Mais l’hybris, mon vieux, c’est bon. La mesure, c’est la routine, c’est monotone. Avec l’hybris, tu te lâches, c’est marrant, ça change tout le temps, ça trépide, tu passes d’un extrême à l’autre sans t’en apercevoir.

Pour exemple, prenons la ruralité. Dans les années 60, la mode était remembrement. On faisait partout, partout, sauter les haies, les chemins creux. On voyait loin, tout était immense. Le rural, au volant de son tracteur, fonçait là-dedans à toute berzingue, il se prenait pour Fangio. Le moteur faisait un bruit du diable, qui n’était pas dérangé par les cris des grillons dans les haies. Il n’y avait plus de grillons ni de haies. Il n’y avait que le silence, le tracteur et lui.

Soixante plus tard, rétropédalage. C’est qu’il faut de la biodiversité. On arbore partout, partout, dans les coins les plus improbables. Les bois sont pleins de branches mortes, de troncs pourris pour que les insectes y trouvent leurs appartements. Il faut, quand on se promène dans les bois avec Nana, éviter ces tas de branches, escalader les troncs pourris. On se casse la gueule, c’est marrant. Nana est emballée.

Pas curées, les rivières débordent, c’est marrant. On construit des hordes d’éoliennes. Ça ajoute à la ruralité de gros blocs de béton que le rural sur son tracteur doit contourner, il doit manœuvrer son volant avec vitesse et dextérité, ça devient un as du volant. Ça tue des oiseaux, bien fait ! Ça ressemble à des moulins. Les vieux moulins étaient lourdauds, moches ; les moulins contemporains sont élancés, élégants. Don Quichotte, le chevalier à la Triste Mesure, fonce sur eux et se fracasse sur les blocs de béton.