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La PME, le juge et le syndicat

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La PME, le juge et le syndicat

Derrière ce titre, qu’un Jean de La Fontaine contemporain pourrait reprendre à son compte, se cache une histoire qui n’a rien d’une fable moralisatrice. Il s’agirait plutôt d’une histoire où l’absurde domine, racontée par un Kafka moderne ou un Alfred Jarry ressuscitant le Père Ubu.

Nous avons tous entendu la sentence : le juge, s’appuyant sur une loi de la République, donc en toute logique juridique, a interdit à la société exploitant la marque Sephora de faire travailler ses salariés jusqu’à minuit dans son magasin des Champs-Elysées.

La situation géographique de ce magasin est bien spécifique, on le sait : la plus belle avenue, et du Monde, et de la Ville lumière, draine Parisiens, Franciliens et touristes nocturnes attirés par les riches enseignes, les cafés-restaurants, les salles de cinéma et autres boutiques étincelantes. Une bonne partie du chiffre d’affaires de Sephora, nous dit-on, est réalisé une fois la nuit tombée ; aussi l’entreprise a proposé à ses salariés, qui l’ont accepté, moyennant justes compensations, de travailler jusqu’à minuit. Dispositif, certes, que la loi n’autorise pas ; mais qu’importe, puisque salariés et employeurs y trouvent leur compte. Qui donc porterait cette anomalie devant le juge ?… Eh bien ce furent les syndicats, qui ont estimé qu’il leur incombait le devoir de dénoncer ce non-respect du droit du travail. Telle la mouche du coche (la métaphore de la mouche n’est pas innocente : en France, ces dernières années, le taux de syndicalisation est tombé à 8 % ; 5% des salariés du privé, 15% dans la Fonction publique…), ils se sont emparé du sujet, brandissant le texte sacré que l’employeur avait entrepris de violer.

Inadéquation des lois avec les réalités de la vie économique

Ainsi le couperet a pu tomber, le juge ne pouvant que constater et censurer la violation manifeste du texte sur la durée du travail. Si employeurs, salariés et clients subissent, les syndicats applaudissent (et s’applaudissent !). Au-delà de la question de l’intervention des syndicats, scandaleuse en ce qu’elle ne s’inscrit nullement dans une démarche de défense des droits des salariés, et sur laquelle il faudrait disserter, cet événement judiciaire pose une fois encore le problème de l’inadéquation des lois avec les réalités de la vie économique. Une vie économique marquée par une crise structurelle (oxymore ?…) où la perspective essentielle aujourd’hui est celle de la survie. Qu’un grand pétrolier ne paye pas d’impôt en France, pour des raisons d’évasion « géo-fiscale », nul ne s’en offusque. Qu’une PME commerciale ne respecte pas strictement les règles de la durée du travail, et les syndicats s’insurgent.

On repense à la loi monolithique des 35 heures, appliquée sans discernement à toutes les entreprises françaises, les plus petites comme les plus grandes, alors que leurs contraintes respectives au regard de la durée du travail diffèrent pourtant profondément. On se souvient aussi des démêlés de ce fabricant de meubles suédois avec une caste de sachants voulant faire interdire – et réprimer en cas de résistance – le travail dominical (sans raison d’ordre religieux, faut-il le préciser ?).

C’est bien un problème français : les règles de la vie économique et sociale sont déterminées par des citoyens qui ne la connaissent pas, ou qui refusent d’en connaître la réalité : parlementaires massivement issus de la fonction publique, syndicalistes immobilistes soucieux de préserver des avantages individuels conférés par des lois dépassées, tous ignorent ou feignent d’ignorer pour des raisons idéologiques… la vraie vie !

On nous rassure : après cette affaire, la loi pourrait être modifiée. D’accord, acceptons-en l’augure ; après le constat d’aberration juridique formulé par le juge, la réaction des parlementaires devrait venir. On veut bien y croire, mais il faut faire vite ! Les PME supportent suffisamment de contraintes de toutes sortes pour qu’on ne leur en ajoute pas davantage. A moins qu’on ne veuille les voir disparaître…

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