Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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Marc Eynaud est un journaliste de cœur. Il ne refuse ni les combats ni les avanies de l’engagement. Une de ces plumes qui rendraient « la grande presse » plus lisible et moins ignorante de la passion des hommes qu’elle raconte.
Le cœur a ses excès, ses manies, ses voiles. On en trouvera certainement quelques uns dans Qui en veut aux catholiques ?, son premier essai, aux éditions Artège. Le ton et la construction sont ceux d’un habitué de l’information quotidienne. Les mots classent directement Marc Eynaud dans une famille spirituelle, laquelle n’a jamais pardonné la Terreur et l’expulsion des congrégations. Qu’y peut-il ? Il faut bien que demeurent dans notre pays quelques jeunes esprits conséquents.
Le journaliste de Boulevard Voltaire explore l’Église ravagée et les églises profanées. Les cimetières satanisés, les hosties volées, les œuvres laissées à l’abandon n’ont aucun secret pour lui. Alors qu’il aurait pu risquer de s’en tenir au matériel, Marc Eynaud a listé également cette démission des âmes et ce galvaudage de l’héritage qui ont affaibli l’Église en France. Le constat est implacable, posant des mots précis et durs sur des réalités trop souvent édulcorées.
Que vient faire néanmoins cette misère des églises de France dans une chronique orientale ? En quoi les actions de SOS chrétiens d’Orient sont-elles concernées par cette grande pitié ?
Répondre à ces questions revient à lever, je crois, de graves interrogations souvent lancées au sujet de SOS. D’abord, quand Marc Eynaud écrit que « Devant les profanations et les dégradations, les réactions sont quasi inexistantes au plan national », il dévoile un grave symptôme du refroidissement français. Refroidissement des consciences, trop atrophiées pour comprendre qu’insulter un mystère, c’est abîmer l’Homme entier. Refroidissement des fils, incapables de s’indigner des blessures infligées au trésor de leurs pères. Refroidissement des clercs, tellement soucieux de la paix préfectorale qu’ils négligent la préservation de notre bien.
Ce refroidissement fait des victimes, et en premier lieu une victime, notre peuple, dont l’esprit n’est plus formé à considérer la gravité de ce qu’il voit. Les suppliciés de l’indifférence sont aussi toute une jeunesse, appelée à se taire quand elle est humiliée, à se prostrer quand elle est sous l’assaut, à se cacher quand on veut l’exposer. Pour sûr, la proposition que lui offre SOS chrétiens d’Orient tranche beaucoup avec ce qu’un certain conformisme lui promet. Nous sommes les grands bénéficiaires de l’indisposition générale à l’égard des élites refroidies. Il n’y a pourtant pas lieu de s’en réjouir : les refroidis haïssent les généreux. Il les accable de tracasseries, de calomnies, d’imbroglios qui, mis à la lumière, provoqueraient un écœurement complet. Tout cela n’est donc pas fort propice à un pays en mission.
Marc Eynaud de commenter : « Or, ce militantisme visible des jeunes générations se heurte non seulement à une certaine frilosité de l’épiscopat, mais surtout à une société de plus en plus hostile à ce que cette jeunesse représente. » Douloureux constat. Alors que des témoins de la vocation millénaire de la France chauffent leur énergie au devoir de vivre au présent ce dont notre pays a toujours vécu, elle est conspuée, meurtrie.
Dans cette ambiance générale, nous aurions tôt fait de baisser les bras et d’en revenir à l’exil, intérieur ou étranger. Les chrétiens d’Orient ne nous le pardonneraient pas. Eux qui ont maintenu leur présence en Syrie, malgré l’abandon des nations chrétiennes, eux qui ont souffert des déplacements de population organisés par l’État islamique, eux qui demeurent quand nous voudrions fuir. Fuir ne sera jamais notre mission.