Pourfendeur insolent du nouveau Mao et de son communisme pur et dur, Jimmy Lai n’en finit pas d’en payer le prix. Depuis décembre 2020, il est en prison à Hong Kong. Relâché pendant une semaine à Noël, histoire de lui redonner le goût de la vie familiale, il vient d’écoper d’une nouvelle peine de 5 ans et 9 mois de prison.
Jimmy Lai le 20 novembre 2014 avec les étudiants qui ont installé des tentes au beau milieu de Hong Kong dans le Mouvement des parapluies jaunes. Les mafias l’ont à l’époque aspergé de viscères de porc. Sa famille est plus que jamais surveillée et sujette à des procédures d’intimidation.
Catholique converti sur le tard, coolie devenu milliardaire, Jimmy Lai gagne l’argent nécessaire pour se procurer des crayons d’écolier et du papier à dessin en pliant des enveloppes. Journaliste, infatigable héraut de la liberté politique, fondateur du seul journal d’opposition qui restait à Hong Kong et qui a été fermé l’année dernière, il vient d’être à nouveau condamné. La presse française et internationale en rend assez largement compte ces derniers jours.
Celui qui vient de fêter ses 75 ans sous les barreaux, dans la prison ultra-sécurisée de Stanley vient de perdre une bataille. Il y en aura d’autres. Après la première peine purgée en août 2020 pour un rassemblement interdit pour cause de Covid au Parc Victoria suivi d’une messe en commémoration du 4 juin 1989- le massacre de Tian An Men, Jimmy Lai a eu cet automne un mois de détention provisoire avec un passage à l’hôpital de la prison de Stanley dans laquelle il a attrapé le Covid. Il reprend maintenant presque six ans d’emprisonnement pour une « fraude » qui ne trompe personne : la sous-location non déclarée d’un petit espace dans les bureaux de sa société Next Digital à une société de conseil…
« Ne faites aucun lien avec la politique » a osé lancer le juge, le doigt sur la couture de la robe, reprochant même à Jimmy Lai de ne pas demander un adoucissement de la peine. « Et ils lui donnaient du vin parfumé de myrrhe, mais il n’en prit pas » (Marc, 15,23). Depuis que le chef de gouvernement est « élu » parmi trois candidats choisis à l’avance par Pékin, les Hongkongais savent combien leurs libertés sont en voie de disparition. Après la répression des manifestations de 2019, l’emprisonnement de toutes les figures de l’opposition et de milliers de jeunes, le muselage des médias, la réécriture des livres d’école dans un sens patriotique, l’épuration idéologique dans les écoles et les universités, le départ en masse des fortunes chinoises et des entreprises étrangères pour Singapour, la fin programmée de la liberté religieuse facilitée par une hiérarchie ecclésiastique qui ferme les yeux, il ne reste à Hong Kong plus que quelques voix qui crient dans le désert : Lai est de celles-là.
Ayant fui la Chine à 13 ans, gagnant son pain à la sueur de son front comme coolie pour quelques dollars de Hong Kong par mois, devenu chef d’une entreprise boycottée par le pouvoir, puis engagé à partir du massacre de Tian An Men dans ce qu’il appelle un « combat moral », il a fondé le tabloïd Apple Daily en cantonais – langue d’opposition au mandarin simplifié sous Mao – et soutenu par conviction une grande partie du mouvement pro-démocratique d’opposition au régime communiste qui menaçait de plus en plus précisément l’autonomie de Hong Kong depuis le départ des Anglais en 1997. Hong Kong devait revenir à la Chine en 2047 dans une formule « un pays, deux systèmes ». Erreur fatale que cet accord sino-britannique dénoncé sans vergogne par Pékin. Naïveté de l’élite hongkongaise façonnée aux idéaux démocratiques de l’Angleterre ? L’expansion économique de la Chine s’est traduite non par une libéralisation politique mais par une tyrannie devenue implacable à partir de 2013 sous Xi Jinping.
En Europe, son cas n’attire vraiment l’attention qu’en Grande-Bretagne pour d’évidentes raisons historiques, et aussi parce que l’arrivée en masse d’immigrants hongkongais qualifiés bénéficie à l’économie du pays. En France, les journalistes s’y intéressent à chaque condamnation puis c’est le silence radio. Pas de personnalité politique de poids pour plaider sa cause. Pour les sensibilités de gauche, Lai a le tort d’être milliardaire. À droite, gageons qu’il sera un jour mis à l’honneur à titre posthume.
Le 13 décembre s’ouvre son troisième « procès » pour atteinte à la Loi de sécurité nationale qui n’a rien d’une loi et tout d’une machine infernale pour broyer tout opposant qui embarrasse le régime. Lai le sait, il risque là un retour à la case départ sur le continent et la prison à vie.