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Le consentement à l’impôt

L’impôt, en France, est inégalitaire et il est vote par des gens qui ne représentent pas ceux qui le paient. Surtout, comment consentir à une redistribution sans frein, qui grève toujours plus lourdement notre avenir, sans réelle contrepartie ? Il est temps de se poser la question de la légitimité de l’impôt.

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Le consentement à l’impôt

Dans un article du journal Les Echos en date du 13 août 2021, le professeur Frédéric Douet a tout particulièrement insisté sur le fait que « le consentement à l’impôt est l’un des principes directeurs de notre pacte social ». Le principe résulte, en France, de l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leur représentant la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ». Ce principe est en fait beaucoup plus ancien puisqu’on le trouvait déjà inscrit en Angleterre dès 1215 dans la Magna Carta et qu’un siècle plus tard le roi Philippe le Bel le faisait appliquer officiellement en France par les États Généraux pour financer la guerre des Flandres.

Dans le cours de l’Histoire, on constate qu’il a été très diversement appliqué selon les époques et les pays, mais qu’il n’a jamais été réellement remis en cause. Du temps où le suffrage censitaire était la règle, seules les personnes payant un certain montant d’impôts directs étaient électeurs. Si donc tous les citoyens n’étaient pas appelés à donner leur consentement à l’impôt, du moins ceux sur qui la charge en reposait le contrôlaient-ils, par leurs représentants élus.

Ce principe figure aujourd’hui à l’article 47 de notre Constitution, lequel déclare que « le Parlement vote les projets de loi de finances ». Si les textes législatifs sont bien clairs, l’application qui en est faite pèche au moins sur deux points importants qui, en fait, dénaturent complètement le principe.

Ce ne sont pas ceux qui payent l’impôt qui y consentent

Officiellement le Parlement est élu au suffrage universel. Dès lors tous les citoyens peuvent y participer puisque tous sont égaux en droit. Mais le principe est bafoué dans les faits : le Parlement est élu par ceux qui ne payent pas l’impôt – du moins l’impôt direct. En effet, aujourd’hui, pour de très bonnes raisons peut-être, plus de la moitié des citoyens est exonérée en tout ou partie de l’impôt sur le revenu. On y trouve d’abord ceux qui sont le moins favorisés et qui, en 2021 représentent 55 % des foyers fiscaux. On y trouve ensuite, et cela est plus subtil ceux qui ont de très gros revenus – de très grosses facultés contributives – et qui peuvent, avec l’aide de conseils fiscaux autorisés, bénéficier de toutes les mesures d’optimisation fiscale (voire d’évasion fiscale) que les multiples lois ont empilées au cours du temps. Sans compter que les Parlementaires eux-mêmes ne sont pas soumis à l’impôt de la même façon que les autres citoyens.

Dès lors la charge des impôts directs repose en très grande partie sur les « classes moyennes », autrement dit sur les forces vives du pays. Comme les campagnes électorales donnent un avantage aux candidats dont les promesses démagogiques séduisent les intérêts égoïstes des électeurs, la minorité sur laquelle pèse la charge des impôts directs n’a aucune chance d’être entendue ; elle ne peut pas être représentée. On est donc ici à l’opposé du système censitaire : ce ne sont pas ceux qui payent l’impôt qui y consentent mais ce sont ceux qui ne le supportent pas qui étendent sans cesse le champ des emplois financés grâce à lui. Ils cherchent ainsi à bénéficier de redistributions toujours plus importantes. Il n’y a donc plus consentement à l’impôt de la part de ceux qui le supportent mais spoliation de leurs revenus par ceux qui ne contribuent pas équitablement aux besoins de la communauté nationale. Il ne faut pas s’étonner de voir que la charge de ces impôts augmente toujours plus sur le dos de ceux qui en sont redevables car il est toujours plus facile d’être généreux avec l’argent des autres.

Il n’y a pas de réel consentement à l’impôt

En France, en 2020, alors que les mesures pour lutter contre la pandémie n’avaient pas encore atteint les sommets qu’elles ont allègrement vaincu depuis, les dépenses de l’État ont, en gros, correspondu au double de ses recettes. C’est-à-dire que la moitié des dépenses n’ont pas été financées ou encore que l’impôt auquel les représentants du peuple ont donné leur consentement ne couvre que la moitié des dépenses.

Le Conseil d’État, lui-même s’est ému de voir que le déficit structurel (c’est-à-dire celui qui apparaît avant toute mesure nécessitée par des événements non prévus) s’élèverait en 2021 à environ 4,5 points de PIB – plus que le montant total des investissements publics programmés. L’avant-projet de budget pour 2022, année électorale oblige, est bâti avec un déficit record encore plus important. C’est-à-dire clairement que le Gouvernement renonce lui-même à solliciter l’accord des représentants du peuple sur le financement de ces mesures. Qui dit consentement à l’impôt dit que toutes les dépenses sont couvertes. Le recours à l’emprunt pour financer certaines dépenses signifie que non seulement la couverture de ces dépenses n’a pas été approuvée mais encore que l’on charge le budget des générations suivantes qui devront faire face au remboursement de ces dettes pour l’usage desquelles personne n’aura jamais sollicité leur consentement.

De tels budgets violent purement et simplement l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui fait pourtant intégralement partie de notre « bloc constitutionnel ». En effet cet article prévoit expressément que les citoyens doivent consentir au recouvrement et à la durée de la contribution publique. Avec des emprunts ainsi reconduits d’année en année les représentants des citoyens ne sont donc pas appelés ni à suivre le mode de remboursement, ni à consentir librement à sa durée. Quant au montant même de cette charge, il ne peut y consentir non plus puisqu’il ne la connaît pas, celle-ci dépendant de l’évolution des taux sur les marchés internationaux tant que le Gouvernement restera apte à faire « rouler » la dette, c’est-à-dire à la renouveler à son échéance. Selon les chiffres annoncés cette année au premier jour de l’automne le déficit public de la France devrait être de 114 % du PIB. Et ceci est encore sous-estimé dans la mesure où un certain nombre de dettes ne sont pas provisionnées et n’entrent donc pas dans ce calcul, comme, par exemple, les retraites de la fonction publique.

Il n’y a donc pas consentement à l’impôt (et pour une proportion énorme) puisque, un jour ou l’autre, il faudra bien sous une forme ou sous une autre rembourser ces dettes. Que ce remboursement donne lieu à une explosion de la charge fiscale des citoyens, à la spoliation de leur épargne, à l’anéantissement de leur système de retraite ou à la destruction de leur monnaie, peu importe. La cause de cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de leurs têtes est bien l’absence de consentement à l’impôt. Et, ce qu’il y a de plus grave c’est que le Gouvernement lui-même en décide ainsi sans que les « représentants » du peuple, censés être les garants du respect de ce principe, ne s’en émeuvent. Quand le Gouvernement annonce qu’il a baissé les impôts de 50 milliards en cinq ans, il trompe délibérément les Français car, en réalité, il n’a fait que différer dans le temps le paiement des charges bien réelles qu’il a continué à faire croître.

Or, si l’impôt est une contribution obligatoire du citoyen, sans contrepartie, il est indispensable que celui-ci puisse déterminer le bénéfice qu’il peut attendre de cette charge qu’il supporte. S’il ne peut déterminer ce bénéfice, ni simplement en situer l’horizon, il est privé d’une liberté essentielle. S’il rejette la charge de cette contribution sur les générations suivantes, il les prive de cette liberté essentielle. Dans les deux cas, on peut dire avec Hannah Arendt que les lois de finances actuelles sont éthiquement illégitimes. L’État-providence qui s’est arrogé le droit de redistribution des ressources, qui décide seul de ce qui est bon pour le peuple et qui prend en charge jusqu’à sa santé, n’est qu’une démocratie factice qui n’a aucun souci du bien commun. Comme tout débiteur, il y aura bien un jour où il devra rendre des comptes.

 

Illustration : Mais c’est très simple : la réduction d’impôt résultant de l’application du quotient familial ne pourra excéder 1 592 € par demi-part, ou la moitié de cette somme (soit 796 €) par quart de part s’ajoutant à une part pour les contribuables célibataires, divorcés, veufs ou soumis à l’imposition distincte, et à deux parts pour les contribuables mariés soumis à une imposition commune.

 

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