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S’abandonner à vivre

De Sylvain Tesson. Lecture par Judith Magre.

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S’abandonner à vivre

Écrivain-voyageur, Sylvain Tesson publie en 2014 S’abandonner à vivre, une invitation au voyage, pas très loin, juste à l’intérieur de nous-mêmes. Dans le décor du Théâtre de Poche nous sommes conviés à re(découvrir) trois nouvelles extraites de son recueil : La gouttière, L’Exil et La bataille qui prennent corps par la vitalité narrative de Judith Magre, seule sur scène. Ces chroniques n’ont aucun lien entre elles, sinon celui de la vie et de ses écueils, et le fil rouge du « pofigisme », concept russe que l’auteur définit comme une « résignation joyeuse, désespérée, face à ce qui advient ». La Gouttière nous apprend qu’une fracture du calcanéum, désignée sous le nom de « fracture des amoureux », survient quand l’amant saute trop vite du balcon pour échapper au mari. Nous ne dévoilerons pas l’issue de l’histoire, des plus cocasses. Le récit de L’exil, plus poignant, relate les aventures d’un jeune Nigérien, Idriss qui, muni de toutes ses économies, tente de rejoindre l’Europe qu’il voit, la tête dans les étoiles, comme une terre promise. Après maintes mésaventures il se retrouve en France, sans ressources, le cœur au bord des lèvres, regrettant la douceur de son village natal. Dans La Bataille, l’interdiction de la célébration de la victoire napoléonienne de Borodino, refusée par la police du canton, relève du vaudeville quand on découvre que le capitaine des Grognards et le chef de la milice partagent la même femme… Les personnages se succèdent et vivent un moment clé de leur existence. Un geste, une décision, une rencontre et tout bascule. Les nouvelles, écrites dans un style vif, espiègle, parfois cru, sans aucune concession, démontrent l’art consommé de la chute, toujours surprenante et qui renvoie à la cruauté de l’existence. Devant les coups du sort, selon l’auteur, deux choix sont possibles : s’agiter comme une mouche prise au piège, ce qui serait une erreur, voire une vulgarité, ou s’abandonner à vivre, s’incliner face à la force du destin, en épouser le mouvement. Il est question de destinée et de libre arbitre et l’auteur observe le monde et les différentes façons qu’ont les hommes de l’appréhender. Sa philosophie « joyeuse et désespérée » dégage une élégance infinie, mais sommes-nous toujours aptes à l’appliquer ? On peut s’éclipser devant la trahison, et ne pas se résigner face à l’injustice. Alors s’abandonner à vivre ? Peut-être.

 

Théâtre de Poche, 75 Bd du Montparnasse, 75006 Paris, 01 45 44 50 21

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