Une vie d’homme compte peu de nouveautés politiques véritables. La mienne en comptait deux, jusqu’à ces jours-ci.
D’abord, le coup d’État du 13 mai 1958, qui ouvrit l’espérance d’un renouveau et s’acheva, dix ans plus tard, dans la chienlit et le départ de celui qui devait sauver la patrie : Charles de Gaulle. Ensuite, le 10 mai 1981 : « le fait nouveau du socialisme au pouvoir » consolida, par la loi et l’argent, la domination culturelle et morale de la pensée révolutionnaire que Mai 68 annonçait.
Depuis, les alternances droite/gauche n’ont rien changé au cours général des lois et des mœurs : destruction de la famille, rupture de la transmission, accroissement de la déchristianisation, émergence de coutumes et de comportements religieux étrangers… Le cours de cette décadence est allé plus vite encore que les pires pessimistes ne l’avaient prévu. Lorsqu’en 1981 j’avais évoqué dans une conférence le possible futur mariage homosexuel, de bons amis m’avaient reproché ce qu’ils considéraient comme un emportement oratoire.
Si nous devions remonter le temps jusqu’à nos grands-pères, nous constaterions que les seules ruptures avec ce consensus révolutionnaire hérité des « Lumières » auront été la création de L’Action Française et les deux premières années de la Révolution Nationale : Maurras, Pétain, deux noms qui résument, pour ce courant, l’abomination.
Or, voici une candidature à l’élection présidentielle qui ne vient pas du monde politicien et qui est porté par un homme né au cœur de ce monde médiatique et le connaissant comme un enfant connaît son terrain de jeux. Journaliste de la presse écrite, radiodiffusée et télévisée, auteur à succès, Éric Zemmour est un Français d’Algérie, d’origine berbère et de confession juive, ancien de Sciences-Po et candidat malheureux à l’ENA. Seuls son goût de la vérité, sa passion de la liberté et son amour fervent de la France l’ont fait entrer en politique.
Sa parole, alors, a résonné d’un écho très profond dans une jeunesse qui manifestait son refus de la décadence mais ne trouvait aucune issue pour entrer dans l’univers politique. Entre une contestation de l’ordre établi aussi impuissante que radicale et le rôle de supplétifs toujours trahis par les partis officiels à qui elle apportait son énergie, elle pouvait se compter près d’un million dans la rue, elle comptait pour rien en politique.
Cette jeunesse est, pour une bonne part, catholique et traditionnelle. Elle se dirait aisément royaliste. Ni Maurras ni Pétain ne lui font peur. C’est tout naturellement qu’elle s’est appelée Génération Zemmour. Où ira ce fait nouveau ?
Sa réserve intellectuelle est un vrai trésor. Tous les maîtres de la Contre-Révolution sont à sa disposition, de Joseph de Maistre à Jean Ousset et Jean Madiran, du Cardinal Pie à Maurras et Thibon, de Balzac et Ozanam à Bainville et Daudet, d’Homère à Mistral en passant par Dante, Ovide et Virgile, de Platon et Aristote à Cicéron et Berryer. Ils sont les enfants de saint Louis, de Louis XIV et de Napoléon, les petits- cousins de Du Guesclin et de Jeanne d’Arc, les petits- neveux de ceux de 14 et des poilus de Verdun. Les plus grands ont connu Hélie de Saint-Marc. Alors ils sont promis, avec beaucoup de persécutions, à la victoire.