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Depuis quand ?

Loin de constituer une dérive de l’époque internet, les rituels pédo-criminels semblent déjà bien installés au milieu du vingtième siècle, évoquant une pratique organisée.

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Depuis quand ?

L’abondance de témoignages sur les rituels pédo-criminels ne permet pas de douter de l’existence du phénomène dans les années 90 et les suivantes. Celui-ci est-il une dérive de la pédophilie à l’ère de l’internet, avec la massification de la consommation de pornographie et la facilité d’accès à des contenus très violents, ou une pratique structurée de plus longue date ?

Dans les années 80, des rituels sataniques mettant en jeu des enfants sont attestés par plusieurs témoignages et affaires judiciaires. Quand ils publièrent leur livre en 1997 (L’enfant sacrifié à Satan, éd. Filipacchi), le journaliste Bruno Fouchereau et le jeune Samir Aouchiche décrivaient une organisation déjà bien structurée en 1986, année de la première cérémonie violente à laquelle la victime fut forcée de participer. L’affaire du Coral, un établissement accueillant du jeune public qui aurait constitué un vivier de consommation pour réseaux pédophiles, éclata quant à elle au début des années 80 et certains faits remontaient aux années 70. À cet égard, Laurence Beneux, la journaliste spécialisée dans la pédo-criminalité, nous a confirmé avoir déjà vu des documents assez anciens. Sur le CD de Zandvoort, ce fichier trouvé aux Pays-Bas qui contenait des milliers de photos et vidéos de viols et de tortures d’enfants, « il y avait des clichés récents, on pouvait le voir par exemple aux modèles d’ordinateur présents sur les images. Et il y en avait aussi de plus anciens, certains remontant peut-être aux années 60. Le Parquet et la brigade des mineurs s’étaient d’ailleurs basés sur ces photos anciennes pour justifier de ne pas lancer d’enquête ».

Les extrémités d’Aleister Crowley

Autre indice, en Belgique cette fois. Dans le cadre de l’affaire Dutroux, les enquêteurs réunirent des témoignages inattendus sur des réseaux pédophiles structurés pratiquant des rituels meurtriers et mettant en cause des personnalités européennes. Or l’un de ces témoins évoquera des faits déjà pratiqués dans les années 50 et 60 quand il était un tout jeune enfant. Des dépositions faisant état de cérémonies rituelles à cette époque ont également été remontées en Australie, dans les comptes-rendus de la Royal commission into institutional responses to child sexual abuse, vaste enquête mise en place par l’ancien gouvernement entre 2012 et 2017. Des victimes ont témoigné publiquement dans ce pays, à l’instar de Rachel Vaughan et de son demi-frère, qui accusaient leur père de les avoir utilisés en toute impunité – ainsi que de nombreux enfants enlevés puis tués – dans le cadre d’un réseau maçonnique.

Pire : dès la première moitié du vingtième siècle, une figure connue de l’occultisme et de la littérature progressiste britannique, Aleister Crowley, théorisera dans des écrits publics l’utilisation de pratiques rituelles telles que magie manipulatoire et viol, et il abordera dans des “poèmes” la thématique des meurtres cérémoniels. À Paris, puis dans une propriété en Sicile, il cherchera à réaliser ses théories en réunissant adultes et enfants, mais il finira par être chassé d’Italie. Il sera accusé par l’un des participants de pratiquer des rituels d’inspiration satanique. Membre d’une loge maçonnique française, Crowley avait été initié à l’ésotérisme dans la secte Golden Dawn, dont des spécialistes ont relevé les similitudes, en matière de décorum et d’incantations, avec les cérémonies décrites des décennies plus tard par la victime Samir Aouchiche. Autant de pratiques qui évoquent les Cent Vingt Journées de Sodome écrites par le marquis de Sade à la fin du XVIIIe siècle.

Omniprésence d’éléments sectaires

Cérémonies en salle fermée ou en sous-sol, robes et tabliers, décors étranges, rituels d’humiliation… Sur la forme, les cas décrits par de nombreux enfants évoquent l’univers maçonnique. Pour Alexis Lebreton, co-fondateur du portail de référence sur le sujet de la pédo-criminalité (pedopolis.com), l’implication de membres de cette mouvance ne fait aucun doute, au regard de l’abondance impressionnante de témoignages en Europe, aux États-Unis ou en Australie1 ; de nombreuses victimes, mais aussi des avocats et des psychologues, ont à plusieurs reprises dénoncé des pratiques criminelles et manipulatoires organisées par des loges, parfois même en leur sein. Des accusations qui pourraient se trouver confortées par une découverte fortuite réalisée en 2022 dans les Hautes-Pyrénées. Trois adeptes de l’exploration urbaine, dont les vidéos cumulent des millions de vues sur YouTube, étaient tombés au hasard de leurs pérégrinations sur un grand temple maçonnique abandonné : ils y avaient trouvé une grande cave avec un autel, des documents sur le rite écossais ancien et accepté et sur un orphelinat, mais aussi des ossements, des fragments de peau, des instruments chirurgicaux, des « couteaux de sacrifice »… Alarmés, ils avaient décidés de contacter la gendarmerie le soir-même. Dans son rapport de 2002, le CIDE, une structure historique de défense de l’enfance basée en Suisse, notait « l’omniprésence d’éléments sectaires » dans les affaires de pédophilie.

 


L’étrange BD d’Yves Saint-Laurent

C’est une bande dessinée bien étrange que produira Yves Saint-Laurent dans les années 50 et qu’il fera publier en 1967 avec l’aide de Françoise Sagan. Celui qui sera l’amant de Pierre Bergé, et la victime de ses violentes déviances sexuelles, se prit à dessiner des planches réservées aux enfants « sadiques et avancés ». L’auteur mettait en scène la vie d’une fille apparemment inoffensive dont on découvrait l’attrait pour la torture, la manipulation et le meurtre. Le titre ? La Vilaine Lulu. Au fil des pages, on la voit gaver des nourrissons, électrocuter des vieillards et euthanasier des malades incurables qui la supplient de les laisser en vie. Toujours présentée comme naïve et candide, elle se plait à enfermer ses camarades de classe dans une cabane avant d’y mettre le feu (« Comme c’est amusant ! »), elle empoisonne des œufs de Pâques et organise la traite des Blanches pour le harem d’un émir. Une scène présente en outre des sacrifices d’enfants découpés, bouillis ou pendus à un crochet… Où Yves Saint-Laurent était-il allé chercher tout ça ? « Toute ressemblance avec des personnes qui existent ou qui ont existé est parfaitement voulue. Toutes ces aventures ont été tirées de faits réels », écrivait l’auteur en préambule. Le livre a été réédité en 2010 à La Martinière.

https ://museeyslparis.com/biographie/la-vilaine-lulu

Illustration : Jo Urbex, à Trébons, dans un temple maçonnique abandonné, construit sous la maison d’un franc-maçon notoire.

Tout le dossier :

Pédo-criminalité : affaire d’État, Philippe Mesnard
https://politiquemagazine.fr/france/pedo-criminalite-affaire-detat/

Régime pédo-criminel : pourquoi la rumeur dit vrai, Louis Forbel
https://politiquemagazine.fr/france/regime-pedo-criminel-pourquoi-la-rumeur-dit-vrai/

« Outreau a renversé l’accusation », Louis Anders
https://politiquemagazine.fr/france/outreau-a-renverse-laccusation/

« L’esprit des Lumières est culturellement favorable au viol ». Entretien avec Xavier Martin.
https://politiquemagazine.fr/france/lesprit-des-lumieres-est-culturellement-favorable-au-viol/

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