En dépit du marasme économique, le marché immobilier résiste. Mais les bailleurs privés sont, eux, en train de quitter le navire. Tempête passagère ou tendance durable ? Nous faisons le point sur le secteur.
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Tant bien que mal, le marché de l’immobilier français résiste. Après avoir baissé de 12 % en 2012, le nombre de transactions de logements anciens a augmenté de 2,1 % en 2013 à 720 000 unités, et le premier semestre de cette année reste bien orienté, selon les chiffres du ministère de l’écologie et de l’énergie. Les prix n’ont que faiblement reculé : – 5 % en moyenne depuis le pic de 2011, à comparer à une augmentation de 150 % entre 1998 et 2011 (à noter une forte disparité de prix selon les régions). Une preuve de plus de la spécificité du marché français. Selon l’Insee, près de 60 % des ménages sont propriétaires et les deux tiers d’entre eux n’ont pas de crédit en cours, ce qui en fait un secteur peu spéculatif. En outre, la pression migratoire (200 000 entrées légales par an accompagnées d’une forte natalité, dont la majeure partie en Ile-de-France) tend les prix alors que le secteur de la construction est peu dynamique.
Enfin, les taux d’intérêts sont proches de plus bas historiques. En moyenne, ils s’établissent à moins de 3 % annuel (hors coût de l’assurance) pour un prêt à vingt ans, relève l’agence Empruntis. De plus, les établissements bancaires devraient ainsi recueillir des moyens financiers considérables. En effet, la Banque centrale européenne vient d’annoncer un futur programme d’achat de créances détenues par les banques commerciales, pour plus de 700 milliards d’euros. Il concernerait en premier lieu les dettes immobilières. Peut-on s’attendre à une nouvelle vague de prêts dans l’immobilier ? « Pas nécessairement, estime le gérant de portefeuille d’une importante société d’assurance mutualiste. Il est à craindre que les banques en profitent seulement pour rééquilibrer leurs bilans ». Les conseillers en gestion de patrimoine indépendants semblent partager le même avis. La dernière étude de la société Morningstar portant sur 400 professionnels montre ainsi que seuls 29 % d’entre eux privilégient l’immobilier comme outil de gestion pour leurs clients en 2015.
La pierre, malgré l’État
L’autre spécificité de l’immobilier français concerne le poids de l’État, lequel perturbe le marché, notamment dans le locatif. Ces dernières années, taxe foncière, prélèvements sociaux et TVA sur les travaux ont beaucoup augmenté. Et la législation Scellier, fiscalement intéressante, a été vidée de sa substance. La loi Alur votée en septembre 2013 a fini d’assommer les bailleurs : elle prévoit d’encadrer les loyers selon un niveau médian décidé par des observatoires publics, et de faire payer une garantie universelle des loyers par propriétaires et locataires.
Selon Thibaud de Saint-Vincent, président du spécialiste de l’immobilier haut de gamme Barnes, le marché a craqué pour de bon. « Cette fois, c’est fini, les bailleurs privés ne font plus d’investissement locatif. Le profil type de la personne qui voulait placer son argent dans un deux-pièces du 17e arrondissement de Paris souhaite désormais le faire à l’étranger. Quant aux institutionnels, ils ont décidé de liquider tous leurs stocks d’immeubles d’ici à cinq ans », affirme-t-il. S’il est aujourd’hui question de remettre en cause la loi ALUR, les professionnels avouent leur fatigue devant ces « allers-retours permanents ». Ces données se reflètent dans l’immobilier neuf, secteur anticipateur par excellence. Les transactions y ont baissé de 31 % depuis le pic de 2008.
Conseil : la pierre reste un placement solide, sur fond de rumeurs persistantes de prélèvement de l’épargne bancaire.
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