L’économie paraît devenue folle. Rien d’étonnant dans cette nième péripétie du capitalisme, qui les aime plus que de raison, son histoire en témoigne. Crise des subprimes en 2008, crise des dettes souveraines en 2011, krach de la bulle internet en 2002, krach asiatique en 1997, le premier de la mondialisation, sans compter, bien sûr, le krach pétrolier de 1973 qui est aussi un krach monétaire (depuis 71 le dollar est devenu inconvertible en or, véritable source des crises suivantes). Mais, cette fois, les observateurs, surtout anglo-saxons, nous disent que ce pourrait être le « big one ».
Pléthore de déclarations alarmistes
À l’appui de cette crainte, un nombre de déclarations alarmistes dont l’inventaire occuperait la totalité de cet article : apparemment, finie, la procrastination ! Citons donc Barry Sternlicht (Starwood capital) : « Je pense que nous allons entrer dans une grave récession » ; l’économiste américain Michael T. Snyder estime aussi qu’on ne peut pas ignorer les signes avant-coureurs de la tempête qui se prépare ; l’économiste américain Peter Schiff prédit que le dollar américain connaîtra l’une des pires années de son histoire en 2023 (dédollarisation en cours) ; Jamie Dimon, PDG de la JP Morgan, tient aussi ce discours ; Harry Dent, économiste, fondateur de HS Dent Investment Management et auteur de plusieurs livres à succès, a averti vendredi 7 avril que le plus grand krach de notre vie « va se produire entre aujourd’hui et la mi-juin environ » ; Peter Schiff ajoute que la plus grande crise financière de mémoire d’homme se précipite vers nous ; l’analyste suisse Egon von Greyerz estime aussi qu’un méga-krach est inévitable ; dans une interview accordée à CNBC, Patrick Carroll, PDG de la société d’investissement immobilier Carroll, prédit que le marché immobilier se retournera d’une façon désastreuse ; selon la directrice du FMI, Kristalina Georgieva, « 2023 sera pire que 2022 et un tiers de l’économie mondiale sera en récession ». Quant au journaliste financier américain John Rubino, il prévoit l’éclatement de la bulle des milliers de milliards de dollars des produits dérivés (la Deutsche Bank est gavée de CDS , assurance sur les impayés titrisée) pendant que Ray Diallo, le fondateur de Bridgewater Associates, constate que les niveaux d’endettement sont devenus insoutenables et, cerise sur le gâteau, qu’Attali nous prédit le krach pour août.
Un faisceau de présomptions de krach
On peut parler de carambolage parce que le nombre de paramètres que ce krach potentiel rassemble donne à penser sur son intensité : la masse critique des facteurs cumulés a atteint un niveau qui ne peut pas ne pas produire une rupture. Krach bancaire, boursier, krach de la dette, krach monétaire, convenons pour l’heure, de parler simplement de krach. JP Morgan considère comme « cataclysmique », à juste titre, la combinaison de la hausse des taux, de la crise des dettes publiques et de l’hyper-endettement, tous agents confondus.
Les banques, en tête de gondole
La première alerte fut la faillite de FTX en novembre 2022 : faillite frauduleuse, certes, mais les escrocs ont toujours un peu d’avance. Puis ce fut SVB (mars 2023) puis Sylver Bank et Signature Bank ; puis, le 1er mai, First Republic Bank se déclare en faillite, est saisie par l’État et revendue à JP Morgan. Il s’agit de la deuxième plus grosse faillite bancaire de l’histoire des États-Unis (hors banque d’investissements comme Lehman Brothers). Et encore le vendredi 28 avril, des regains de tensions avec la banque britannique Natwest. Aux États-Unis c’est la chute en bourse de la banque PacWest qui relance les spéculations sur les banques régionales américaines. Son cours de bourse chutait encore de 28,78 % à Wall Street entraînant dans son sillage quelques banques régionales comme Citizens Financial, KeyCorp, Comerica, Zions ou Western Alliance Bancorporation, toutes en baisse. En France, le sujet est traité de manière anecdotique par le cartel des médias subventionnés. La remontée des taux produit un risque systémique qu’un faisceau d’indices présente comme plausible aujourd’hui.
En Europe, on connaît déjà le sort de Crédit Suisse racheté par UBS. L’examen des normes comptables internationales (International financial reporting standards, IFRS) fait apparaître que la Deutsche Bank (la pire en la matière) mais aussi la Société générale et même BNP Paribas (dont le bilan dépasse le PIB français) sont en situation difficile malgré les profits en hausse dus aux augmentations des taux. Un krach bancaire n’est donc pas impossible en dépit des secours des banques centrales. Selon le milliardaire Warren Buffet, « les faillites bancaires ne sont pas terminées ». Les sauvetages bancaires, eux, profitent aux indices boursiers : après le rachat de la First Republic Bank l’action de JP Morgan grimpait de 3 % à Wall Street.
L’iceberg de la dette
Le Titanic de l’économie occidentale s’achemine droit dessus, et l’orchestre médiatique continue de jouer. Le problème est que financer en 2023 un nouveau plafond de la dette publique américaine, actuellement à 31 400 milliards de dollars (121 % du PIB), ce n’est pas la même chose avec des taux à 5,1 % qu’à 1 %. En France, comme l’a souligné Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, toute augmentation de taux d’intérêt de 1 % représente au bout de 10 ans, une charge supplémentaire d’intérêts de 39 milliards d’euros. Pour un taux normal historique à long terme de 6 %, cela représenterait donc environ 240 milliards d’euros de charges d’intérêt à terme, au bout de 10 ans, soit environ 80 % des recettes du budget régalien de l’État (environ 300 milliards d’euros). À fin 2022, l’endettement de la France représentait déjà 111,6 % du PIB.
L’agence Fitch vient d’abaisser la note de la France de AA à AA- (le plus bas étant C) ce qui ne fait pas les affaires du gouvernement et signifie que, pour financer ses déficits, la France présente désormais un risque qui enchérit les taux de ses emprunts. L’agence juge que l’impasse politique du président va l’obliger à augmenter les dépenses publiques et les impôts.
À la recherche d’une croissance perdue
Les politiques, Bruno Le Maire en tête, tentent d’endormir l’opinion sur la solidité du système financier de notre pays. Plus personne ne veut de ses vieilles dettes qui ne rapportent rien, et nous avons des milliards de dettes émis à pas cher (krach obligataire). Le ministre des Finances se montre plus habile à faire du porno, si l’on en croit ses romans à deux sous, qu’à établir de justes prévisions puisqu’il prétend rembourser la dette Covid grâce à la croissance. Las ! L’Insee révise à la baisse le taux de croissance tandis que la Banque de France le révise à la hausse autour d’un petit 0,5 %. Et, outre-
Atlantique, la croissance américaine tombe à 1,1 % au premier trimestre, alors qu’elle s’établissait à 2,6 % sur les trois derniers mois 2022, et ce chiffre est largement inférieur aux attentes. La hausse des taux d’intérêt ainsi que les récentes faillites bancaires ont conduit à un durcissement des conditions des prêts bancaires, ce qui fragilise l’économie américaine. Le risque pour les grandes économies que ce soit les USA ou les pays européens, c’est de voir la récession s’installer avec la persistance d’une inflation élevée : la stagflation.
Le calme avant la tempête, en attente du Cygne noir
Le gouvernement fédéral pourrait bientôt manquer d’argent pour payer ses factures : que se passera-t-il si la limite n’est pas relevée ? L’impossibilité de parvenir à un accord entre Démocrates et Républicains sur les dépenses publiques et la dette fédérale pourrait entraîner le défaut de paiement des États-Unis. Pour le Wall Street Journal, ce serait désastreux car le contexte est un facteur aggravant. C’est Jamie Dimon, le PDG de JPMorgan Chase (encore lui), qui a déclaré courant mai que « les marchés seraient pris de panique à l’approche d’un éventuel défaut de paiement de la dette souveraine des États-Unis ». Pour lui, cette peur affectera le marché obligataire et donc les taux : « Plus on s’en approche, plus la panique s’installe, sous la forme d’une volatilité des marchés boursiers et d’un bouleversement des obligations d’État ». La « salle de crise » de la banque s’est réunie une fois par semaine, puis tous les jours à partir du 21 mai, et ensuite trois fois par jour. C’est que l’État américain doit financer bien des choses, la guerre en Ukraine, par exemple : le retard de l’offensive de printemps de l’armée ukrainienne pourrait s’expliquer par l’incertitude sur les moyens. Et parmi les dépenses il y a aussi celles de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), l’agence américaine en charge de garantir les dépôts bancaires avec un dilemme : va-t-elle sauver tous les dépôts, y compris ceux au-delà de 250 000 dollars (en Europe, le Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution (FGDR) ne couvre les dépôts qu’à hauteur de 100 000 euros) comme cela été pratiqué pour SVB et Signature Bank… alors qu’elle n’en a pas le droit ? Mais si la FDIC ne rembourse pas tous les dépôts sans exception aucune, cela pourrait très rapidement déclencher un bank run, une panique bancaire !
Une secousse sismique de forte intensité
En tout état de cause, ce gigantesque désordre vient de ce faux argent magique imprimé aux États-Unis et des faux taux d’intérêts que cette fabrication a créés aux États-Unis et en Europe, le tout appuyé sur une devise (le dollar) qui n’a de valeur que par ses privilèges insensés et la puissance de son complexe militaro-industriel : comme disait Jacques Rueff, « l’inflation, c’est subventionner des investissements qui ne rapportent rien avec de l’argent qui n’existe pas ».
Pour la France, il est douteux que les quatre années que Macron va vivre comme président soient de tout repos. Le chaos économique et social guette, le réel est impitoyable dans sa vengeance. L’européiste compulsif qu’il est risque de connaître l’explosion de l’euro, la hausse de l’or (plus de 2000 $ l’once) et le cortège des faillites et du mécontentement social, et sa sournoise tyrannie n’y pourra en rien remédier.