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Traités du remplacisme

Condamné pour provocation à la haine raciale, le 17 février écoulé, par la chambre des appels correctionnels d’Agen, à une peine d’un mois de prison avec sursis et à verser la somme de 1000 euros à chacune des associations qui se sont portées parties civiles lors de son procès – SOS Racisme, Touche pas à mon pote et la LICRA –, l’écrivain gersois, ami du philosophe Alain Finkielkraut, n’en continue pas moins, certes de manière fort discrète – d’aucuns ajouteraient même assez confidentielle –, à occuper le devant de la scène littéraire.

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Traités du remplacisme

Ayant longtemps publié à compte d’auteur – après avoir été banni par ses éditeurs –, l’essayiste a trouvé aux éditions de La Nouvelle Librairie un relais aussi sérieux qu’efficace à la promotion de ses œuvres – son responsable, François Bousquet, lui ayant même consacré un long entretien dans le dernier numéro de la revue Eléments. C’est ainsi qu’après avoir réédité un recueil de textes et de discours, pour certains inédits, sous le titre Le Grand Remplacement – sous-titré « Introduction au remplacisme global » –, l’éditeur de la rue Médicis a réédité récemment leurs suites logiques avec, d’une part, Le Petit Remplacement, d’autre part, La Dépossession – sous-titré « Ou du remplacisme global ».

Le Petit Remplacement ne renferme pas moins de six essais antérieurement publiés par le prolixe et éclectique écrivain de Plieux : La Dictature de la petite bourgeoisie (2005) ; La Grande Déculturation (2008) ; Décivilisation (2011) ; Les Inhéritiers (2012) ; La Civilisation des prénoms (2014) ; et Le Mot “musique” (2018). Camus défend la thèse, assez simple mais irréfragable, des multiples petits changements qui, de proche en proche, ont littéralement transformé et modifié le visage, les mœurs, la culture, les habitudes, jusqu’à la langue et aux comportements de nos sociétés devenues hypermodernes. Pour Camus, « le Petit Remplacement c’est le changement de culture. Le Grand Remplacement c’est le changement de civilisation. Le Petit Remplacement c’est le changement de sens. Le Grand Remplacement c’est le changement de sang. Le Grand Remplacement n’est rendu possible que par le Petit. Toutefois il l’accélère à son tour. L’interaction est réciproque ».

Avec La Dépossession, l’écrivain poursuit sa réflexion sur ce processus implacable et inexorable qu’il appelle le « remplacisme ». Qu’est-ce que la dépossession ? C’est l’expropriation de l’homme enraciné par son double déraciné. Renaud Camus en situe l’origine à la fin du XIXe siècle quand la Science remplaça Dieu comme instance suprême de la vérité. Dans cet essai aussi magistral que monumental (près de 850 pages), l’auteur se plonge dans la généalogie philosophique du « Remplacement », ce mouvement tectonique qui travaille les profondeurs anthropologiques et culturelles de nos sociétés post-industrielles, en y substituant toutes choses par son ersatz plus simple, plus efficace, moins coûteux, normalisé, standardisé. Ainsi dépossédé de son essence, l’être humain n’est-il plus qu’un rouage de la mégamachine productiviste et consumériste, identique aux autres, remplaçable à souhait. Pour Camus, la Dépossession est au principe même du Grand Remplacement

L’ouvrage est d’autant plus passionnant que Camus fait œuvre de théoricien d’une thématique, que les sophistes paresseux et malintentionnés eurent tôt fait de cataloguer dans le débat public comme conspirationniste ou d’« extrême droite ». En fin de volume, un glossaire définit les mots essentiels (Davocratie, Faussel, Nocense, Grande Presse, etc.) pour cerner au plus près l’artificialisme d’un monde que Guy Debord avait commencé par voir comme « Spectacle », soit ce moment factice de la marchandisation unidimensionnelle – pour parler comme Herbert Marcuse.

De la même façon que Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, l’actuelle campagne pour la présidentielle a ânonné, consciemment ou inconsciemment, le refrain « remplaciste » entonné depuis des lustres par l’écrivain Renaud Camus. Une prophétie qui a (hélas) de l’avenir.

 Renaud Camus, Le Petit Remplacement. La Nouvelle Librairie, 2021, 690 p., 28 €

 Renaud Camus, La Dépossession ou du remplacisme global. La Nouvelle Librairie, 2022, 848 p., 33,50 €

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