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Pourquoi et comment nous imposer la monnaie numérique ?

Ce qu’il y a de bien dans l’évolution actuelle pour faire disparaître les libertés individuelles, c’est que la stratégie déployée est la même dans tous les domaines. Elle touche tous les aspects de la vie humaine ayant pour but ultime de faire désirer l’insupportable.

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Pourquoi et comment nous imposer la monnaie numérique ?

Les citoyens perdent peu à peu tous les espaces de liberté qu’il leur reste, et ils en redemandent. La réélection récente du président qui a le plus privé les Français des libertés fondamentales en est un exemple. Si le discours qu’il sert est « nouveau », le fond n’a pas changé. L’objectif est toujours le même et l’on s’en rapproche chaque jour un peu plus.

La disparition de la monnaie réelle

Fin mai 2022, à Davos, le président de Mastercard a annoncé la disparition d’ici cinq ans de la monnaie telle qu’elle existe et son remplacement intégral par la « monnaie numérique ». En l’entendant, certains participants de ce dernier Forum Économique Mondial l’ont trouvé pessimiste et ont insisté pour que ce calendrier soit accéléré, ce qui n’est pas si simple. Une monnaie numérique unique suppose des développements informatiques complexes, des équipements techniques onéreux et une débauche d’énergie électrique que les éoliennes sont bien incapables de fournir. De plus, une introduction précipitée risquerait de se heurter à de solides résistances psychosociologiques : le peuple n’est pas prêt ! Cela n’a pas empêché le membre italien du directoire de la BCE, Fabio Panetta, de dévoiler le 16 mai le calendrier de mise en œuvre : l’expérience de monnaie numérique commencera dès 2023 mais il faudra bien trois années pleines pour la généraliser.

À cette échéance, il faudra que plus rien ne reste du système ancien. C’est bien ce qui justifie la décision du président Biden qui a gelé les avoirs financiers russes en dollars ou en euros détenus dans les banques centrales et fait ainsi voler en éclats le système monétaire international mis en place par les Américains après la seconde guerre mondiale. Les vaisseaux sont brûlés, aucun retour en arrière n’est possible. Il faut inventer un nouvel avenir. Mais, pourquoi un tel empressement pour une révolution qui ne pourra que rendre les pauvres encore plus pauvres et ne fera qu’accentuer ce que l’on appelle la « fracture sociale » ?

Les raisons d’une telle volonté

Le système monétaire actuel est en faillite. Le taux d’endettement des États atteint des sommets jamais imaginés. Avec une croissance économique en berne et une inflation difficilement maîtrisable, le remboursement de cette dette paraît compromis. Il va donc falloir revoir les fondements même des signes monétaires car, face à un présent difficile, la paix sociale ne s’achète qu’avec le rêve de lendemains meilleurs, plus ancrés dans la modernité !

En 1973, le président Nixon avait ouvert la voie en détachant le signe monétaire (dollar) du réel (production) ; il ne reste plus désormais qu’à dématérialiser définitivement le signe. La monnaie électronique a été une étape ; la monnaie numérique sera la suivante. Cela sera facile car la population n’aura même pas l’impression de changer de monde sauf à voir simplement disparaître les espèces qui déforment les poches et sont faciles à voler.

Avec la monnaie numérique, la gestion des comptes publics sera facilitée par la possibilité d’appliquer à tous, sans échappatoire, des taux d’intérêts négatifs qui viendront combler les manques à gagner dus à l’impossibilité d’augmenter encore les impôts et à la difficulté de gérer le taux d’inflation. « Fini le tabou des taux négatifs appliqués aux particuliers, qui se heurtait à la possibilité alternative de stocker chez soi des billets de banque pour protéger la valeur de son épargne. Finie la désagréable habitude des acteurs économiques qui ont l’audace d’épargner pour se protéger des inévitables hausses de la fiscalité. Finis les arbitrages individuels des acteurs économiques qui peuvent choisir entre dépenser pour le logement, la nourriture ou les loisirs. Terminés également les difficultés techniques lorsqu’il s’agit de confisquer les avoirs des individus jugés persona non grata ». Si les Canadiens avaient été assez « avancés » vers la monnaie numérique, le mouvement des camionneurs n’aurait même pas pu être envisagé.

La monnaie numérique permettra à l’État de surveiller les faits et gestes de la population, à la manière du « crédit social » à la chinoise. On pourra désormais savoir qui donne quoi à qui. Subsidiairement, les grandes surfaces pourront accéder à une meilleure traçabilité des produits qu’elles vendent. « On » pourra savoir quels seront les bénéficiaires (partis politiques, organismes humanitaires, ONG, mouvements écologiques…) des dons ! Mais les vrais pauvres, les sans-abris et autres quêteurs sur la voie publique devront aussi être équipés de terminaux électroniques portables et rechargeables (gratuitement ?) pour pouvoir obtenir de quoi se payer un vulgaire morceau de pain.

La monnaie numérique permettra de piloter non seulement l’économie nationale mais aussi de mieux encadrer la diffusion des idées politiques, de discriminer les organismes dits d’utilité publique et de prendre le pas sur les parents dans l’encadrement des dépenses de leurs enfants mineurs. Elle permettra de contrôler l’argent de poche que les parents voudraient donner à leurs enfants car ceux-ci pourraient se voir interdire par les Pouvoirs publics de mal utiliser les sommes que ceux-là voudraient leur mettre à disposition ; et, en cas de récidive, rien ne serait plus facile aux autorités publiques que de confisquer les sommes que les parents voudraient ainsi donner à leurs enfants. M. Macron nous avait prévenus : les enfants appartiennent à l’État.

Techniquement, « la monnaie numérique possède deux avantages irremplaçables pour le pilotage étatique : elle est confiscable et potentiellement non-fongible » a écrit Etienne Henri. Grâce à elle, « la monnaie cessera d’être un bien fongible où chaque euro est équivalent, pour devenir une juxtaposition de bons d’achat dont la répartition dépend du pouvoir politique en place ». Il faut donc faire accepter ce nouveau paradigme, et pour cela le faire apparaître comme non seulement inéluctable mais encore souhaitable.

La manière de l’imposer

La réélection du président Macron a été l’occasion de préparer les esprits en France. N’est-ce pas l’arrière-pensée qui se cache derrière des décisions telles que la « remise » temporaire de 18 centimes sur le litre d’essence, le bouclier tarifaire en matière d’électricité et le chèque alimentaire ? Ces mesures sont plus compliquées à mettre en œuvre qu’une baisse sélective d’impôt (taxe sur les carburants ou baisse du taux de TVA) mais elles habituent les Français à ce vers quoi « on » cherche à tendre.

Le 28 mai, le Journal du Dimanche a publié un appel d’un « collectif de citoyens et d’entrepreneurs » plaidant pour que le calcul de l’empreinte carbone soit intégré dans la déclaration d’impôt sur le revenu sans, bien sûr, que cela n’ait de conséquence fiscale pour le déclarant. Ultérieurement, pour une éventuelle conséquence, on laissera cela à un autre « collectif », dans quelques temps. Et puis on s’apercevra qu’il sera beaucoup plus facile de s’en remettre au suivi de la nature des dépenses de chacun réglées grâce à la monnaie numérique. Plus simple et aucun resquilleur possible. On en demandera ! Une semaine plus tard, le même Journal du Dimanche a publié une nouvelle idée émanant cette fois de 52 anciens députés du MoDem : comment faire pour que le chèque alimentaire promis par les pouvoirs publics, officiellement pour lutter contre la baisse « temporaire » de pouvoir d’achat due à l’inflation, puisse « cibler les produits sains » ? Pour que le « bouclier énergétique » concerne surtout les ménages les plus modestes et ne serve pas d’alibi aux « passoires thermiques » ?

Le 8 juin 2022, le Figaro montrait combien le centre commercial de Beaugrenelle se montrait « citoyen » en décidant de préparer les acheteurs à l’arrivée de la modernité par l’acceptation des paiements en cryptomonnaies et la décision d’« offrir » un bonus de 10 % à chacun des consommateurs qui les utiliserait. Quand les esprits seront mûrs, les cryptomonnaies laisseront la place à la monnaie numérique d’État, unique et plus stable. Le 13 juin, la question que posait le Figaro était celle de savoir comment faire en sorte que le crédit d’impôt soit immédiatement suivi d’effet.

Pour que le système de monnaie numérique fonctionne, encore faut-il que tous les citoyens soient équipés d’un terminal électronique permettant cette circulation monétaire. Le porte-monnaie numérique sera donc, dans un premier temps, intégré au téléphone portable sur lequel figure déjà, mieux que sur des cartes de géographie, les itinéraires avec temps de trajet. Il pourra aussi accueillir les cartes d’électeur, les données de santé, les commandes à distance de la surveillance et de la climatisation des résidences… Chacun pourra tout avoir sur un seul outil… en attendant que ces informations soient intégrées dans une puce que l’on pourra implanter directement sous la peau pour ne pas risquer de la perdre.

Chacun adhèrera au système, comme il a déjà accepté les caméras de surveillance à tous les coins de rue, la signature électronique, l’usage immodéré des QR-codes et les programmes de reconnaissance faciale, au motif que cela a pour but de rendre la vie plus sûre et plus facile. Mais, comme le chien de la fable devenu gras, nous aurons tous perdu notre liberté.

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