Le nouveau Centre des Archives nationales de Pierrefitte sur Seine (93) a trouvé sa vitesse de croisière et son ouverture peut être considérée comme un succès. Mais il est un autre lieu dédié à notre mémoire nationale où l’on ne pavoise guère. Fontainebleau, sa forêt, son château et… son Centre des Archives contemporaines, fermé en catastrophe au printemps dernier.
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Les bâtiments de ce site sont menacés d’effondrement, son personnel au grand complet (53 agents) a été placé sous le régime de l’autorisation spéciale d’absence et sa directrice a démissionné. à l’origine, le site avait été confié à la Cité interministérielle des Archives afin d’y abriter les archives de la Ve République. Un Romain y verrait un inquiétant présage.
Ces désordres structurels ne se limitent pas au bâtiment. Car, derrière la crise immobilière, la crise syndicale et managériale se profile. C’est un reflet des difficultés latentes qui minent l’institution archivistique française depuis des années.
à Fontainebleau, les bâtiments gravement fissurés en raison d’un sous-sol instable, sont désormais inutilisables. Projet phare des années 1970 et 1980, il est alors l’avenir radieux du site parisien. Quelques errements politiques et changement d’habitus des chercheurs plus tard, le site est obsolète et en passe d’être désaffecté. Faut-il s’en étonner ? Au temps de sa relative splendeur et de son pic d’activité, il faisait irrésistiblement penser à une base soviétique frappé par une bombe à neutron : de vastes salles, des laboratoires neufs, des dépôts enterrés sur plusieurs étages (le tout en style Chemetov), curieusement vidés de toute présence humaine.
Héros du travail
On se souvient encore de l’époque où les archives ramenées de Moscou (après un détour par Berlin dans les années 40) étaient stockées dans un bâtiment amianté. Cette construction, héritée de l’Otan, avait contaminé les fameuses archives, interdisant pendant de nombreuses années leur communication, au grand dam des chercheurs. Comme s’ils avaient été gravement irradiés en 1986, quelque part en Ukraine, ces cartons n’étaient approchés que par des liquidateurs en combinaison blanche. Aujourd’hui, c’est la peur de l’écrasement qui garde chez eux des personnels à l’éthique professionnelle que l’on voudrait calquée sur celle en vigueur à l’usine de tracteurs à l’étoile rouge de Stalingrad.
Enfin, le troisième visage de cette crise, c’est le vide managérial. Quelques semaines après l’annonce de cet accident industriel, la directrice des Archives nationales annonçait, par un mail laconique, son départ. Le bateau perdait son capitaine en pleine tempête.
à une autre époque, où se décidait un peu l’avenir de notre mémoire nationale, la question de la rationalisation des sites se posait déjà. Car il paraissait bien compliqué d’ajouter une nouvelle implantation en Seine-Saint-Denis, sans rien retrancher à un réseau national déjà dense avec cinq centres. Comment justifier alors l’effort financier considérable de la construction d’un sixième centre sans demander aux Archives de libérer un peu d’espace, en particulier au cœur de Paris ?
à la direction des archives de France, on avait dodeliné de la tête. Libérer les hôtels de Soubise et de Rohan, après tout, pourquoi pas, mais pour en faire quoi exactement ? Sur un mode mi-sérieux, mi-amusé, il leur avait été suggéré alors, que l’on pourrait les restituer aux descendants de leurs légitimes propriétaires. Sans surprise, cette proposition fut accueillie dans un silence glacé. Dix ans après, le dégel aux Archives nationales n’a toujours pas commencé.
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