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Gouverner c’est douter. Le scepticisme méthodologique chez Montaigne

Rien ne paraît plus audacieux à l’homme – devrait-on ajouter l’épithète moderne, comme pour caractériser ce type d’homme occidental enfanté par un XXe siècle techniciste, mécaniciste, en un mot, déspiritualisé – que de défier ce qui le transcende, même ce à quoi son entendement se dérobe, ne se souciant guère que sa raison soit enténébrée dans l’ineffable et l’inaccessible, que son Logos s’évapore dans l’immensité infinie du cosmos…

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Gouverner c’est douter. Le scepticisme méthodologique chez Montaigne

Montaigne (1533-1592) dont le fameux « que scay-je ? » s’analyserait de la plus simple manière en un socratisme cartésien, dubito ergo sum (« je doute donc je suis »), a posé que l’homme est bien plus assujetti au temps qu’à l’inertie de son propre être ou bien plutôt est-il le jouet involontaire de cette pesanteur ontologique qu’il appelle le « passage ». À cette aune, rien de plus vain, sinon de plus orgueilleux, que prétendre se détacher de cette loi marmoréenne de la contingence. L’homme est un fétu de paille, en même temps qu’il est cet impassible roc subissant les érosions des éléments et les caprices du climat. De ces perpétuels changements d’état, l’on a vite fait d’en déduire que l’homme du XXIe siècle est ce « lopin » supplémentaire de l’immémoriale humanité qui, se surajoutant à l’homme de la Renaissance, se bercerait dans l’illusion de l’avoir « dépassé », d’en être advenu son double augmenté et amélioré. Dans une ère de chaos comme la nôtre où l’espace-temps, corrélé à un instantanéisme ubiquitaire, se dilate sous l’effet d’un présent atteint d’obésité morbide, l’individu, se sentant désamarré de tout héritage, aura naturellement tendance à interpréter ses délires progressistes pour des réalités de toujours.

L’on aurait tort, cependant, de considérer le Périgourdin comme le père du relativisme – qu’un Pierre-André Taguieff baptiserait de ce néologisme évocateur qu’est le « bougisme ». Certes, le monde est en ébullition constante et Montaigne en prend acte en le percevant comme une « branloire pérenne », ce qui en fait davantage un sceptique quand il estime que seule l’introspection philosophique (« chacun regarde devant soy ; moy, je regarde dedans moy ») est à même de guider l’homme dans les méandres de l’agitation et du désordre. Il en ressort que toute connaissance en soi n’est valide que pour autant qu’elle a été soumise à l’expérience personnelle. Est-ce à dire que toute opinion individuelle doit se voir érigée en étalon suprême de la vérité ? Assurément pas, tant, d’une part, Dieu seul possède l’omniscience, et tant, d’autre part, et surtout, la connaissance divine demeure inatteignable à l’entendement humain, celui-ci n’est rien moins apte qu’à s’arrimer au doute. En ce sens, Montaigne apparaît, mutatis mutandis, comme un précurseur de Descartes, à la notable différence que l’ancien magistrat de Bordeaux cherche moins à administrer la preuve de l’existence de Dieu qu’à fonder en humilité et dans les limites de l’expérience, la sagesse de l’homme.

Un trépas sanitaire

À l’heure de la contrainte vaccinale de masse – bien que certaines castes y échappent à l’instar des parlementaires, des forces de l’ordre ou des enseignants, pour ne parler que de la France –, pratiquer le scepticisme d’un Montaigne – qui, au surplus, abhorrait les médecins tenus par lui pour proprement incompétents, dans l’incapacité dans laquelle ils se trouvaient de soigner ses insupportables coliques néphrétiques – est tout aussi révolutionnaire et subversif que dangereux pour l’ordre établi. Face aux arguments d’autorité – voire autoritaires – du Prince, quoi de plus impérieux que d’opposer la modération et la prudence, attendu que c’est précisément dans la récusation axiomatique de la démesure que se niche la sagesse. En partant du constat patent que le Pouvoir avait, jusqu’à présent, fait preuve de la plus constante des inconstances en tenant pour acquis l’opinion sanitaire du moment, à laquelle se substituait, le lendemain, une opinion contraire frappée semblablement du sceau fallacieux d’infaillibilité. Nos gouvernants auraient gagné – et nous avec eux –, au prix d’un minimum de probité intellectuelle, à admettre que l’erreur sourde et l’ignorance aveugle leur ont journellement tenu lieu de politique. Mais, délaissant le risque de vivre – parce que, dit Montaigne, « la vie doit viser la vie, et la mort adviendra bien toute seule » –, ils ont préféré risquer nos libertés en les immolant dans un trépas sanitaire pesé au trébuchet d’hypothèses scientifiques grevées, par définition, d’incertitudes.

Las, il est vrai que l’on ne lit plus Montaigne, vraisemblablement jugé trop ardu voire abscons à des esprits étrécis et rendus stériles par une éducation nationale au rabais. Sed contra, beaucoup y auraient appris les vertus de l’épochè, cette suspension du jugement, corollaire de la mise en question, de la remise en cause et sur le métier. Gouverner n’a jamais été chose aisée, mais douter protège des égarements.

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