Notre-Dame, joyau de l’architecture gothique dont la première pierre fut posée en 1136, porte la grande histoire de la France, et doit son nom à Maurice de Sully évêque de Paris qui voulut la dédier à la Vierge Marie.

Sur une lecture de Samuel Labarthe, l’ouvrage écrit par Sylvain Tesson, avec l’élégance qu’on lui connaît, se décline en quatre chapitres. Le récit s’ouvre sur un hommage et une déclaration d’amour envers celle qu’il considère l’avoir sauvé après son accident en 2014 et l’aveu d’une foi, aujourd’hui plus ancrée. Un écho particulier les lie physiquement et spirituellement. Écrivain-voyageur, aventurier de l’extrême, l’auteur évoque ses escapades du beffroi aux gargouilles jusqu’à la flèche puis sa chute d’un toit qui aurait pu lui être fatal. La vie du quotidien lui semblait-elle si dérisoire ? Sentiment de liberté, d’insouciance ? Sans prêter plus d’attention au mystère et à la grâce des lieux. Commence alors une longue rééducation qu’il effectuera en montant chaque semaine les 450 marches qui mènent aux tours de l’édifice dont il connaît les moindres recoins, jusqu’aux idéogrammes laissés par les compagnons. Sous la brillante virtuosité de Samuel Labarthe éclatent au fil du récit l’érudition et le talent descriptif de l’auteur célébrant la majesté de la cathédrale où l’on se rapproche du sublime artistique et religieux. Puis, en 2019, saisis d’effroi, nous assistons à l’embrasement de Notre-Dame dont la flèche emportée par les flammes tombe. Serait-ce, nous dit l’auteur, « la conséquence de notre arrogance ? » « Et si nous méritions ce grand effacement ? » Bonne question ! Arriva la lente reconstruction où compagnons et artisans d’art travaillèrent sans relâche en utilisant les techniques médiévales, sans rivets ni chevilles « pour ne pas crucifier la poutre et que l’équilibre des forces, la souplesse des bois et l’intelligence des géométries suffisent à soutenir les deux cents dix tonnes du toit de plomb sans besoin de planter un seul clou ». La patience, la volonté, le prodigieux savoir-faire des gardiens du geste ont contribué à la renaissance de Notre-Dame. Le livre de Sylvain Tesson, au-delà d’un acte de reconnaissance et de louange, pose une question : comment en sommes-nous arrivés là ? Faut-il y voir le reflet de notre société désinvolte et indifférente à tout « Dis-moi, nous dit l’auteur, quel feu tu éteins, je te dirai à quoi ressemble le monde dans lequel il s’est allumé ». Cet ouvrage est aussi un voyage immobile, une invitation, si nous le voulons, à lever les yeux vers une voie qui nous attend.

Théâtre de Poche, 75 bd du Montparnasse 75006 Paris. Réservation : 01 45 44 50 21