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N’est pas Thatcher qui veut

Les conservateurs anglais se sont toujours adaptés à la société. Le tort de Liz Truss est sans doute d’avoir endossé une panoplie qui n’était plus d’actualité à une époque si chargée en crises que seul le pragmatisme prévaut.

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N’est pas Thatcher qui veut

Une révolte au sein de son propre parti avait chassé Boris Johnson du pouvoir début septembre. Son bilan était mitigé, mais au moins avait-il accompli ce que l’électorat souhaitait : le Brexit, voté par référendum en 2016, mais bloqué au Parlement, et ce après une victoire électorale retentissante le 12 décembre 2019. Mais la raison immédiate de son départ n’a pas tant tenu à son bilan, ni à sa personnalité clivante et très particulière, qu’au fait qu’il a menti à la Chambre des Communes à propos de « pots » organisés à Downing Street pendant le confinement. Au Royaume-Uni, on peut se permettre beaucoup de choses, mais pas de mentir aux Chambres.

Son successeur très provisoire, Liz Truss, qui était secrétaire d’État dans son dernier gouvernement, a suivi un parcours politique complexe : elle fut d’abord membre du parti libéral-démocrate jusqu’en 1996, puis passa chez les Tories ; elle fut d’abord anti-Brexit, avant de se rallier à celui-ci et d’embrasser pleinement le credo d’une Grande-Bretagne mondialisée et hyperlibérale à la Thatcher. Mais son expérience gouvernementale, malgré sa jeunesse, était considérable : depuis 2014 l’Environnement, puis la Justice, puis le Trésor, puis le commerce international, puis les Femmes et les Égalités, avant le Foreign Office. Elle connaissait donc bien les arcanes du système gouvernemental, autour du Cabinet Office et du réseau des très hauts fonctionnaires. 

Comme disait Churchill, « dans son infinie sagesse, Dieu a fait les Britanniques très différents des Français ». Le fait que pas un seul des quatre principaux membres du gouvernement Truss n’aient été à la fois homme et blanc a été noté au Royaume-Uni, mais sans commentaires particuliers. Au moment même où les funérailles d’Elisabeth II évoquaient une très vieille Angleterre (soigneusement relookée cependant), le pays se dotait d’un gouvernement en rupture avec les traditions assez « blanches », machistes et protestantes et des classes dirigeantes britanniques (je rappelle que jusqu’aux années 1960 un catholique ne pouvait pas devenir professeur à Oxford…).

Une économie britannique dans le réel

Remarquons cependant que ces adaptations à une société changeante font partie de la tradition conservatrice : au XIXe siècle, ce sont les Tories qui à plusieurs reprises élargirent un droit de suffrage au départ très limité, afin de couper l’herbe sous le pied du parti libéral. Au XXe siècle, on pourrait citer la transformation de l’Empire en un Commonwealth à la fois peu structuré mais influent, ou encore les nombreux changements de cap à propos de la Communauté puis de l’Union européenne. Ajoutons cependant qu’en l’occurrence cette expérience ne paraît pas concluante…

Liz Truss avait inauguré ses fonctions avec un projet budgétaire radical, mis en musique par son chancelier de l’Échiquier, Kwasi Kwarteng : hausse massive des dépenses pour aider l’économie britannique à surmonter les conséquences de la pandémie et maintenant du conflit ukrainien, et en particulier pour compenser l’inflation qui frappe durement les ménages, moins protégés par divers « boucliers » que leurs homologues continentaux. Mais son programme comportait aussi des allégements fiscaux, selon un credo en apparence très thatchérien (même si en fait la Dame de Fer, sans s’en vanter, avait accru le pourcentage des dépenses sociales dans le PIB…). En particulier la suppression de la tranche la plus élevée, à 45 %, de l’impôt sur le revenu.

Ce fut immédiatement la catastrophe, avec trois crises financières et monétaires successives malgré des interventions massives de la Banque d’Angleterre, qui a relevé ses taux et en fait a pris le contrôle de la politique budgétaire. Il est important de comprendre les mécanismes à l’œuvre au sein de l’économie britannique, que les Français ne peuvent pas imaginer : ils n’ont plus d’économie réelle, mais un monde théorique de statistiques sans signification et une planche à billets. Mais les Britanniques sont tous très directement touchés, et comprennent l’essentiel. D’abord, tout le monde paie l’impôt sur le revenu, et pas moins de la moitié des citoyens, comme en France. Ensuite, sauf pour la fonction publique, relativement peu étendue, les retraites sont gérées par des fonds de retraite privés, sur la base de la capitalisation (y compris mes collègues universitaires, qui depuis quelques années voient fondre leurs perspectives de retraite). Or ces fonds placent leurs réserves largement en fonds d’État britanniques : quand la valeur de ceux-ci baisse, c’est immédiatement sensible. 

Impasse politique britannique

Ce que l’on sait encore moins, c’est que les prêts immobiliers britanniques sont à taux variable : quand les taux remontent, c’est immédiatement répercuté sur les remboursements mensuels. Si on ajoute à cela l’effet politico-psychologique désastreux de la suppression de la tranche à 45 %, les Conservateurs se sont effondrés dans les sondages, tandis que les Travaillistes caracolent à des taux qu’ils n’avaient plus connus depuis longtemps. Le récent congrès du parti conservateur, à Birmingham, qui aurait dû adouber triomphalement Liz Truss, a manifesté la mauvaise humeur des Tories, et le Premier ministre a eu du mal à affirmer son autorité – tout en renonçant à la suppression de la tranche à 45 %.

L’idée qu’il faut alléger les charges pesant sur l’économie pour relancer la machine n’est ni nouvelle ni idiote, mais difficile à appliquer en pleine relance de l’inflation au niveau mondial. On peut comprendre le projet d’une économie britannique plus ouverte sur le monde et plus dynamique que celle de l’Union européenne, qui sombre dans une réglementation de plus en plus tatillonne. D’autre part le Royaume-Uni dispose de certains atouts dans la crise de l’énergie (comme le gaz de la Mer du Nord). Mais on constate que Liz Truss a été obligée, le 14 octobre, de renvoyer son chancelier de l’Échiquier et de renoncer à la plupart des allégements d’impôts annoncés. Et malgré ce délestage, elle est finalement tombée sous les coups de son propre parti le 20 octobre.

Le Royaume-Uni est donc parvenu à une impasse politique. Les Travaillistes réclament des élections générales, on peut les comprendre, même si ce ne sera probablement pas le cas. Mais ce n’est pas le seul problème britannique : il y a d’abord la guerre en Ukraine et ses perspectives d’escalade. La Grande-Bretagne s’y est fortement impliquée, Boris Johnson tout particulièrement. Si le conflit se poursuit en 2023, Londres sera soumise à de très fortes pressions de la part de Washington pour augmenter l’aide à Kiev, relancer les commandes aux industriels de l’armement (alors que l’établissement militaire britannique s’est réduit ces dernières années encore plus vite que le français). Au prix du retour à l’équilibre des finances publiques, au nom duquel on a fait tomber Truss…

Deux problèmes : Irlande et Écosse

Et deux autres problèmes pressants existent : l’Irlande du Nord et l’Écosse. D’autant plus que pour ces deux contrées le changement de souverain britannique n’est pas sans conséquences possibles. Pour l’Irlande du Nord, les partisans du Sinn Fein nationaliste irlandais l’ont emporté aux dernières élections sur les Unionistes : la démographie joue en faveur des Catholiques. Mais rien n’est simple dans cette question : on peut se demander combien d’habitants de l’Ulster seraient vraiment prêts à abandonner le système de santé britannique, gratuit, pour l’irlandais, aux honoraires de consultation fort élevés. Londres cependant doit naviguer entre les uns et les autres, entre Belfast et Dublin, mais en tenant compte de Bruxelles, qui n’a pas l’intention de faire le moindre cadeau, et de Washington, qui pas plus que Bruxelles n’est disposé à accepter le rétablissement de la moindre barrière entre les deux Irlande. On n’est pas près de parvenir à une solution.

Pour l’Écosse, la première ministre, Nicola Sturgeon, veut un nouveau référendum. Londres dit qu’elle n’a pas le droit d’y procéder sans l’accord de Westminster. C’est une question juridique très complexe, qui est désormais devant la Cour suprême britannique. Donc on est dans l’incertitude. On peut penser cependant que la crise actuelle fera que les Écossais seront moins désireux de se lancer dans une aventure aux suites incalculables ?

Quoi qu’il en soit, le plus probable paraît être l’arrivée au pouvoir des Travaillistes lors des prochaines élections, au plus tard en 2024 ou 2025. Ce serait un grand changement, après douze ans de règne conservateur, avec des conséquences internationales possibles. Certes ce n’est pas une certitude, étant donné la souplesse et la rapidité de réaction du monde politique et économique britannique, ainsi que de l’électorat. Cependant l’horizon de l’Europe est plutôt le déclin, la pauvreté, le rationnement, la macération : l’ambiance morale qui convient le mieux aux Travaillistes…

 

Illustration : Liz Truss, une semaine avant sa démission officielle.

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