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Chine : Xi invente le 11e commandement

Le 1er janvier 2024, une « loi sur l’éducation patriotique » est entrée en vigueur en République populaire de Chine : les religions doivent enseigner l’amour du parti et l’amour du socialisme. Une loi qui vise aussi Taiwan et la diaspora chinoise.

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Chine : Xi invente le 11e commandement

Fruit du département de la propagande du parti communiste chinois, la « loi sur l’éducation patriotique » aura été mise au point pendant un an avant d’être adoptée le 24 octobre par le comité permanent. Des modifications de dernière minute y ont été apportées, notamment à l’Article 21, pour mobiliser les groupes religieux dénommés improprement « les clergés religieux et les croyants » dans l’effort de propagande. Ils devront promouvoir « les valeurs fondamentales du socialisme », déjà imposées aux religions depuis 2018 et la campagne de sinisation. Dans ces valeurs, le patriotisme figure au rang des valeurs individuelles (avec le dévouement, l’intégrité et l’amitié) après les valeurs nationales (prospérité, démocratie, civilité) et les valeurs sociales (liberté, égalité, justice, règles de la loi). Fait nouveau, l’article étend l’application de la loi à Taiwan et aux Chinois d’outre-mer.

Les représentants des cinq religions ou courants spirituels officiellement reconnus –dont l’église catholique officielle, L’Association patriotique des catholiques chinois, créée en 1957 par le parti communiste, et la Conférence des évêques de l’Église catholique de Chine – ont publié leurs directives en ce sens le 4 janvier. Leur réunion s’est tenue au siège de l’association islamique chinoise, tout un symbole sur fond de persécution des Ouïghours. Son objet, convaincre leurs troupes d’adhérer au « patriotisme », c’est-à-dire aimer le parti et aimer le socialisme.

Parmi les directives, la plus notable est celle qui vise à « renforcer l’éducation patriotique et à faire comprendre que sans le parti communiste chinois il n’y aurait pas de nouvelle Chine, ni de socialisme avec des caractéristiques chinoises, [qu’] il serait impossible de réaliser le grand rajeunissement de la nation chinoise, et [qu’] il ne serait pas possible d’avoir une vie saine pour les différentes religions de notre pays ni une vie heureuse pour le grand nombre de croyants ».

Réduits à des représentants de « cercles religieux », d’ailleurs payés par le parti, les signataires catholiques, protestants, bouddhistes, taoïstes et islamiques affirment devoir apprendre, penser et pratiquer la pensée de Xi Jinping, notamment « ses importants exposés » sur le « travail religieux », tout en soutenant l’unité et la paix d’une Chine nouvelle et rajeunie. Hongkongais et Taiwanais apprécieront.

« Le patriotisme est un commandement de Dieu ».

Orwell aurait adoré cette formulation imaginaire, créée de toutes pièces et co-signée sans sourciller par la très officielle Association patriotique des catholiques chinois de même que par la Conférence des évêques de l’Église catholique de Chine. En citant la phrase entre guillemets : « Le Catholicisme souligne que “le patriotisme est un commandement de Dieu” », ils accréditent l’idée que ce serait une citation extraite du Décalogue. On y verra moins une référence au 4e commandement (« tu honoreras ton père et ta mère afin d’avoir longue vie sur la terre que le Seigneur ton Dieu te donne » – Exode 20, 12) qu’ un reflet déformé du catéchisme de l’Église catholique de 1992 sur les autorités dans la société civile, plus précisément sur les devoirs des citoyens : « soyez soumis, à cause du Seigneur, à toute institution humaine… »( 1 P) en oubliant la suite : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu » (Luc 20, 25). À l’adresse des protestants, il est rappelé que pour le christianisme, « un bon Chrétien devrait être un bon citoyen ».

Ils n’hésiteront pas, déclarent les auteurs, à faire les ajustements nécessaires aux enseignements et canons pour faire coïncider ceux-ci avec les nécessités de la Chine contemporaine et les impératifs du progrès, en phase avec « l’excellente culture traditionnelle chinoise ». Les valeurs patriotiques qui existeraient dans la pensée religieuse chinoise (celle d’un parti athée) deviendront « ferme croyance », « force spirituelle » et « action consciente du clergé et des croyants », pour établir en définitive que « l’État est plus grand que la religion, que la loi est plus grande que les règles religieuses, et que les gens sont d’abord des citoyens ». Pendant ce temps, Monseigneur Pierre Shao Zhumin, évêque du diocèse de Wenzhou, nommé par François, arrêté le 2 janvier 2024 et porté disparu sans qu’on ait de nouvelles à ce jour, est l’une des premières victimes de l’année. Il ne sera pas le dernier tant l’Église clandestine est toujours persécutée en Chine.

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