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C’est les soldes, tout doit disparaître !

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C’est les soldes, tout doit disparaître !

L’ère des soldes a débuté ! L’occasion d’écouler les surplus, les stocks et autres marchandises surnuméraires produites en astronomiques quantités, invendables autrement que par l’organisation rituelle, plusieurs fois par an (l’on ne compte plus les « ventes privées » ou « ventes flash » et autres promotions, « offres ultimes » ou « prix cassés »), de ces foires (d’empoigne, parfois) flattant les plus bas instincts consuméristes. Il s’agit alors de rien moins que bazarder, déstocker, en un mot, liquider. Quoi de mieux, dès lors, que de canaliser, d’aiguiller ces flux de la surproduction turbo-capitaliste vers la société liquide, puisque la caractéristique intrinsèque de celle-ci est la réification de l’homme, l’homme-chose étant soluble dans les biens de consommation.

Quiconque n’a nullement entendu parler de Zygmunt Bauman souffre nécéssairement d’un déficit critique qui le pousse à épouser sans discernement des modes sociétales qu’il interprète comme des « avancées » nécessaires à l’épanouissement de la société. Or, sa critique de la société entendue comme flux et reflux permanents est sans doute le meilleur antidote à l’existence quasi-végétative qui est celle de la grande majorité de nos contemporains. Puisque nous sommes « encastrés » (« embedded », disent les Anglais) dans le consumérisme systémique, autant essayer d’en ignifuger les effets les plus toxiques parmi ceux qui tendent à nous ravaler au rang d’objet de consommation. À l’échelle d’une vie, ce combat paraît noble et salutaire car il en va de notre autonomie – laquelle n’a rien à voir avec l’individualisme qui est d’abord un égotisme, sinon un égoïsme –, c’est-à-dire de notre capacité de juger. N’est-ce pas, au fond, la définition authentique de la liberté ?

Vie liquide et modernité liquide

La vie liquide est une réflexion corrosive mettant en procès la modernité, car, nous dit Bauman, « la ‘‘vie liquide’’ et la ‘‘modernité liquide’’ sont intimement liées ». Qu’est-ce que la vie liquide, si ce n’est « une succession de nouveaux départs », étant précisé que « la vie dans une société moderne liquide ne peut rester immobile. Elle doit se moderniser (lire : continuer chaque jour à se défaire des attributs qui ont dépassé leur date limite de vente, continuer de se dépouiller des identités actuellement assemblées et revêtues) ou périr ». Si un philosophe affûté comme Alain de Benoist peut mettre, à l’envi, l’accent sur le turbo-capitalisme, c’est parce qu’un sociologue aussi averti que Bauman, à l’instar de Jean Baudrillard, de Michel Clouscard ou de Dany-Robert Dufour, a su pointer, parmi ses corollaires, ce turbo-consumérisme enté structurellement sur « la non-satisfaction des désirs ». Raison d’être de l’industrie de la consommation et de son marché, elle s’analyse, du point de vue du consommateur, autant comme une pathologie que comme une aliénation : « Ce qui commence comme un besoin doit aboutir à une contrainte ou une addiction ».

Loin de l’avènement du surhomme nietzschéen, on assiste, écrit Bauman, à la généralisation d’un « lumpenprolétariat spirituel ne laissant de place à aucun autre souci que ceux concernant ce qui peut être […] consommé et apprécié sur-le-champ, ici et maintenant ». Le sens critique est ainsi neutralisé, Homo consumans étant ramené à son animalité la plus primaire, celle reliée à ses instincts les plus primordiaux, c’est-à-dire ceux commandant principalement sa survie – en société de consommation, « la satisfaction vient de la survie, la survie ayant pour but plus de satisfaction », souligne Bauman qui diagnostique cet état total sous l’expression de « syndrome consumériste ».

Ce syndrome, explique-t-il, « a trait à la vitesse, à l’excès et au déchet ». Il en résulte, à la longue, des mutations d’ordre anthropologique ayant un impact direct et certain sur l’environnement – terme entendu dans une acception largement écosystémique, voire éthologique. Tout acte de consommation se vit d’abord comme éphémère, le déchet étant la condition sine qua non du renouvellement perpétuel du désir :

Le déchet est le produit de base, sans doute le plus répandu de la société de consommation moderne liquide.

Encore ne s’agit-il, ici, que de la seule dimension « sociale » de la société liquide, laissant dans l’ombre celle, politique, économique et « érudite », des pouvoirs désincarnés, extraterritoriaux, apatrides et souvent anonymes qui érigent la mobilité, le déracinement et l’uberisation en nouveaux principes de gouvernement civil – à rebours de l’ancien localisme, des particularismes culturels et des solidarités organiques naguère appelées « lien social ». Rien n’a de valeur en soi – tout a un prix –, tout circule, rien ne se fixe ni ne dure, tout se consume car tout est consommable, c’est-à-dire jetable et obsolescent. Naguère enserré dans des liens communautaires, l’homme est devenu cette monade déliée de tout, consacrant sa vie à la consommation avec la bénédiction des élites achetant ainsi à vil prix la paix sociale. On ne peut être à la fois consommateur et révolutionnaire !

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