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Tombeau pour la Justice

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Tombeau pour la Justice

Longtemps j’ai voulu faire confiance à la justice de mon pays. Au-delà des traverses des affaires politiques, des gauchissements idéologiques, d’une féminisation parfois agressive, je voulais croire à la vertu des charges quotidiennes du juge qui le contraignaient, malgré lui s’il le fallait, à remplir sa tâche qui est de « rendre à chacun ce qui lui est dû ».
Il y avait « le mur des cons » et d’autres monstruosités, mais c’était marginal.
Et puis voilà que les contraintes de la crise sanitaire, s’ajoutant aux manquements de tous ordres, font éclater l’évidence. Ce n’est plus seulement la dérive idéologique de quelques-uns. C’est la machine tout entière qui s’engorge : retards multipliés, volonté de ne plus entendre les avocats, inflation des audiences virtuelles, généralisation de l’audience à juge unique et surprise, à la lecture des décisions, d’y trouver des motifs qui n’avaient pas été débattus.
L’éloignement des juges et des justiciables est devenu un mur d’incompréhension, la médiation des avocats s’évanouissant.
Après plus d’un demi-siècle d’exercice où j’ai connu Mai 68 et ses tentatives avortées de subversion, le Syndicat de la magistrature, des procès très médiatiques et très politisés, des interventions gouvernementales dans des procédures privées aux enjeux considérables, je découvre un autre univers qui n’a plus rien de commun avec l’ancien monde.
Le Tribunal de Paris en est le symbole. On ne peut plus dire « le Palais », c’est une forteresse d’acier et de verre, de contrôle et de chiffres.
Le tout numérique essaie de s’imposer, renvoyant le raisonnement juridique, l’exposé des faits et des moyens de droit à la norme technique qui prévaut sur tout. L’outil est devenu le maître de l’ouvrier.
Un avocat naguère anticonformiste, devenu garde des Sceaux, nous explique que tout va bien et qu’avec les réformes qu’il prépare, tout ira encore mieux. Les cités brûlent. Les policiers sont poignardés dans leur commissariats, mais ne nous arrêtons pas à ces péripéties, l’institution fonctionne.
Non, l’institution ne fonctionne plus. Nous arrivons à un stade où rien ne pourra plus le dissimuler. Le couple police-justice sur lequel repose la politique pénale est en instance de divorce.
La Cour suprême juge des affaires extraordinairement douloureuses et symboliques comme s’il s’agissait d’une analyse théorique de cas d’école en faculté.
Il est de bon ton de dire que les élites sont hors sol, mais maintenant elles ont rejoint Thomas Pesquet dans la stratosphère.
La seule justice pratique va être l’exécution sommaire de l’assassin sur les lieux du crime dans la plus pure tradition des westerns.
Qui rendra son sens à l’institution ?
Les candidats s’en désintéressent.
Peut-être un sursaut à l’intérieur de la maison ?
Ce serait une première dans l’histoire.
Longtemps j’ai voulu faire confiance…

Illustration : Avec le nouveau garde des Sceaux, la justice est aveugle mais uniquement quand il s’agit de considérer la réalité.

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