On lui doit plusieurs ouvrages importants, et vient de paraître un recueil de quelques textes courts et complémentaires dans lesquels il pose la question de ce que peut être la tradition et, inversement, envisage quelques dimensions de la modernité. Sur la première, il rappelle que la tradition suppose étymologiquement la transmission de quelque chose qui le sera à son tour. Si ce legs reçu nous transforme effectivement nous-mêmes, nous devons le transmettre intact à d’autres, pour leur permettre de connaître leur propre transformation sur la base de ces principes intemporels. Ce n’est donc pas un hasard si la modernité veut justement briser ces principes, religieux, moraux, sociétaux, pour empêcher que perdure, dans ses avatars différents selon les circonstances de temps et de lieu, un même type humain, toujours réfractaire à sa société idéale bâtie sur une table rase. Borella se pose ensuite la question des rapports entre modernité et philosophie, notamment au regard de la science, puisque l’on sait combien la modernité se veut scientifiquement justifiée. Dans plusieurs petits chapitres il examine par exemple le rôle du dialogue en philosophie, la manière dont l’homme est un être à la fois naturel et culturel, s’interroge sur l’approche cartésienne comme sur le scientisme, et critique enfin, dans des articles maintenant anciens mais qui n’ont rien perdu de leur causticité, les effets du pédagogisme en France. Un livre qui rappelle donc bien des vérités, et ouvre autant de portes.

Jean Borella, Tradition et modernité. La malédiction du progrès. L’Harmattan, 2023, 200 p., 22€