N’est pas le plus intelligent qui veut
On sait que l’intelligence ne se réduit pas au raisonnement, mais qu’il y faut de la sensibilité pour être attentif au réel et du courage, pour braver l’opinion publique, si féroce ces temps-ci, actionnée qu’elle est par des médias surpuissants. Mais il y faut encore de l’humilité.
Mon cousin Barnabé a coutume, lors des apéritifs dînatoires, de déclarer tranquillement qu’il est le quart d’un con. Aussitôt, les gens qui l’entourent s’empressent de s’écrier : « Mais non ! Mais non ! », alors qu’en fait, il se flatte, car nous sommes tous, lui, moi et vous autres, plus de la moitié d’un con. Il y a des tas de domaines où nous raisonnons comme des casseroles. Seulement, certains s’en aperçoivent, hésitent à mettre leur jugeote là où elle fonctionne mal et du coup, sont aux trois quarts pardonnés de leur part de sottise. En revanche, ceux qui s’opiniâtrent à juger en toute occasion augmentent considérablement leur part, jusqu’à atteindre un taux qui frôle les 100%.
Ce sont souvent d’anciens forts en thème, des premiers de classe, des issus d’écoles prestigieuses, des passeurs avec succès de tests de capacités intellectuelles, des cas enivrants de réussite professionnelle, de véloces ascensionneurs de l’échelle sociale. Tout farauds de leurs exploits, ils pontifient, ils redressent de prétendues erreurs, le doigt pointé et l’œil levé au ciel, ils jugent de tout avec autorité et allons jusque là : avec despotisme. Quand ces superbes sont des pontes dans une activité scientifique où entre pas mal de mathématique, là, ils deviennent extraordinaires. Eux qui sont, reconnaissons-le, calés dans leur spécialité étroite, s’arrogent le droit de trancher en morale, pardon, en éthique, en politique et en toutes sortes de choses généralement en tique où ils n’ont pas de compétences particulières. Ça donne des livres épais, pleins, au mieux, de platitudes et dont sont très friands actuellement les éditeurs. Quand un malheureux se risque à leur faire timidement remarquer, qu’à telle page, ils ont peut-être avancé quelque chose de douteux, houlà ! ils se dressent sur leurs ergots, se hérissent la crête et fulminent à l’adresse du malappris des cocoricos furieux. On a beau leur dire qu’à ce moment-là, leur taux de sottise est singulièrement préoccupant, ils n’entendent pas, ils ne vont pas se faire soigner.