elle aura contribué à la rendre plus rare, comme secrétaire d’État à l’Écologie. Cela veut-il dire qu’elle saura organiser, cet hiver, le rationnement pour les Français, elle qui avait déjà pensé s’en prendre à la maison individuelle ? On reconnait bien là le cynisme du chef de l’État qui s’assoit allègrement sur l’opinion, qui a sanctionné par le vote un de ses obligés.

Ainsi la France a perdu au mois d’août sa place de premier exportateur net d’électricité en Europe, la première étant la Suède : cela n’est pas dû au développement suédois mais bien à l’effondrement de la production électrique française. Les Français médusés assistent au déclin de ce fleuron industriel qui, il n’y a guère, vendait de l’électricité à ses voisins, alors qu’aujourd’hui elle est contrainte d’en importer, cette électricité provenant de centrales à charbon allemandes, (deuxième exportateur derrière la Suède). Ubu est roi chez les écologistes largement responsables d’une telle situation mais suivis par les pouvoirs publics et l’UE.

Quand Hercule recule

Encore le projet dénommé Grand EDF aura donc fait long feu. Exit le projet Hercule, place à la nationalisation du géant nucléaire dépositaire de l’avenir énergétique de la France. Le retour d’EDF à 100 % dans les mains de l’État se justifierait car le champion tricolore de l’atome est au plus mal en raison de la faiblesse de la disponibilité de son parc de réacteurs : 24 centrales à l’arrêt pour révision sous la pression de l’ASN (Agence de Sécurité Nucléaire) laquelle n’est pas « dieu le père en matière de sécurité » (Loïk Le Floch-Prigent) , ce qui aggrave sa dette, déjà lourde : 43 milliards. Hercule remettait en cause toute la construction du groupe depuis sa création au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Il prévoyait en effet de scinder EDF en trois entités : une entreprise publique (EDF bleu) pour les centrales nucléaires ; une autre (EDF vert) cotée en Bourse pour la distribution d’électricité et les énergies renouvelables ; et une troisième (EDF azur) qui coifferait les barrages hydroélectriques dont les concessions seraient remises en concurrence sous la pression de Bruxelles. Mais c’est surtout une géopolitique du nucléaire qui change. Hercule était une porte ouverte aux Chinois pour investir dans le nucléaire français. Pour l’heure Macron a fait machine arrière. C’est pourtant ce qui a été mis en place avec la construction de deux EPR à Hinkley Point en Grande-Bretagne. EDF finance (sur fonds propres) le chantier aux deux tiers. Le tiers restant est abondé par CGN (China General Nuclear Power Group). Mais les Américains ne veulent absolument pas de cette collaboration entre la Chine et l’Europe, vassalité oblige.

Retrouver une énergie abondante et bon marché

C’est le vœu de Loïk Le Floch-Prigent que j’ai reçu dans mon émission sur TV Libertés. Pour lui, c’est chose possible, à condition de sortir de l’idéologie. EDF est victime de l’UE avec la complicité de la classe politique française contaminée par les antinucléaires primaires. Les “nouvelles” énergies (vent, soleil) sont un mythe, inévitablement doublées par le gaz et le charbon parce qu’intermittentes. L’erreur de Jospin, dès 1997, fut la fermeture du surgénérateur de Creys-Malville pour faire plaisir aux écologistes de sa majorité « plurielle ». L’avenir est pourtant au recyclage par neutrons rapides, pratiquement sans déchets. Mais voilà que Macron a abandonné « entre la poire et le fromage » le projet Astrid porté par le CEA depuis 2010, qui reposait sur un réacteur à neutrons rapides refroidis au sodium, d’une puissance de 600 mégawatts. Il permettait d’utiliser plusieurs fois le plutonium et même d’en produire plus qu’il n’en consomme par surgénération, grâce à de l’uranium de retraitement réenrichi. La volonté, s’il s’agit de volonté, de Macron relève de la même erreur que celle de Jospin, erreur que la Chine la Corée et la Russie ne commettent pas.

Quant aux éoliennes, elles sont un désastre écologique et un gouffre financier ! Les ressources colossales utilisées pour les parcs éoliens offshore (radicalement antiécologiques) pourraient être utilement, toujours selon l’ancien PDG d’Elf, au développement des centrales nucléaire de nouvelle génération. Et, pour l’heure, à la réouverture de Fessenheim, techniquement possible.

EPR, ce pelé, ce galeux dont nous vient tout le mal !

L’avenir est aux nouvelles centrales EPR 2 (réacteur pressurisé européen). Dans EPR il y a Europe, or les difficultés d’EPR 1 ne sont pas des problèmes strictement nucléaires (toujours agiter la peur de l’atome !) mais matériels (bétons, soudures). L’arrêt des EPR chinois que la presse a agité comme un épouvantail était dû à des problèmes non nucléaires et, lorsque ceux-ci ont repris leur fonctionnement, la presse de grand chemin a été muette. On mesure avec EPR 1 la pseudo solidarité européenne des Allemands : le retrait de Siemens de l’EPR a été le principal facteur du fiasco financier. Comment alors faire un EPR 2 ou FPR ? Il existe encore une élite nucléaire en France (celle-ci n’est pas entièrement partie à l’étranger), les centrales peuvent se construire désormais avec la technique des jumeaux numériques, invention de Dassault Systèmes pour l’heure utilisée par l’étranger et refusé par des technocrates, sous la funeste pensée que rien de bon ne saurait venir de la France.

En dépit de l’ère du soupçon orchestrée par les médias et les hauts fonctionnaires, la France a un avenir dans ce domaine. Si des coupures d’électricité devaient advenir cet hiver, les Français ne sauraient être dupes du discours exclusivement centré sur la guerre en Ukraine et devront identifier clairement les responsables, nous sommes dans l’idéologie. Et la première erreur, c’est la rhétorique du CO2 comme ennemi. Le nucléaire n’en produit pas ? Néanmoins, le camp du mal, c’est le nucléaire et les énergies fossiles dont nous aurons encore besoin. Et, de l’autre, la religion écologique et son clergé, ses dogmes, ses superstitions et son inquisition, bref le camp du bien. Ce camp-là ne saura nous réchauffer ni nous éclairer quand la bise sera venue.

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