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LR : la stratégie du radeau de la méduse ?

À l’origine, ils n’étaient nullement macronistes, ni même acquis au « en même temps » de 2017. Mais avec le temps, par un prompt renfort de circonstances, ils ont fini par être arrimés au navire du « bloc central ». Quitte à en devenir les plus fervents partisans dans une démarche assez insolite, et alors même que certains partisans du « socle commun » doutent ouvertement d’Emmanuel Macron.

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LR : la stratégie du radeau de la méduse ?

Au début, c’était niet. À la suite de l’élimination de François Fillon du premier tour de la présidentielle, Les Républicains n’avaient pas appelé à voter Macron contre Marine Le Pen. Préservés par deux groupes encore consistants à l’Assemblée nationale (101 élus à la suite des législatives de juin 2017) et au Sénat, le parti jurait de ne jamais rejoindre la nouvelle majorité présidentielle, organisant même l’exclusion de ceux qui avaient intégré le gouvernement (Darmanin et Lecornu, qui, aujourd’hui, n’est plus voué aux gémonies). Malgré les débauchages et les changements d’allégeance, le parti était chauffé par une présidentielle encore fraîche où le candidat Fillon avait obtenu 20 % des suffrages exprimés ; une première dans l’histoire des élections présidentielles de la Ve République, car jamais des électeurs ayant une si faible estime pour un candidat empêtré dans des affaires n’ont apporté un si fort soutien. Au point que François Fillon a plus perdu les élections qu’il ne s’est vraiment effondré à la différence, par exemple, de Benoît Hamon dont les voix ont été siphonnées par Macron et Mélenchon en avril 2017. Pourtant, huit ans plus tard, LR se retrouve dans la situation la plus délicate, comprenant que le navire coule, tout en étant incapable de l’abandonner, les plus critiques à l’égard de Macron étant ceux qui l’avaient rejoint originellement ou peu de temps après son arrivée à l’Élysée, comme les élus d’Horizons. Retour sur cette situation atypique qui en dit long sur l’état d’une certaine droite. On reviendra donc sur les différentes raisons qui ont conduit à cette situation paradoxale où le plus enflammé devient le plus mesuré.

La traversée du désert est rude

Pour comprendre les ultimes comportements du parti, il faut rappeler que, depuis 2012, LR est resté dans l’opposition sans avoir empêché la réélection d’Emmanuel Macron en avril 2022, président honni, mais qui est le premier élu dans le cadre du quinquennat à avoir été reconduit. La candidate LR à la dernière élection présidentielle, Valérie Pécresse, s’est écroulée, donnant à la droite dite républicaine l’un de ses pires résultats sous la Ve République. Pour la première fois, une figure de la droite à la tête d’une collectivité importante réalise un score digne de Gaston Defferre en 1969, lorsque les socialistes assistèrent impuissants au duel Pompidou-Poher. Pourtant, LR pèse encore par ses élus locaux et par son important groupe sénatorial (130 sénateurs), le plus grand groupe parlementaire si on additionne l’Assemblée nationale et le Sénat. Il en résulte une situation paradoxale d’un parti qui ne pèse plus nationalement, mais ancré territorialement. Jusqu’en septembre 2024, la majorité macronienne n’avait pas besoin de son soutien, mais après la dissolution ratée de juin 2024, LR est devenu une force d’appoint. Des figures dont on imaginait encore peu qu’elles figureraient dans un gouvernement ont accepté des postes importants, à commencer par Bruno Retailleau qui a fait une entrée solennelle en intégrant Beauvau.

Or c’est justement la situation propre aux coalitions, où le poids d’un groupe politique n’est pas corrélé au nombre d’élus. Pour Les Républicains, c’est une manière de sortir d’une (longue) culture d’opposition qui a duré douze ans. Exclu du pouvoir par la grande porte (la défaite de Sarkozy à la présidentielle de 2012), le parti rentre donc par la petite (la nécessité de trouver des soutiens à une coalition qui ne dit pas son nom, le « bloc central »). On pourra également ajouter qu’un parti qui se prétend « de gouvernement » tout en se marginalisant se heurte à des contradictions fondamentales. Or entre 2012 et 2024, LR n’a pas cessé de se revendiquer comme un parti structurant, réclamant la place qui lui est due : le pouvoir. Autant dire qu’il a été piégé par ses propres mots et que la peur du blocage des Insoumis – ce n’est pas la seule raison – a conduit le parti à proposer ses offres de service. Et ce au nom d’une culture de gouvernement, d’une peur de la marginalisation et aussi de cet éthos que l’on retrouve chez les électeurs de droite : le sens de la responsabilité et la crainte de l’anarchie ; l’électorat de droite est aussi un électorat conservateur si l’on entend sous ce terme un refus du désordre auquel participe toute instabilité politique. On ne saurait nier que cela pèse et que les comportements des dirigeants LR (Retailleau ou Wauquiez) ne sauraient à eux seuls tout expliquer. En effet, l’idée d’être au gouvernement reste plébiscitée par les sympathisants de droite, si l’on en croit les enquêtes d’opinion.

LR renoue avec les combinaisons sinueuses propres aux phénomènes de coalition

La dissolution ratée de juin 2024 a entraîné une situation où il n’y a ni véritable gagnant, ni véritable perdant avec une Assemblée nationale composée de trois blocs, dont l’ampleur est certes inégale, mais qui ne permet pas de révéler un dominant. Sauf si on additionne les élus macronistes (Renaissance ou Horizons) et les élus LR. Cette fois-ci, on tombe à 210 députés, mais bien loin de la majorité absolue, dont l’absence est béante. Mais cette situation est justement fragile et fait craindre une véritable instabilité, deux Premiers ministres ont déjà été renversés depuis décembre 2024, dont l’un à sa propre initiative (la déclaration de politique générale proposée par Bayrou qui a été un véritable suicide anticipé). C’est justement au nom du refus de l’instabilité que Retailleau a rejoint le gouvernement en septembre 2024 et que Wauquiez s’est refusé, en septembre 2025, à censurer « par principe » un gouvernement socialiste. Autrement dit, l’élection par défaut d’Emmanuel Macron en avril 2022 n’a pas été consolidée par ce que l’on appelle le fait majoritaire : une majorité de députés acquis au camp présidentiel. Et la situation a empiré en juin 2024 avec le résultat que l’on connaît : un camp présidentiel en débandade qui doit trouver des alliés d’infortune. Le président de la République, qui est censé être la « clé de voûte » des institutions malgré une Constitution qui lui attribue davantage un « pouvoir de solliciter » (Michel Debré) que de gouverner n’a pas de majorité, d’où le fait que la Ve République, renoue avec la culture fragile des coalitions parlementaires. Dans cette situation, LR est une force parmi d’autres. Mais plus on est petit, plus on pèse de manière inverse à son nombre de députés, ce qui est le propre des partis dits charnières, comme on le voyait sous la IVe République.

Une situation paradoxale

LR est donc un petit parti qui doit sa survie à l’autonomie de ses députés (on les qualifie « d’auto-entrepreneurs » de la politique) et qui tolère que son groupe parlementaire au Palais Bourbon se divise sur la confiance à accorder à Bayrou. Ce qui est normal, car si une nouvelle dissolution se profile, le député est sensible à ce qu’il entend sur le terrain. Une situation également digne de la IVe République, où l’on pouvait voter contre son propre gouvernement… Mais la fin d’un gouvernement, c’est aussi la fin des carrières ministérielles – voire politiques – de certains ministres. D’où la prudence de Retailleau à l’égard du refus de la confiance à accorder à Bayrou, surtout quand on est resté un an à Beauvau. Bref, on en arrive à une équation complexe : l’intrication – et aussi la contradiction – entre un positionnement politique (la nécessité de critiquer les « totems » fiscaux de la gauche comme la taxe Zucman) et la crainte de quitter définitivement le gouvernement. On prend le risque en effet de perdre un atout précieux dans le jeu politique en laissant passer les trains. Pour un parti qui lorgne sur la prochaine présidentielle sans avoir de favori et qui rêve d’une droite allant de « Gérald Darmanin à Sarah Knafo » (dixit Laurent Wauquiez), le court terme contredit le long terme. Une situation qui n’est pas sans analogie avec les anarchistes espagnols qui, pendant la Guerre d’Espagne, avaient rejoint le gouvernement républicain. LR risque donc de s’effondrer avec ceux qu’il a longtemps conspués sans avoir eu le temps de s’en distinguer.

 

Illustration : Stratèges winners de LR démontrant qu’ils sont en responsabilité et en capacité.

 


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