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Sitôt qu’on entend le tambour…

La céleustique étudie les signaux sonores transmettant les ordres. Le lieutenant Thierry Bouzard apporte un éclairage érudit et capital sur un domaine méconnu de l’histoire musicale et militaire que la technologie a rendu obsolète. En plus de ses solides connaissances, il a puisé dans l’inventaire dressé par le général Etienne-Alexandre Bardin ainsi que dans les travaux inédits menés sur le sujet par Jean d’Orléans, duc de Guise.

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Sitôt qu’on entend le tambour…

MOSCOW, RUSSIA – MAY 7, 2021: Band of the Moscow Military Music College performs during a dress rehearsal of a Victory Day military parade marking the 76th anniversary of the victory over Nazi Germany in World War II, in Moscow's Red Square. Valery Sharifulin/TASS/Sipa USA/33255324/IB/2105071451

Si la musique d’harmonie est d’introduction récente, la céleustique remonte très loin dans le temps. Souvenons-nous des buccinatores et cornicines romains. Durant des générations, apprentissage et transmission s’opérèrent par imitation. L’usage de trompes au cours du Moyen-âge est attesté par la Chronique de Froissart (1327). Les signaux sonores utilisés dans les armées sont d’un fonctionnement similaire à ceux qui sont utilisés dans la chasse – une céleustique civile –, dont les premiers sont mentionnés en 1394 dans le Trésor de vènerie de Hardouin de Fontaines.

Outil de la suprématie militaire

« Les piquiers suisses, en écrasant les chevaliers de Charles le Téméraire lors des batailles de Grandson et Morat en 1476, firent prendre conscience aux souverains européens de la puissance tactique d’une infanterie disciplinée et organisée. » Lorsqu’en 1481 Louis XI constitua au camp de Pont-de-l’Arche sa nouvelle infanterie de piquiers et hallebardiers, il les fit instruire par des mercenaires suisses commandés par Guillaume de Diesbach. Nous pouvons ainsi considérer cette date comme celle de l’introduction des tambours dans l’armée française.

En ce temps-là, l’organisation de la céleustique militaire rompit avec les usages immémoriaux. Les théoriciens de la Renaissance puisèrent chez les auteurs antiques la manière de conditionner les combattants au moyen de sons et de gestes répétitifs.  Dans l’espoir de vaincre les troupes de Charles Quint lors des guerres d’Italie, François Ier restructura son armée en 1534. L’ordonnance du 24 juillet confirma l’adoption des tambours destinés à en renforcer l’efficacité : « en une bande de mille hommes y aura quatre tabourins & deux fiffres. » L’Orchésographie (1589), traité de Toinot Arbeau, présente le répertoire en service et donne une Marche des Suisses, reprenant un thème des plus familiers depuis des siècles. Ainsi le tambour, innovation des Suisses, allait devenir « un des outils essentiels de la suprématie des armées européennes sur le monde. » L’auteur précise que « les illustrations de l’époque montrent des instruments plus hauts et plus larges que le modèle actuel impliquant des sons plus sourds et ne permettant pas des roulements complexes. »

Le père Marin Mersenne fut « le premier à fournir la notation des principales batteries de l’infanterie » dans son Harmonie universelle parue en 1636. Il cite la Diane, la Chamade, l’Assemblée, etc. La première batterie créée par ordonnance royale du 10 juillet 1670 mentionne La Générale, qui fut battue pendant plus de deux siècles pour alerter les populations. Son auteur, Jean-Baptiste Lully, composa la même année une batterie pour les mousquetaires. D’autres musiciens furent mis à contribution : Desmarets, Hotteterre, de la Lande, etc.

Appartenant à la tradition militaire, les batteries se virent reprises et notées dans diverses compositions. Elles érigèrent ainsi le tambour, instrument exclusivement populaire, en acteur majeur de l’identité sonore de l’armée pendant trois siècles. Le premier inventaire des batteries d’ordonnance fut réalisé en 1705 par André Danican Philidor, bibliothécaire du roi.

« La première ordonnance fournissant la notation musicale de ces musiques réglementaires est promulguée seulement en 1754. » L’Instruction pour les tambours du comte Henri-François de Bombelles normalisa donc les batteries de la nouvelle ordonnance d’infanterie et resta en usage jusqu’en 1831. Ainsi la vie du soldat était-elle rythmée par le tambour, depuis son réveil (La Diane) jusqu’à l’extinction des feux (La Retraite). Le tambour major des Gardes françaises demeura le garant de la conformité de leurs exécutions jusqu’à la chute de la monarchie. Les usages se maintinrent toutefois sous la Révolution et l’Empire. Pour Napoléon, « le tambour est le meilleur des instruments, il ne détonne jamais. » Après plus de vingt années de guerres, la Restauration fut une époque de réorganisation de l’armée. Le ministère de la Guerre engagea des réformes considérables. En 1869 fut adopté un nouveau modèle de caisse, moins lourd et plus sonore. Apparurent alors de nombreuses batteries et sonneries (jusqu’à 46 en 1884).

Le chant du cygne

« La période entre 1831 et 1918, et tout particulièrement entre 1870 et 1914, peut être considérée comme le chant du cygne de la céleustique » avec la mise en place des moyens téléphoniques de communication. D’autres instruments transmetteurs d’ordres existaient. L’usage de la trompette était réservé à la cavalerie. Il fallut attendre 1766 pour que soient publiées onze sonneries réglementaires. David Buhl, fondateur de l’école française de trompette, en composa de nouvelles en 1803 qui furent mises en service sous l’Empire. La Méthode de trompette de François Dauverné en ajouta d’autres en 1857.

Entérinant une pratique déjà en vigueur, l’adoption du clairon (inventé par Antoine Courtois) dans l’infanterie à partir de 1831 correspondit aux nouvelles techniques de combat envoyant des tirailleurs en avant des troupes de ligne. Une série de sonneries fut ainsi composée par Pierre Melchior, chef de musique de la Garde Royale. Conçu comme une doublure du tambour et y apportant une note plus musicale, le clairon ne supplanta pas la caisse malgré plusieurs tentatives de suppression de celle-ci en 1859, 1880 et 1905 pour inadaptation aux combats modernes. L’effet psychologique fut le plus fort et le changement de référentiel ne s’imposa pas. En outre, des refrains caractérisant chaque régiment se généralisèrent en 1840. « Sous Louis XIV, les compositions des batteries militaires avaient pu être demandées à de grands noms de la musique, la troupe fait maintenant appel à des mélodies populaires sans prétention » constate l’auteur. En 1905, l’armée devait recruter 6500 tambours et clairons par an !

Le répertoire de la céleustique joua un rôle de marqueur sonore collectif et imprégna la mémoire du peuple français durant des siècles : on le retrouve dans les refrains des cloches, horloges et tambours de ville… Toucher au tambour portait atteinte en quelque sorte aux idéaux révolutionnaires. La légende des jeunes tambours, modèles de patriotisme républicain, avait été pieusement entretenue. « Officialisé dans l’armée française dans la première moitié du XVIe siècle, le tambour conduit encore les soldats à l’assaut en août 1914, sur des batteries réglementées au milieu du XVIIIe. » Ce patrimoine immatériel relevant de la tradition orale avait jusqu’à présent été négligé. Ce ne fut qu’en 2015 que le Musée de l’Armée consacra une salle au patrimoine musical ! L’ouvrage passionnant de Thierry Bouzard, docteur en histoire, nous révèle son importance.

  • Thierry Bouzard, Histoire des signaux d’ordonnance, la céleustique dans l’armée française, coll. Musiques et Champ social, L’Harmattan, 2021
  • Thierry Bouzard, L’Orchestre militaire français, Editions Feuilles, 2019

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