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Les Républicains : la chute finale ?

Dans la présidentielle du mois d’avril 2022, Les Républicains sont peut-être les vrais perdants de l’élection. À la différence d’un PS anxieux de vivre, ils semblent avoir découvert qu’ils ne pesaient plus rien dans l’espace politique, mis à part celui des collectivités locales et des élus locaux.

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Les Républicains : la chute finale ?

La chute des Républicains vient en réalité de loin. Depuis 2012, la formation a vu pour la troisième fois son candidat perdre la présidentielle. Si en 2012, il s’agissait du sortant (Nicolas Sarkozy), les Républicains ne perdent plus de peu comme en 2017 (Fillon était à 500 000 voix de Marine Le Pen), mais cette fois-ci de beaucoup. Ce qui pourrait faire dire que dans l’élection de 2022, parmi les 4 blocs du premier tour de 2017, celui de la droite modérée s’est effondré. En effet, les trois autres candidats qu’étaient Macron, Le Pen et Mélenchon ont vu leur électorat se consolider. Même Mélenchon ne se contente plus d’effleurer les 20 %, ayant failli dépasser Marine Le Pen. Car le bloc LR a été victime d’un siphonnage multiple. Dans les terres de droite conservatrice – notamment l’Ouest de la France –, les électeurs de Fillon de 2017 ont voté Macron le 10 avril 2022. Quelques pourcents sont allés chez Zemmour, dont le faible résultat n’a pas empêché de donner à Valérie Pécresse le coup de grâce à tel point que dans la plupart des bureaux de vote de France et de Navarre, l’ancien polémiste dépassait la présidente de l’Île-de-France. Mais la chute n’a rien d’un fatal concours de circonstances. Structurellement, Les Républicains sont en perte de vitesse depuis dix ans. L’affaire Copé-Fillon de 2012, la défaite de Sarkozy aux primaires en novembre 2016, l’absence de leader due à l’échec de Wauquiez et à la morne présidence de Jacob ont rappelé que le parti faisait juste du surplace.

Un parti dont l’identité a été celle d’un parti de gouvernement

Sur le fond, la vérité est cruelle : naguère parti de gouvernement, qui incarnait plusieurs droites (les trois droites décrites par René Rémond) sans vraiment trancher, Les Républicains sont devenus une formation d’opposition hantée par ses souvenirs du pouvoir et dépourvue de ligne directrice. Incarner « la droite et le centre » – donc réunir tout cet électorat qui ne se veut pas de gauche – est certainement jouable quand on est au pouvoir. Mais dans l’opposition, cela ne veut rien dire : il faut une identité un peu plus précise. Or Les Républicains ont continué à fonctionner comme s’ils étaient le parti de gouvernement de droite d’un axe bipolaire qui s’est lui-même effondré en 2017. Comme si la fusion des centres opérée par Macron n’avait pas eu lieu. Comme s’ils avaient oublié qu’ils sont eux-mêmes issus de formations qui ne sont apparues que parce que leurs responsables étaient au pouvoir. Rappelons que Les Républicains sont les héritiers directs de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), née à la suite de la réélection de Jacques Chirac en 2002. Et aussi les héritiers indirects de plusieurs partis nés également lorsque la droite était aux commandes dans les années 1970, qu’il s’agisse du Rassemblement pour la République (RPR), né en 1976, ou de l’Union pour la démocratie française (UDF) lancée en 1978.

Une base sociologique qui disparaît

Lors de la dernière présidentielle, Les Républicains ont subi cette absence d’électorat attitré, de base sociale et sociologique qu’ils pouvaient représenter. Les électeurs les plus susceptibles de voter pour eux ont voté Le Pen, Macron ou Zemmour. L’attraction de ces trois candidats rendait impossible l’existence d’un vote spécifique pour Valérie Pécresse. Si Macron a pu incarner un électorat urbain et bourgeois, située dans les grandes métropoles, tandis que Marine Le Pen donnait consistance à cet électorat péri-urbain et rural, Les Républicains n’ont pas été en mesure de représenter une force sociologique et géographique précise. Si la politique est le monde des idées et certainement celui des appareils, elle n’est pas non plus un milieu qui tourne dans le vide. Un parti survit aussi parce qu’il a un électorat concret. Or cet électorat a manqué à Valérie Pécresse : les électeurs auxquels elle s’adressait pouvaient très bien voter pour ses concurrents. On peut ironiser sur cette loi d’airain sans tomber dans les considérations banales : ce sont d’abord les électeurs qui choisissent leurs élus et les formations politiques dans lesquelles ils se reconnaissent. La défaite de 2022 a été bien plus cruelle que celle de 2017 parce que tout simplement Les Républicains ont été victimes d’un grand-remplacement qui risque de se poursuivre : celui de la captation des électeurs.

Une absence de réflexion sur son identité

Il y a d’autres raisons. Le fait de ne pas exercer le pouvoir éloigne des responsabilités. Les Républicains ont ainsi perdu le sens des réalités, sauf ceux qui avaient préféré rallier Macron dès 2017. En dix ans, l’éloignement du pouvoir a été fatal : un bon nombre de cadres ou d’élus n’ont pas connu cette époque « bénie », sauf quand ils étaient militants dans leurs jeunes années. Et pourtant, ils ont vécu de cette absence de responsabilité tout en se concevant comme un parti de gouvernement. D’où une certaine schizophrénie qui s’est révélée coûteuse à l’atterrissage : comment maintenir le mythe de l’unité quand on a cessé d’incarner un visage de la politique de la France ? C’est cette passivité qui a été fatale à l’équipe actuelle (Christian Jacob ou Aurélien Pradié). Comme si attendre l’échec de Macron était la seule stratégie… Car les défaites électorales du macronisme – même rudes comme les municipales de 2020 ou les régionales de 2021 – avaient créé de faux espoirs de reconquête. Or il ne suffit pas de voir son adversaire défait aux élections intermédiaires pour le croire définitivement terrassé. Si Macron a été touché par les Gilets jaunes, puis par une crise sanitaire qui a duré presque deux ans, il s’est paradoxalement consolidé, empruntant la même voie que Mitterrand en 1988, sans même avoir été en situation de cohabitation. En effet, Mitterrand avait été réélu, alors que toutes les élections intermédiaires entre 1981 et 1988 avaient été catastrophiques pour le PS. Le Covid a même révélé une illisibilité totale : des Républicains qui approuvent les mesures sanitaires, mais qui frondent tout de même (les députés et sénateurs anti-vaccins et anti-passe sanitaire). Au fond, ils n’ont été ni des contestataires, ni l’opposition loyale de Sa Majesté. Cette absence de position claire a contribué à éloigner les électeurs. Bref, les Républicains ont fait comme s’il suffisait d’attendre que leur adversaire s’épuise. Mais ce qui marchait en 1993 ou en 2002 ne fonctionne plus.

Une survie délicate

On pourra toujours rétorquer que les formations ne disparaissent pas. Il y a encore en 2022 un parti radical et un parti communiste. Mais à quel prix ? Toutes les petites formations ont survécu soit en se satellisant à une grande formation (Le Modem allié à LREM depuis 2017), soit en intégrant un parti (Les républicains indépendants qui rejoignent l’UDF à sa création en 1978 pour devenir le Parti républicain). Or sans affiliation, une petite formation est vouée à la disparition et risque de relever du musée des partis politiques. Le lecteur de Politique magazine en sait quelque chose : les légitimistes et les orléanistes ont végété après l’échec de la restauration de 1873. Ils furent remplacés par des républicains, certes conservateurs, mais ayant fait le deuil de la restauration du trône.

 

Illustration : Un trio de champions pour une droite qui gagne.

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