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Le fils aîné du saint royaume

Le déconfinement judiciaire est plus rapide que le déconfinement liturgique.

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Le fils aîné du saint royaume

La vie des audiences a repris au Palais de Justice. Le port du masque a cédé devant les impératifs de l’art oratoire. Ni président, ni juges, ni même greffiers – qui, pourtant, par fonction, sont silencieux – n’en portaient, pour mes audiences, au jour de la reprise. Un vent de liberté soufflait dans les locaux bien impersonnels du nouveau Tribunal de Paris : joie de reprendre une profession, joie de se retrouver autrement qu’en visio-conférence.

Il n’en était pas de même pour les solennités de Jeanne d’Arc, le 30 mai dernier, à Saint-Germain-l’Auxerrois. Les contraintes étaient de rigueur. Nous les avons acceptées, à la grande colère de certains qui y voyaient une soumission intolérable à la dictature sanitaire. Peut-être est-ce de la dictature, mais l’important dans l’instant était de célébrer Jeanne et nous avons conclu qu’une messe valait bien le port d’un masque. Reste que la procession d’entrée, avec cet accoutrement dont on ne perçoit aucunement l’intérêt sanitaire, a quelque chose d’odieux.

Auparavant, nous étions quelques uns, place des Pyramides, pour fleurir et honorer en chants et en paroles la Sainte de la Patrie.

La police est venue, non pour se joindre à nous mais pour nous signifier que nous étions quatorze, alors que le chiffre maximal était de dix. Quatre se sont alors écartés en chantant deux fois plus fort pour maintenir le niveau sonore, et la cérémonie a pu ainsi se tenir ; le jour officiel de la Fête, le 10 mai, nous étions quatre devant la statue de la place Saint-Augustin, avec les premières fleurs des premiers marchands. Le gouvernement était au Luxembourg pour fêter la libération des esclaves. C’était bien, mais ils avaient quand même oublié que la loi leur prescrivait de fêter Jeanne d’Arc, héroïne nationale, et le patriotisme : Jeanne a libéré tout un royaume en passe de devenir esclave.

Revenons à Saint-Germain-l’Auxerrois. Mgr Chauvet nous a reçus en disant : « Pour Jeanne, il fallait Notre-Dame, mais aujourd’hui Notre-Dame est ici et puis, nous sommes dans la paroisse des Rois de France, ce qui ne peut que lui convenir. »

La messe, dans la forme ordinaire du rite en latin, était célébrée par Mgr de Germiny, évêque émérite de Blois dont la piété johannique est connue. L’homélie fut prononcée par M. l’Abbé Viot, aumônier de l’Association Universelle des Amis de Jeanne d’Arc qui avait demandé cette messe. Il rappela, en termes nobles et forts, le caractère royal de la mission de Jeanne, venue pour rétablir le roi légitime et sauver un royaume de la terre. « Le fils aîné de l’Église, c’est d’abord le roi, et c’est par le roi que la nation devient “la fille aînée”. » Il opposa le patriotisme révolutionnaire, par nature agressif et porteur de mort, à l’intérieur comme à l’extérieur, au patriotisme de Jeanne, artisan de paix et plein de compassion, même pour les ennemis.

Nous avons clos la cérémonie par le dépôt de gerbes aux pieds de Jeanne avec le chant des litanies de la sainte. Ainsi reprend la vie dans ce beau printemps.

L’automne risque d’être moins riant. Aucune force politique n’inspire au peuple la moindre confiance. Il faut pourtant que France continue. Le temps est venu pour ceux qui ont au cœur l’angor patriae – l’angoisse de la patrie – de travailler à trouver non plus seulement ce qu’il faut changer dans nos institutions mais, concrètement, les voies et les moyens pour donner à la famille royale de France la place à laquelle elle peut être pleinement utile au « saint royaume de France ».

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