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L’incroyable proposition

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L’incroyable proposition

Après le précédent chypriote, la Commission européenne réfléchit à une directive légalisant le blocage de l’épargne dans l’Union européenne, tandis que le Fonds monétaire international propose une taxe exceptionnelle sur les comptes bancaires. Au bénéfice de qui ?

Au matin du samedi 16 mars, les Chypriotes se levaient sans pouvoir retirer le moindre euro de leurs comptes bancaires ni effectuer le moindre transfert d’argent. Dans la nuit, le gouvernement et les banques avaient secrètement décidé de prélever jusqu’à la moitié de l’épargne détenue par les clients afin de renflouer l’Etat chypriote en quasi faillite et les établissements qui l’avaient financé. Afin d’éviter une révolte populaire, les clients les moins bien fournis étaient finalement exemptés de cet impôt exceptionnel. Loin d’être une idée de dernière seconde, le projet avait été débattu et finalisé lors des réunions avec les membres de la Banque centrale européenne, de la Commission de Bruxelles et du Fonds monétaire international. Précédent majeur dans l’Union européenne, cet évènement a été copié le 4 septembre en Pologne, où le gouvernement du premier ministre Donald Tusk – pressenti pour un poste important à la Commission européenne – a confisqué sans préavis l’épargne-retraite privée des Polonais. Il pourrait servir de modèle pour maintenir en vie un système financier à bout de souffle.

A peine le pillage de l’épargne des Chypriotes était-il terminé et l’ouverture des comptes bancaires rétablie sur l’île que le vice-président de la Commission européenne Olli Rehn préparait une directive visant à assurer « la stabilité du système bancaire européen » (https://www.politiquemagazine.fr/chypre_un_avant_gout.html). Le but ? Légaliser dans toute l’Union européenne le prélèvement de l’épargne des ménages afin de renflouer les gouvernements et les établissements qui achètent leurs titres obligataires. Pourquoi ne pas laisser les Etats en difficulté sortir de la zone euro et se financer avec une monnaie nationale ? Car la sauvegarde de la devise européenne et du système bancaire qui y est associé est un préalable indispensable à la constitution d’un budget central. En effet, seule la monnaie unique permettrait la levée d’euro-obligations gérées par un organisme fédéral et l’établissement d’un gouvernement économique unique, objectifs désormais affichés du projet européen.

En attendant la prochaine fois
Depuis quelques mois, les programmes de centralisation européenne s’accélèrent et se durcissent, sans la moindre concertation populaire : accord – après treize petites heures de discussion en juin dernier – pour le lancement d’unvaste partenariat avec les Etats-Unis (qualifié d’ « Otan économique » par l’ambassadeur américain à Bruxelles), séminaire au sein du ministère du Trésor sur le fédéralisme budgétaire européen en compagnie de la direction du FMI le 10 septembre, décision définitive (peu après les élections législatives allemandes de fin septembre) pour une supervision de l’ensemble du système bancaire par la Banque centrale européenne, qui bénéficiera ainsi d’un droit de regard sur les choix financiers des établissements ‘privés’. Pour le
moment, les Allemands laissent faire, en freinant les projets les plus à même d’empiéter sur leur propre souveraineté financière.

Le 9 octobre dernier, le Fonds monétaire international (organisme d’origine américaine dirigé par la Française Christine Lagarde) publiait une étude dans laquelle il préconisait très sérieusement de réduire le montant des dettes publiques en ponctionnant directement dans les comptes bancaires des clients. En prélevant 10% de l’épargne nette positive des ménages, il serait ainsi possible de faire baisser la dette au niveau de 2007, soit avant le début de la crise financière. En attendant la prochaine fois… En France, l’épargne des ménages (assurances-vie, Livret A etc) approchent le montant de la dette publique, laquelle dépasse désormais les 1900 milliards d’euros. Le gâteau est tentant. Et le gouvernement a déjà commencé à céder aux sirènes de la ponction forcée. Ainsi Jean-Marc Ayrault et Pierre Moscovici réfléchissent-ils à supprimer rétroactivement les avantages fiscaux des Plans épargne logements et des Plans épargne en actions, qui avaient été très utilisés par les Français
pour cette raison même. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 prévoyait ainsi de taxer à 15,5% tous les gains et intérêts produits par ces comptes depuis 1997. Si l’article en question a été retiré en catastrophe pour éviter une nouvelle grogne fiscale, l’idée pourrait réapparaître après les prochaines élections municipales et européennes.

 L’euro, entre desseins politiques et intérêts financiers

Si les gouvernements de la zone euro s’apprêtent à ponctionner de force l’épargne de la population, c’est dans le seul but d’éviter le scénario grec : la dette publique était devenue telle que le gouvernement ne pouvait plus payer ses intérêts d’emprunt, forçant les banques à prendre leurs pertes sur les obligations d’Etat hellènes et augmentant le risque d’une dissolution de l’euro dans les pays du sud de l’Europe. En légalisant la spoliation des épargnants, les finances des Etats seraient maintenues à flots et ceux-ci pourraient continuer à s’endetter auprès des banques. Ces dernières ne sont pas prêtes à abandonner la formidable rente que leur offre le monopole d’achat d’obligations d’Etat : rien qu’en France, les intérêts cumulés leur ont rapporté 1400
milliards d’euros (valeur 2009) depuis 1980, selon les calculs des analystes Philippe Derudder et André-Jacques Holbecq.

La dette publique, une affaire rentable, éditions Yves Michel, 157 pages, 7.95 euros.

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