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Cocus, Fregati, Couilloniert

Onze millions de Français RN frustrés par les urnes, Giorgia Meloni éjectée du jeu institutionnel malgré ses succès électoraux… Partout la démocratie fait rage. La droite européenne saura-t-elle enfin s’allier pour empêcher le pire ?

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Cocus, Fregati, Couilloniert

Il est bon que les lecteurs de Politique Magazine enrichissent leurs connaissances linguistiques, pour se mettre à l’heure de l’Europe. « Cocus » n’a pas besoin d’être traduit. Fregati est un peu familier, mais pourrait être rendu par « roulés dans la farine ». Quant à couilloniert, c’est un transfert culturel vers l’Allemagne qui passe très bien, et ce dans la meilleure société.

Les Européens partagent leur expérience des élections européennes du 9 juin, qui a vu la Gauche reculer légèrement, les Libéraux et les Verts beaucoup plus, la Droite modérée progresser et les partis les plus à Droite passer de 24 à 27 %. Or la majorité au Parlement européen sortie des élections est plus à gauche que la précédente, puisqu’elle inclut désormais les Verts. Et sur les 14 vice-présidents un seul provient d’un groupe de Droite, pas plus que dans le parlement précédent.

Tandis que les chefs de gouvernement pourvoyaient aux « Top Jobs » le 28 juin, reconduisant la coalition existant depuis toujours entre le Parti populaire européen démocrate-chrétien (représenté par Mme von der Leyen comme présidente de la Commission), le Parti socialiste (avec le président du Conseil européen, le socialiste portugais Antonio Costa) et le Parti libéral avec l’Estonienne Kaja Kallas comme Haut représentant pour les Affaires étrangères. C’était prévu de longue date. Comme si de rien n’était.

Le vote des Français pour le Parlement européen avait vu le triomphe du RN, triomphe confirmé le 30 juin au premier tour des élections provoquées par la dissolution. Mais ce triomphe était fortement réduit au deuxième tour, et dans le Parlement élu le 7 juillet le RN n’obtenait pas une seule vice-présidence de la Chambre ou présidence de commission. Coïncidence : la cérémonie d’ouverture des JO, dont les thèmes ne correspondaient pas à la vision historique et culturelle de la Droite en général et de ce que l’on pensait être une majorité silencieuse.

La séquence n’est pas terminée, on attend la formation du nouveau gouvernement. Il aura de toute façon du mal à réunir une majorité. On dit que la France est de plus en plus à droite. Voire. Certainement pas dans ses structures. En 1945-1946, la CGT (et le PCF) ont pris le contrôle effectif d’EDF et de la SNCF. Cela n’a jamais été vraiment remis en cause. À partir de 1968 ça a été l’Université, très largement par les trotskystes. Pas sérieusement combattus, en tout cas jamais longtemps. Dans la foulée les écoles de journalisme, l’École nationale de la magistrature, plus tard Sciences Po et pour finir l’ENA. Tout ça va dans le sens du NFP, arrivé en tête, et sera difficile à contourner.

Bien sûr, une autre combinaison gouvernementale, de LR aux Socialistes, n’est pas exclue et va être évidemment tentée par le président de la République, même si la réforme constitutionnelle de 2008 a beaucoup amoindri les moyens du chef de l’État. Mais elle serait sans majorité assurée et devrait fonctionner au 49.3, avec de considérables remous dans la rue et dans l’opinion. Et, comme si souvent depuis 1968, elle serait fascinée par la Gauche.

Calculs hasardeux

Le cas de Mme Meloni, même si elle se retrouve elle aussi fregata, est assez différent. Elle avait d’abord pensé pouvoir s’entendre avec Mme von der Leyen, à la fois pour éviter un glissement de celle-ci vers la Gauche et pour obtenir l’un des « Top Jobs » pour l’Italie. Du coup, pour ne pas entraver ce scénario, elle n’a pas voulu œuvrer pour une union des Droites dans un grand groupe parlementaire au parlement européen (il y en a trois à l’extrême-droite). Elle pensait pouvoir concilier deux logiques, en fait contradictoires (c’est d’ailleurs un problème de fond de l’Union) : l’idéologie et la politique au niveau de l’UE, et les intérêts concrets des États membres, en gagnant sur les deux tableaux. Mais elle a perdu sur les deux, avec l’entrée des Verts dans la majorité et l’absence de Top Job pour Rome. Du coup elle n’a pas soutenu von der Leyen lors du vote au Parlement européen le 18 juillet.

Certes elle espère encore que ce sera le Commissaire italien qui recevra le nouveau ressort qu’elle souhaite faire créer : la Méditerranée, pour des raisons que l’on comprend. Mais on peut penser que ni l’Espagne ni la France ne feront quoi que ce soit pour lui faciliter les choses. Elle risque donc de perdre sur tous les plans, à la suite de l’échec de calculs trop complexes. Et j’entends déjà le bruit des poignards que l’on aiguise à Rome, jusque dans son camp.

Le RN s’était fait lui aussi des illusions, après les résultats des européennes et du premier tour, ne disant plus rien et reculant même sur beaucoup de ses propositions, espérant se « normaliser ». Sans empêcher le « barrage » du second tour ni ensuite l’exclusion systématique lors de la répartition des vice-présidences et fonctions diverses à l’Assemblée. Simplement ses dirigeants ont peut-être compris les raisons de leur infortune plus vite que Mme Meloni.

Sur le plan intérieur, la première réaction frappante a été que Marine Le Pen n’a pas du tout participé à la protestation contre la cérémonie d’ouverture des JO, en fait très minoritaire : la cérémonie a été admirée par 80 % des Français et par la Presse internationale, y compris la plus sérieuse. Dans la France d’aujourd’hui, dérision sacrilège et célébration de la Terreur et de la décapitation de Marie-Antoinette ne sont plus un problème mais un motif de fierté. (On avait pu le pressentir dès l’échec et l’effritement de la pourtant puissante Manif pour tous en 2013, ça a été, à mes yeux, le tournant).

« Politique d’abord, non pas dans l’ordre de la dignité, mais dans celui de l’urgence » : il faut en revenir à l’objurgation de Maurras. C’est là que le plan européen retrouve toute son importance : on y pratique en effet le scrutin proportionnel, beaucoup plus difficile à manipuler que le scrutin majoritaire à deux tours. C’est encore là que les Droites peuvent le mieux se faire entendre. Car la « preuve d’amour » peut y être plus efficace.

Dérives centralisatrices

Or le plan européen, désormais, surplombe le plan national pour beaucoup de domaines, c’est ainsi. Là l’urgence est de bloquer les nouvelles dérives centralisatrices de Bruxelles (qui crée un Commissaire au Logement, ce qui touchera à terme la législation sociale, la construction, etc., etc., par ce processus d’agglutination connu : ce n’est nullement dans les attributions de la Commission, mais un texte de 2017 parlait du logement social). Autre dérive centralisatrice : l’avertissement donné à Elon Musk le 12 août, juste avant son entretien en ligne avec Donald Trump, d’avoir à respecter sur sa chaine X le « Digital Services Act » de l’UE qui depuis 2022 proscrit l’ « appel à la haine » en ligne. C’est la porte ouverte à la censure et une ingérence dans la campagne présidentielle américaine en faveur des Démocrates (mais les nouvelles positions parlementaires à Bruxelles et les choix d’Ursula von der Leyen rendent sans doute un positionnement « à gauche » nécessaire ?).

Tout cela sans parler de ce que j’ai déjà évoqué dans un article précédent, la volonté de passer au vote majoritaire dans tous les domaines, ou encore l’écologie intrusive, qui va sans doute être relancée après l’entrée des Verts dans la majorité à Bruxelles.

Troisième domaine vital : l’immigration. Les Pays-Bas, le Danemark, la Suède, l’Italie, la Finlande, tous pays où l’extrême-droite participent désormais au gouvernement, prennent chacun de leur côté des mesures pour la freiner. Mais chaque fois Bruxelles s’y oppose, en utilisant l’arsenal juridique fourni par la Charte européenne des droits de l’homme et la juridiction communautaire.

Sur tous ces points, seule une union des trois groupes de droite au Parlement européen (il s’agit des groupes parlementaires, cela ne concernerait nullement les partis eux-mêmes, qui restent nationaux mais qui sur les questions urgentes rappelées plus haut sont d’accord) permettrait d’infléchir le cours des choses dans les rudes combats qui s’annoncent.

 

Illustration : « Il est surréaliste que les noms des principaux postes de l’UE soient présentés sans même faire semblant de discuter des signaux émis par les électeurs », a déclaré Giorgia Meloni.

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