Le développement d’Axa est parallèle à la financiarisation de l’économie ces dernières décennies. Géant de l’assurance qui s’est construit à coup d’acquisitions ou de fusions, la société a longtemps profité de l’expansion de la masse de monnaie en circulation. La crise a changé la donne, mais la compagnie s’adapte.
Le premier ancêtre d’Axa a été créé en 1817 : il s’agissait de la Compagnie d’assurance mutuelle contre l’incendie dans les départements de la Seine et de l’Eure. Le principe du métier était simple, et il demeure : recueillir les cotisations d’individus dans une mutuelle pour les prémunir financièrement contre de potentiels accidents. Mais la société évoluait alors dans un autre monde monétaire, celui de l’or et des métaux précieux, où il était peu nécessaire de « faire travailler l’argent » en raison d’une grande stabilité des prix. Le succès de l’entreprise dépendait moins, à l’époque, de l’utilisation des deniers reçus que du nombre de sinistres chez les assurés.
C’est pourquoi la véritable histoire d’Axa commence en 1946, date qui marque deux évènements : d’un côté, la mise en place du système monétaire de Bretton Woods, de l’autre la fusion de trois branches d’assurance au sein de l’Ancienne Mutuelle. L’actuelle Axa (le nom sera choisi en 1986) est également tributaire de Claude Bébéar, jeune salarié qui restera quarante ans dans le groupe et en fera un géant tricolore puis mondial. Quand l’homme prend la tête de la compagnie en 1975, Ancienne Mutuelle occupe alors la 24e place du marché de l’assurance. En faisant jouer l’endettement, elle multipliera les acquisitions, et deviendra en 1996 le premier assureur français à la suite de l’opération publique d’échange avec l’UAP. Internationaliste sur le plan politique (il a notamment participé au groupe Bilderberg), Claude Bébéar l’est aussi dans l’assurance, avec un développement rapide sur les marchés américain et asiatique. En 2000, il cède les rênes opérationnelles à Henri de Castries, énarque issu d’une vieille lignée française, présent dans l’entreprise depuis onze ans. Le changement de millénaire marque des évènements discrets mais importants : krach boursier, lois coercitives pour attirer des fonds vers les obligations d’État français…
La crise change la donne
La décennie qui suit sera pourtant celle d’une euphorie financière globale attisée par les facilités de financement offertes par les banques centrales. Axa en profite pour créer sa propre filiale bancaire, et cherche activement des clients dans les pays émergents. En 2010, la compagnie talonne Allianz comme premier assureur au monde. L’augmentation des encours gérés est impressionnante : +100 % en quinze ans.
Durant les neufs premiers mois de 2011, le chiffre d’affaires total a reculé de 2 % à 66 milliards d’euros, mais la rentabilité s’est améliorée. C’est qu’Axa espère dégager 24 milliards d’euros de flux de trésorerie disponible d’ici à 2015, soit l’équivalent de sa capitalisation boursière ! La crise de 2008 reste dans les esprits et incite à la prudence. Axa mise beaucoup sur les pays émergents, moins endettés et en plus forte croissance, et cherche à consolider son bilan dans les marchés matures. Une politique qui se distingue par la réduction des fonds placés en actions (moins de vingt milliards d’euros désormais) et en obligations d’État (190 milliards d’euros), sur les 420 milliards de primes d’assurance. Pourtant, la question demeure : que deviendrait Axa en cas d’accélération de la crise financière ? La situation bilancielle est jugée solide, mais les risques sont calculés selon un modèle interne à la société. Les fonds propres, qui équivalent au double de la capitalisation, dépendent en partie des plus ou moins values latentes sur le portefeuille d’actifs. En bref, Axa est liée malgré elle à l’avenir de la monnaie fiduciaire et du système des dettes qui y est associé.