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Journal d’été

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Journal d’été

Hilaire de Crémiers livre ses réflexions d’été. Elles donneront lieu à un article dans La nouvelle Revue Universelle qui paraîtra au mois de septembre. Il est possible de se procurer ce numéro à l’adresse suivante : La nouvelle Revue Universelle 7, rue Constance 75018, Paris, tél 01 44 92 82 82. Prix du numéro : 18€. Abonnement (4 numéros par an) : 70€.

Quels sont les événements importants de ces derniers mois d’été ? En dehors des nouvelles ordinaires qui ornent de leur banalité la médiocrité de notre quotidien politique, économique et social, et en dehors des faits divers tragiques qui suscitent l’intérêt éphémère de l’univers médiatique, le temps de compter les morts et les blessés, juste le temps de compter !

Le Pape François ou la parole libérée.

Les politiciens en quête de gloire éphémère et de popularité évanescente n’y peuvent rien. Malgré toute leur communication, la vedette sur l’affiche leur a encore été ravie. Le pape, toujours et encore le Pape ! Le nouveau comme ses prédécesseurs l’emporte en prestige, en audience et, par-dessus tout, en qualité de discours et d’écoute sur tout ce qui peut se proclamer et
s’annoncer dans le monde. Et il l’emporte de beaucoup ; et, encore plus, de très haut !

Ce que le successeur de Pierre, revêtu d’humilité et enveloppé de la seule aura christique et ecclésiale, dit en toute simplicité à trois millions de jeunes rassemblés sur la célèbre plage de Rio, aucun chef de parti à travers le monde n’en est capable, n’en a même l’idée. Ce lui est impossible, hors de portée. Et heureusement !

Les politiciens ne savent plus, et depuis longtemps, que parler argent, répartition de richesses qu’ils ne créent pas, idéologie à la mode, sauce socialiste ou libérale, c’est du pareil au même, aussi factice que totalitaire, et tandis que les droits les plus élémentaires des personnes sont bafoués, ils promeuvent à coup de discours démagogiques le droit de n’importe qui à
n’importe quoi, une sorte de droit de tous à tout sauf au vrai, au bien et au beau ; ce que les politiciens savent le mieux faire et le plus efficacement, c’est, en invoquant l’évolution de la société qu’eux-mêmes provoquent, favoriser les vices qui offrent à de pauvres gens qu’ils frustrent des vrais biens spirituels, les compensations misérables d’un matérialisme niais et pervers qui achèvent de les tuer moralement et physiquement. Que veulent dire au juste ces innombrables « il faut », « on doit » qui scandent leurs discours en leur donnant une allure morale : des prescriptions de quatre sous qui n’ont rien de moral, des obligations qui n’en sont pas, des impératifs catégoriques à prétention économique et sociale qui n’engagent personne et surtout pas eux. C’est toujours l’argent des autres qui payent les générosités de leur fallacieuse et dispendieuse solidarité. Rien de plus hypocrite !

En face le Pape – et François sait que son discours est de portée politique – parle aux jeunes de foi, d’espérance et de charité, et son langage est immédiatement pratico-pratique. La générosité à laquelle il appelle, est effective ; elle exige le don total de soi, don non à soi-même, non à sa carrière – fût-elle ecclésiastique, il l’a précisé – ni à l’argent ni au pouvoir, mais au Christ et pratiquement à l’autre. Un ordre social pourrait alors renaître où la justice ne serait plus un vain mot ni la charité qui s’en distingue, une satisfaction de compensation à une injustice fondamentale.

Ainsi l’évêque de Rome – c’est le titre qu’il revendique et qui, en effet, le spécifie – délivre-t-il son enseignement aussi simple que direct, sans besoin d’autre appareil – pas même ecclésial, pas même curial – que l’affirmation de sa foi qui fonde sa légitimité. C’est bien ainsi et mieux que toutes les combinaisons de partis et d’appareils, fussent-ils, répétons-le, ecclésiastiques !

La révolution franciscaine.

Il est allé très loin. S’en est-on rendu compte suffisamment ? Il a osé dire aux jeunes d’être « révolutionnaires », de se « révolter » contre le faux ordre mondial – et qui se veut « moral » – que les hommes (et les femmes !) de pouvoir et d’argent des oligarchies qui nous gouvernent, prétendent imposer à l’encontre des lois de la nature, de la vie, de la conscience, à l’encontre des conditions mêmes du vrai bonheur qui ne saurait s’établir sur les débris de la réalité. « Révoltez-vous », a lancé le Pape. Et il a précisé : « Allez à contre-courant » d’une société de mort. Bravo ! Voilà ce qui s’appelle réagir.

Il a tout dit en quelques mots : « Cette civilisation mondiale est allée au-delà des limites ». Il s’est expliqué : « Dans cet humanisme économiste qui nous a été imposé dans le monde, s’est développée une culture du rebut… » Et il répète ce qu’il dit depuis le début de son pontificat : « Tout est soumis au culte du dieu argent ». La société moderne élimine tout le reste, enfants à naître, jeunes, vieillards, pauvres et exclus en tous genres. Et évidemment le Christ. L’homme n’est plus qu’un sujet et un objet de consommation, jetable comme le reste, « au nom de
l’efficacité et du pragmatisme ».

Il faut y opposer la foi, « mettre la foi » en nous et dans le monde. Et la foi « ne se passe pas au mixeur » ! Quelle parole ! Une révolution copernicienne est à opérer, « celle qui nous enlève du centre et met Dieu au centr. ». Car « la foi est révolutionnaire et moi je demande à chacun de vous aujourd’hui : es-tu prêt, es-tu prête à entrer dans toute cette onde révolutionnaire de la foi ». Dans un autre discours, le pape François s’est exclamé : « Ayez le courage d’aller à contre-courant de cette culture ! » Et il propose comme modèle le combat des Maccabées. C’est clair, non ? C’est ce qui s’appelle une entrée en résistance. Et au nom de la Vérité qui est le Christ. Il tiendra le même langage de fermeté aux évêques, aux prêtres, aux religieux, aux séminaristes. « Il faut vaincre l’apathie en donnant une réponse chrétienne aux inquiétudes sociales et politiques ».

Il s’agit d’un véritable engagement que propose François, presque en son nom personnel : il n’y a pas à « regarder la vie du balcon »…Et voici ce qui résume finalement le mieux tout son
message : « Dans la culture du provisoire, du relatif, beaucoup prônent que l’important, c’est de jouir du moment, qu’il ne vaut pas la peine de s’engager pour toute la vie, de faire des
choix définitifs « pour toujours », car on ne sait pas ce que nous réserve demain. Moi, au contraire, je vous demande d’être révolutionnaires, je vous demande d’aller à contre-courant, oui, en cela je vous demande de vous révolter contre cette culture du provisoire. »

Telle est la théologie de la libération du Pape ! Se libérer du péché d’adhésion, de ralliement à des structures qui peuvent être dites justement structures de péché, de ce système qui nous emprisonne malgré son apparence libéralo-libertaire et qui est le pire de tous les « meilleurs des mondes ».

La vérité se trouve au bout de cette rébellion qui ne peut être que permanente, contre ces structures d’oppression mentale et de misère morale autant que matérielle dont les lois impies enserrent les peuples qui n’en peuvent mais, en ne leur dispensant dès la petite enfance que des programmes de mort et de haine, en ne cherchant qu’à détruire et supprimer tout ce qui relève
de la vie : le mariage, la famille, l’enfance, la vieillesse, l’éducation, le patrimoine vrai et réel, la vie sociale, les mœurs, les métiers, les simples bonheurs des gens, les nations, les héritages spirituels et moraux des peuples. Comme le Pape a raison ! Que cette dénonciation est juste !

Pratiquement, comment faire ? D’abord il n’y a aucun compte à tenir et surtout dans sa vie personnelle, au plus intime de soi, de cette législation de mort, de ce pouvoir de corruption, stigmatisé comme tel par le Pape François à de nombreuses reprises, pouvoir dont il dit qu’il est né de la corruption et qu’il ne puise sa force que dans la corruption. Premier devoir : rompre
spirituellement avec « ça ». La vraie liberté, elle est là. Là, le salut de demain. Se débarrasser, d’abord intérieurement, puis ensuite extérieurement de cette superstructure, mentale autant que politique, qui s’est imposée presque, pour ainsi dire, comme norme universelle, où argent – le malhonnête argent – et pouvoir – le malhonnête pouvoir – font bon ménage, où hommes d’argent – du malhonnête argent – et hommes de pouvoir – du malhonnête pouvoir – se retrouvent partout et toujours de connivence pour déverser sur les électeurs, dits citoyens, indéfiniment la même mortelle logomachie dans les mêmes forums, s’autorisant des mêmes institutions nationales et internationales qui sont devenues des machines partisanes à leur service puisque leurs appareils les ont entièrement envahies pour les transformer en relais de pouvoir. Oui, d’abord pour soi, pour sa propre hygiène mentale et morale, faire comme si ce monde de perversité n’existait pas, penser
et agir dans sa vie autrement comme si le prétendu pouvoir de ces oligarchies n’avait aucune influence sur nous, voilà le premier pas et ce premier pas est immense.

La leçon pour la France.

C’est exactement le sens qu’il convient de donner au mouvement qui a dressé une saine partie du peuple de France contre la stupidité du mariage dit pour tous et les effroyables conséquences sur la moralité publique et sur la conception même de la filiation et de l’humanité qui en seront l’inéluctable suite. Les hommes et les femmes de gouvernement et leurs sbires qui ont fait passer une telle loi, sont littéralement indignes de gouverner. Qu’ils imposent leurs fantasmes à leurs pareils si ça leur chante, mais pas au peuple de France en tant que tel. C’est un abus et même une usurpation de pouvoir. Quelle est leur autorité pour légiférer sur ce qui ne saurait relever de leur juridiction ? à moins qu’ils ne se prennent pour des dieux ! C’est devenu une loi de la République, clament les parangons du système. Et voilà prêts à céder des hommes politiques qui pourtant n’étaient point favorables à une telle loi, mais qui sont tout à coup timorés devant la violence du système, voilà prêts à se rallier une fois de plus des évêques- pas tous heureusement, loin de là ! – sans force morale, complices de la confortable bien-pensance officielle et entraînés par la facilité de la prétendue adaptation au monde, à l’encontre même des paroles de Benoît XVI et de François qui affirment hautement que « la première urgence » dans le corps épiscopal, « c’est le courage » ! « Le courage de contredire les orientations dominantes est aujourd’hui particulièrement urgent pour un évêque ». Alors, qu’est-ce que cette couardise ?

Et puis, la République est-elle donc une déesse ? Faut-il y sacrifier ? La mettre au-dessus du bon sens, de la conscience, du droit, de la justice et, enfin, pour les croyants, de Jésus-Christ ? Le problème, en France, est là. Qu’est-ce que cette République ? La république, en bon latin, c’est la chose publique. Ce ne devrait pas être une idéologie. Il y a là une conception totalitaire qui n’a fait et ne fait que du mal à la France réelle. Comment ne pas le voir ? L’idéologie qui se couvre du mot « République » en est-elle pour autant plus digne de croyance ? « Je dois tout à la République », disent certains. Mais non, vous devez tout à vos parents et à vos éducateurs et aux honnêtes gens que vous avez rencontrés.

Cahuzac aussi était un homme de la République ; c’en était même un grand-prêtre ; il avait tous ses grades maçonniques, il tenait le langage convenu des hommes de pouvoir ; et qui peut dire que les motifs de son action n’étaient pas parfaitement républicains ? Qui pourrait en jurer ? Il est à noter qu’il n’est pas en prison, alors qu’un autre qui ne présenterait pas les mêmes estampilles, y serait jeté illico, et pour bien moins que ce que l’ex-ministre du budget a commis. Alors, ce républicain de Cahuzac, fallait-il le croire au motif qu’il incarnait la République ? Car il l’incarnait fort bien, avec le verbe haut, le menton énergique, la vertu dans les tripes. Et les autres du même acabit, particulièrement ses anciens comparses, amis, congénères ? Tous ceux qui se sont ligués, hommes d’argent et de pouvoir, pour mettre cette loi du prétendu mariage pour tous en priorité du programme hollandais ?

D’ailleurs, cette loi n’est jamais qu’une loi et quelle autorité si extraordinaire faut-il accorder à des lois que des majorités changeantes font et défont au gré des circonstances, comme les lois sur les retraites par exemple ? À moins que cette loi-là précisément soit à part. En fait, oui. Elle a été votée dans l’esprit même que le Pape François a si vivement critiqué et condamné ; c’est l’esprit d’une certaine oligarchie qui a décidé de refaçonner le monde à l’image de ses fantasmes financiers, « sociétaux », idéologiques dont elle fait une question de pouvoir. Une question essentielle et existentielle pour elle !

Se libérer de l’oligarchie.

Ce sont les mêmes qui, pour les mêmes raisons, passent leur temps à détruire l’équilibre du monde, au nom d’une mondialisation qui n’est que celle de l’argent, celle des moyens de pouvoir et dont les peuples doivent faire les frais. Ces gens, confortablement installés dans leurs bureaux, leurs avions, leurs hôtels, décident du sort des multitudes sans aucune émotion ; ils portent entre autres l’immense responsabilité historique de ces migrations fatales où des pauvres gens meurent par milliers et dont le Pape François à Lampedusa a voulu signaler l’horreur, en indiquant expressément la culpabilité directe des dirigeants de nos sociétés. Ce sont les mêmes encore qui ont créé ces impossibles cités où s’entassent des déracinés, où ne prospère que le crime, et où ils se gardent bien, d’ailleurs, d’habiter, mais dont, dans leurs sordides calculs, ils espèrent faire des électeurs. Les misérables ! Et ils ont l’audace de faire des discours de compassion. Mais si c’était des saint Vincent de Paul ou des Mère Teresa, ça se saurait. Ce sont les mêmes qui par leur appétit démesuré de pouvoir et de richesse, soit qu’ils soient du côté des institutions, soit qu’ils soient du côté des financements et des spéculations, suscitent les unes après les autres les crises financières et économiques dont les peuples pâtissent. Les mêmes, toujours les mêmes, avec la même incurie, la même désinvolture et la même irresponsabilité, au-delà même des fameux cycles économiques qui par eux-mêmes n’expliquent pas tout et qu’ils ont le culot intellectuel de présenter comme des excuses à leurs insuffisances ! Fausse élite politicienne, faux monde de l’argent, qui s’accommode de tout pourvu que leurs prébendes soient sauvegardées, engeance de corrompus corrupteurs, leur pouvoir doit être tenu pour néant.

Le Pape François a libéré la parole, la vraie, celle de l’évangile. Et fort d’une piété profonde, christique et mariale, profondément populaire – il l’a montré au sanctuaire d’Aparecida -, fort aussi de son mépris souverain des convenances mondaines, muni de son seul sac personnel et mis comme un curé de campagne aussi solide que jovial, il peut tout dire. Et d’abord la tendresse et la miséricorde, les deux armes absolues du Dieu de bonté que « le monde » et ses sectateurs et ses princes ne posséderont jamais. Et, du coup, il rayonne de la joie de l’homme libre, vraiment libre ! Il insiste sur cette joie qui est signe de reconnaissance entre hommes libres de la seule vraie liberté. Il comprend tout et jusqu’à la révolte et y compris jusqu’à la révolte contre les
clercs – il l’a dit ! – qui abusent de leur pouvoir en tout domaine et qui sont de plus des lâches devant la détresse des âmes. Rien de plus horrible qu’un prétendu homme de Dieu qui ferme son cœur aux sinistrés de l’église au motif qu’ils ne relèvent pas des options de l’appareil clérical. Et, heureusement, c’est le type opposé qui recommence à devenir la norme : grâce aux pontifes successifs et grâce au courage opiniâtre des meilleurs.

La bonne nouvelle, rappelée par François, est la force qui demain redonnera au véritable Royaume sa dynamique propre, celle que les forces mondaines sont bien incapables de susciter, puisqu’elles sont déjà en train de disparaître avec leur univers de fric et de mort.

Les familles royales sont aussi signe de liberté.

Cependant, il est aussi dans le monde et en particulier dans la vieille Europe des forces politiques existantes qui ne vivent pas selon les règles ordinaires de cette conquête du pouvoir toujours à prendre et à reprendre, ni de cet empire de la richesse qui n’a que la richesse comme finalité. Et, parce que ces forces ont en elles-mêmes des ressorts naturels, parce qu’elles font
appel à d’autres normes que la plate démagogie, elles suscitent l’enthousiasme des peuples : elles leur parlent de l’histoire, de leur histoire, de la famille, de leur famille, de la succession des générations, d’un ordre qui ne dépend ni des spéculations de l’argent ni des calculs électoraux, d’un sens de l’humain qui a plus de saveur et de réalité que tous les pseudo-humanismes dont
se flattent les classes politique, médiatique et financière, et qui dissimulent si mal leur turpitude. Cet été a montré la vitalité de ces forces quasi immortelles.

Les familles royales sont toujours là. La France s’est privée de la sienne et à ses dépens. Il suffit de regarder à côté de chez nous. Un enfant, un héritier fait rêver l’Angleterre qui sait, du coup, quelles que soient les crises qu’elle subit, qu’elle a un avenir, une histoire à continuer, des générations futures prêtes demain à assumer leur destin. C’est une ressource qui vaut mieux que tout l’or de ses banques. George Alexander Louis fait la joie de ses parents William et Catherine, duc et duchesse de Cambridge, de son grand-père Charles, prince de Galles, de son arrière grand-mère la Reine Elisabeth et de son arrière grand-père le duc d’Edimbourg ; il fait en même temps le bonheur des Anglais qui croient spontanément en le voyant à l’Angleterre éternelle. Eh oui, l’Angleterre ne périra jamais : elle est un royaume. En dépit des pires défauts de sa classe politique.

La Belgique qui, si elle était livrée aux seuls politiciens, exploserait dans l’heure, n’a de chance de survie que dans et par sa famille royale. Ses rois incarnent son principe d’unité et, par la hauteur de leur vue, ont justifié et justifient chaque jour l’institution qu’ils représentent : Baudouin, Albert et maintenant Philippe avec Mathilde qui fait la plus émouvante des reines. La Belgique profonde a vibré à leur avènement, le 21 juillet dernier. Un père transmet à son fils de son vivant la couronne qui est le bien public commun. Ces rois ne sont pas des hommes à diplômes ou à carrières ou à ambitions personnelles qui ne pensent qu’à eux et qui sont prêts à tout casser pour s’imposer ; ce sont des hommes de principe et à principes, dont la légitimité historique est sacrée, capables comme Baudouin de rappeler que la loi de la vie l’emporte sur les vulgaires et mortels compromis des puissances mondaines et politiciennes. Ils sont au-dessus ! Albert aussi a mérité de sa patrie, la rappelant à chaque instant à l’unité. Et de même au Luxembourg, au Danemark, aux Pays-Bas, en Espagne où la seule institution qui vaille est l’institution
royale, et quand la personne en titre commet une faute, – et malheureusement cela arrive et trop souvent – tout le monde pense que c’est indigne de la fonction royale et le premier intéressé est aussi le premier à le comprendre parfaitement. Il dégrade du coup son image et l’institution et la famille et le pays.

Un politicien pris en faute n’est, lui, jamais qu’un homme ordinaire, très ordinaire, et le public ne s’étonne jamais de tout ce qu’il apprend, chaque jour qui passe, sur ce monde politique : il hausse les épaules sur les affaires qui s’enchaînent, les scandales à répétition et qu’il pense de fait en conformité avec ce petit univers dont ni l’honneur ni l’honnêteté ne constituent des règles de conduite.

D’ailleurs, quel homme politique, soucieux du bien commun, n’en a lui-même le sentiment ? La représentation nationale ne serait-elle pas elle-même libérée si elle s’affranchissait des partis et des compromis de partis et des stratégies de partis ? Combien d’élus et particulièrement d’élus locaux le pensent profondément, mais ne peuvent l’exprimer. Ils feraient mieux leur travail sans le poids des appareils ! Infiniment mieux ! Le totalitarisme partisan est le pire ennemi de la représentation : il a, d’ailleurs, tout pollué, tout contaminé, toutes les formes de représentations, mêmes professionnelles, toutes les institutions, tous les services publics et jusqu’à la culture qui devient une machine de parti et de partisans. Qui ne le voit et ne le sait ? Y a-t-il quelque chose de bon à attendre du régime des partis ? Rien, et le prochain automne en France le prouvera une fois de plus. Et de manière encore plus grave. Car la France n’est plus que le champ clos où s’ébrouent dans leur propre boue les hommes de partis aux ambitions folles et démesurées, à vrai dire ridicules. Loin de dominer la crise, comme le Président et ses affidés du gouvernement l’affirment avec une fatuité aveugle, le régime n’en sera que plus secoué et il se montrera, dans les difficultés qui s’accumulent, plus nuisible que jamais. Le problème n’est pas la crise, c’est le régime qui la rend insoluble. La solution, en effet, n’est pas là, en aucune des formes et réformes de ce maudit régime ; et les parlementaires qui ont encore le souci de la France, sont les premiers à s’en rendre compte. Ils l’avouent en confidence. À quoi sert leur travail ? La représentation, bien sûr, mais pas à ce prix et dans un tel cadre. Il faut aussi la délivrer d’un système de servitude et de corruption, comme tous les pouvoirs publics, comme le chef de l’état qui n’est pas un homme libre.

C’est à une prise de conscience politique et morale que le peuple français et ses vraies élites sont appelés dans les mois qui viennent. D’abord reconquérir la liberté de l’esprit pour trouver sans équivoque la sûreté du jugement. Inutile de sauver le régime des partis : il faut penser à s’en sortir. Il y a en France suffisamment d’hommes de caractère et d’intelligence pour, le moment venu, prendre la relève et aller jusqu’au bout du sursaut national. Ce qu’il faut faire, ils le savent parfaitement et dans tous les domaines. Il leur suffirait d’avoir le moyen politique de réaliser les seules et vraies réformes dont la France a besoin.

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