Les prix de l’énergie s’envolent. L’interminable transition écologique consacrent curieusement les énergies fossiles, indispensables autant qu’elles sont décriées. Et nous payons le prix les mauvaises politiques bien plus que celui d’une pénurie toute relative.
La chose était entendue, le monde allait vers les énergies décarbonées et le discours écologiste saturait l’espace médiatique. Arrive là-dessus le ralentissement de la croissance provoqué par la crise sanitaire et voilà que, semble-t-il, plus personne ne voulait de pétrole et de gaz : grave erreur d’optique ! Mais, il est vrai qu’à court terme, la demande s’effondrant, les prix suivaient à la baisse, le baril repassait en dessous de 50 $, une aubaine pour les consommateurs et le pouvoir en France, qui pensait pouvoir digérer la crise des Gilets jaunes par le seul jeu d’un marché baissier. Les investisseurs en tiraient les conséquences et réduisaient la voile, à quoi bon chercher du pétrole si sa demande s’effondre ? Résultat, avec la reprise et, surtout, l’impéritie des choix écologiques, la demande rebondit et la relative rareté des hydrocarbures – les stocks sont au plus bas, due aux sous-investissements – provoque la flambée des prix. Chute de l’offre qui est également alimentée par le “boycott” de la finance contre les énergies fossiles ; le zèle de la finance mondialisée à faire de l’écologie moralisatrice est parfaitement hypocrite et vise surtout à s’exonérer de ses turpitudes ploutocratiques. Mais cette logique de marché n’est pas la seule. Le pétrole continue à progresser.
Il a dépassé les 80 $ et l’OPEP maintient ses quotas à bas niveau de livraison. Résultat, le cours du pétrole est à son plus haut niveau depuis 2014. Et son augmentation est supérieure (28 %) à celle qui provoqua la crise des Gilets jaunes. Quant au prix du gaz européen, il est en hausse de 100 % par rapport à août dernier.
Poutine à la manœuvre
Le président Russe refuse d’augmenter sa fourniture de gaz, non seulement parce qu’un prix élevé représente un bénéfice non négligeable pour un pays dont les exportations sont majoritairement de matières premières, mais aussi parce que cela lui permet de peser dans les négociations avec l’Europe, notamment dans le cadre du projet du gazoduc Nord Stream 2. Il considère, à juste titre, que les États européens sont responsables. Selon lui, le tournant vers les énergies renouvelables provoque un sous-investissement dans les énergies fossiles et donc une envolée des prix. Et c’est aussi la réponse du berger à la bergère, en représailles aux sanctions qui le visent pour son soutien aux séparatistes ukrainiens. Mais plus on avance dans la sévérité des sanctions à l’encontre du régime russe, moins on a de prise sur lui (Donbass, Syrie, Iran) et plus la Russie se rapproche de l’Asie (accords de Shangaï, ces accords comprenant aussi de la fourniture de gaz à la Chine).
Retour aux années 70 ?
Certains signes ont des allures d’années 70. Tout d’abord l’impact sur l’inflation. Les banques centrales ne parlent plus d’inflation temporaire et pensent à une réduction de l’assouplissement monétaire (QE), lui-même facteur d’inflation. À dire vrai, l’inflation des années 70 était d’ailleurs moins due au pétrole qu’au choc monétaire provoqué en août 71 par Nixon en brisant la convertibilité internationale or du dollar.
Mais le vent, la biomasse et le solaire n’étant pas près de nous chauffer et de nous permettre de nous déplacer, le nucléaire revient au premier plan énergétique qu’il n’aurait jamais dû quitter et c’est là la grande différence avec les années 70 où le programme nucléaire, décidé en décembre 73 par le gouvernement Messmer (donc sous Pompidou), n’entra en production qu’au début des années 80. Il provoqua d’ailleurs une baisse significative du prix du pétrole. Nous allons devoir nous résigner (surtout les écologistes) à utiliser de longues années encore ces énergies fossiles, mais grâce à eux, à prix fort, merci messieurs ! Pire encore, le charbon va continuer d’être utilisé (il fournit un tiers de l’électricité produite dans le monde) : la Chine mais surtout la Russie en ont encore beaucoup, pour cette dernière les réserves sont de plusieurs centaines d’années. En revanche, la Chine connaît de fortes pénuries d’électricité. La province du Liaoning, première économie de la ceinture industrielle du nord-est du pays, connaît ces pénuries d’électricité malgré les efforts du gouvernement pour stimuler l’approvisionnement en charbon, lequel devient plus rare et plus coûteux à exploiter en Chine.
Le Liaoning est aussi le premier consommateur d’électricité de la République populaire de Chine. La crise énergétique met en évidence la difficulté de réduire la dépendance de l’économie mondiale à l’égard des combustibles fossiles, et singulièrement l’économie chinoise, peu avant le début des discussions de la COP26 contre le changement climatique, qui se tient à Glasgow jusqu’ au 12 novembre. Croissance ou pollution, il faudra choisir.
Quand la fée électricité devient en France la fée carabosse
12 % d’augmentation une note salée ! Certes EDF achète l’électricité plus cher à cause de la hausse des prix de l’énergie. Elle doit donc la revendre plus cher, néanmoins, on ne sache pas que l’uranium ait augmenté. Mais il n’y a pas que cette seule explication, cette grande et belle entreprise a perdu, depuis des années, beaucoup d’argent en raison de l’impéritie de sa gouvernance, des errements de sa politique, depuis Mme Lauvergeon, protégée de Mitterrand (achat d’une mine d’uranium sans… uranium), en passant par les erreurs de Mme Voynet (suppression du surgénérateur de Creys-Maleville) et jusqu’aux difficultés de l’EPR. Les consommateurs en payent le prix. Enfin, ils payent aussi le prix du marché unique européen c’est-à-dire le prix allemand d’une Allemagne qui a renoncé au nucléaire. Même le ministre des Finances, Bruno Le Maire ose la critique : « Le marché unique européen de l’électricité ne marche pas, il est aberrant », n’allant pas jusqu’à souligner que les Français, en acceptant Maastricht, en subissent logiquement les conséquences, celle d’une Europe allemande.
Le pouvoir, face à cette augmentation, a décidé des gratifications en forme de chèque-énergie, d’autres suggèrent la baisse de la TVA. Il reste encore une autre solution, diminuer les privilèges des employés d’EDF, qui coûtent aux contribuables 2,3 milliards d’euros chaque année en retraites (800 millions d’euros par an), parc de logement (295 millions) et primes sociales (681 millions), selon les chiffres de l’IREF, alors qu’EDF perd en moyenne 100 000 clients par an, paie ses employés 8 à 10 % de plus que ses concurrents et les fait bénéficier d’une facture d’électricité bien légère : ils n’en paient que 5 à 10 %. En 2019, la Cour des comptes évaluait le coût de cet avantage à 295 millions d’euros. Il profite à 300 000 agents actifs, agents à la retraite, veufs et veuves d’agents, pour les résidences principales comme pour les résidences secondaires, sans limite de consommation, y compris l’exonération d’abonnement qui coûte en principe 92€ minimum. Et ne parlons pas des scandales liés au Comité d’entreprise qui défrayèrent la chronique.
Quel est finalement le point commun à tous ces constats, pour éloignés qu’ils paraissent ? En bonne logique, la hausse des prix est due à une pénurie du bien considéré. Or il n’y a pas pénurie absolue, on s’aperçoit ici que les hausses de prix sont beaucoup plus imputables aux erreurs de gestion et de politique économique, et aux rapports de force mal gérés dans les relations internationales : politique d’abord et toujours !
Ce qu’il faut donc à la France, c’est un grand plan de relance du nucléaire mais aussi un effort significatif d’information qui ne soit pas biaisée, quand 70 % des Français pensent que les centrales nucléaires émettent du CO2 lorsqu’elles sont en activité, alors que ce qu’ils voient, c’est la vapeur d’eau des tours de condensation. Affligeant ! L’écologisme serait-il un obscurantisme ?
Illustratiion : Poutine pousse ses oléoducs partout vers l’Europe et la Turquie. Un sujet d’irritation pour les défenseurs des droits de l’homme, qui préfèrent des européens frigorifiés ou appauvris.