Que la réalité est atroce ! Je ne parle pas seulement du sang qui coule et des pistolets-mitrailleurs qui crachent la mort ! Je parle de l’incroyable décalage, de la fracture que cet événement révèle soudain entre les projets, les plans, les réformes, les ronrons des ministères, et puis la vie telle qu’elle est et qu’on ne voulait pas la voir.
Le massacre de Charlie Hebdo, c’est la faillite, non seulement de notre ministère de l’Intérieur ou, encore, de notre ministère de la Justice. C’est la faillite de ce que nous appelons notre démocratie !
Depuis près de trente ans, les efforts législatifs et réglementaires, les « politiques pénales » ou judiciaires sont allés dans le même sens d’un soi-disant respect inconditionnel de l’individu, de ses droits à la liberté, ce qui s’est caractérisé par l’éclatement du lien familial et une attention toujours plus compréhensive pour les malheurs du délinquant. On a multiplié les structures d’assistance, de reclassement, de prévention et, après avoir privé, solennellement, la justice de son droit d’infliger la peine de mort, on s’est acharné à réduire le plus possible son droit de punir.
La formule, encore usitée, dans les jugements, « déclare M. X coupable des faits qui lui sont reprochés, et en répression, le condamne… », en est arrivée à paraître incongrue.Tout devait se dérouler aisément, en écoutes, entretiens, suivis psycho-judiciaires, assistance à la personne, procédures d’insertion et cellules socio-éducatives, avec force subventions, RMI, RSA, aide à ceci, aide à cela,
Et puis voilà ! Allahou akbar ! et la réalité cagoulée rappelle à tous, et d’abord aux rieurs professionnels dont les crayons ridiculisaient, à longueur de « unes » provocantes, la religion, la famille, l’armée, la police, la justice, l’ordre et la loi, que d’elle – la terrible réalité – on ne se moque pas.
« Dieu », disait le professeur Lejeune, « pardonne toujours. L’homme quelquefois, la nature jamais ». Il parlait de la nature physique, celle dont, en homme de science, il cherchait les lois. Il existe, aussi, une physique sociale. Elle a ses lois, beaucoup plus simples, plus accessibles à la connaissance que celles de la génétique fondamentale. L’assez grossier bon sens des proverbes les décline dans des formules à la portée du plus simple : « Qui sème le vent récolte la tempête ! »…« Oignez vilain, il vous poindra »…« La raison du plus fort est toujours la meilleure ».
Et puis, montons d’un cran, en restant simple, et tournons nos regards vers le modèle humain et royal des juges transmettant à son fils le fruit de son expérience. « Sois raide dans ton jugement, sans tourner à droite, ni à gauche, et « sans écouter d’autre voix que celle que te dictent l’évidence et la facilité du bon sens ».
La première leçon est de Saint Louis, la seconde de Louis XIV.
Des juges dont on nous dit aujourd’hui, dans une incontinence verbale qui donne la nausée, qu’ils fondèrent la sainte laïcité – cette super-religion qui nous sauvera de tous les fanatismes – ont coupé la tête à leur descendant, en le condamnant sous son patronyme d’origine Louis Capet.
Et puis, au nom de la liberté, de l’égalité, de la fraternité, de la tolérance et de la suppression de la peine de mort, ils ont génocidé la Vendée et tout ce qui, à Lyon, à Marseille, à Nîmes ou à Paris, pouvait lui ressembler.Vont-ils aujourd’hui recommencer ? Réveillés en sursaut par l’assassinat de leurs maîtres à ne plus penser, après avoir processionné sur leurs reliques, vont-ils abreuver, du sang impur des extrémistes, ce qui reste de sillons républicains ?
Je redoute, comme la peste, une volte-face absolue dont le dérèglement dans la répression sera aussi néfaste que le laxisme qui l’a précédé. Capet ! Reviens ! Ils sont devenus fous.