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Commission Sauvé, droit de suite

Entretien avec Odon de Cacqueray, rédacteur en chef adjoint de L’Homme Nouveau. Propos recueillis par Philippe Mesnard.

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Commission Sauvé, droit de suite

La réception du rapport de la Commission Sauvé a permis de poser nettement les enjeux : d’un côté les partisans d’une déconstruction de l’Église, prétendument pècheresse par nature, de l’autre les tenants d’un juste traitement des vrais coupables, sans accabler ni tous les prêtres ni tous les fidèles. Passés la sidération des chiffres et le temps de prendre connaissance des centaines de pages qui composent le rapport de la Commission Sauvé, le travail de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) semble être déconsidéré.

Il faut revenir un peu en arrière pour appréhender correctement la Commission Sauvé et son rapport. Lancée officiellement en février 2019, la CIASE est née de la volonté de la Conférence des évêques de France (CEF) et la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref) de chercher la vérité concernant les abus sexuels commis par des prêtres, religieux ou laïcs travaillant pour l’Église, sur des mineurs ou adultes vulnérables, de 1950 à aujourd’hui. Le travail d’enquête a été confié à Jean-Marc Sauvé, haut fonctionnaire français, vice-président honoraire du Conseil d’État. Ce dernier a eu liberté totale pour constituer son équipe et d’importants fonds (3,5 millions d’euros auront été utilisés). Mais Jean-Marc Sauvé a commis des erreurs importantes. En choisissant délibérément de se priver de l’aide de religieux ou de prêtres, il ne se donnait pas les moyens de comprendre correctement ce qu’est l’Église. Par la sélection d’idéologues, tel Nathalie Bajos, il a au moins manqué de prudence. En choisissant de focaliser le rapport et sa présentation sur le chiffre important de victimes présumées, déduit d’une projection statistique, le président de la CIASE a préféré convoquer l’émotion publique plutôt que la raison. Enfin, en refusant de répondre sérieusement aux objections soulevées sur le travail de sa Commission, Jean-Marc Sauvé a manqué d’humilité et de pédagogie. Il est dommage que la Commission n’ait pas souhaité réaliser de grands points d’étape, au fur et à mesure de son enquête, qui auraient permis de corriger certains biais d’interprétation ou d’organiser un débat contradictoire.

Mgr Eric de Moulins-Beaufort, président de la CEF, a beaucoup œuvré à asseoir la légitimité des travaux de la CIASE. Pourquoi ?

Deux ans et demi de travail, 3,5 millions d’euros investis, il y avait une obligation de résultats. Il faut ajouter que l’épiscopat a été critiqué pour son manque d’empathie pour les victimes (il suffit de se remémorer la malheureuse phrase de Mgr Barbarin, « Dieu merci, les faits sont prescrits »). La peur d’’un acharnement de la part des médias a conduit les évêques, Mgr de Moulins-Beaufort en première ligne, à battre leur coulpe plus que nécessaire. 

Dans la bataille des chiffres un argument revient sans cesse : n’y aurait-il eu qu’une seule victime, ce serait déjà trop. Pourquoi, alors, ce besoin d’affirmer qu’il y en avait eu 330 000 ?

Un élément mérite d’être relevé avant de répondre à votre question. Le 2 mars 2021, Jean-Marc Sauvé révélait le chiffre de 10 000 mineurs abusés (trois fois plus que le chiffre annoncé en juin 2020 après l’appel à témoignage) avant d’annoncer quelques mois plus tard 330 000 victimes (mineurs et majeurs confondus, religieux et laïcs agresseurs mélangés également). En ne distinguant pas, délibérément, les projections statistiques (déduites d’un sondage et des conclusions de l’Inserm) des victimes réelles (étudiées par l’École pratique des Hautes Études et son travail sur les archives, entre autres), la CIASE a cherché à attirer l’attention médiatique en dépit du tort qu’elle pouvait causer : trouble chez les catholiques pratiquants, départ d’une partie des catholiques non-pratiquants, augmentation de l’anticléricalisme chez les autres individus. 

Comment expliquer que ce rapport soit présenté comme au-dessus de toute critique par ceux qui en défendent surtout les conclusions ?

L’émotion a supplanté la raison. Le traitement médiatique et la mauvaise présentation de son rapport par Jean-Marc Sauvé et son équipe ont laissé entendre que le sujet n’était pas les prêtres coupables d’abus sexuels mais bien l’Église coupable d’avoir fourni des victimes à des prédateurs. Si l’Église est coupable, elle doit être punie : la cause est déjà entendue et toute critique est perçue comme une scandaleuse volonté de se dérober au châtiment. Il ne faut pas se leurrer non plus, chez une partie de ceux qui défendent bec et ongle le rapport, il y a la volonté de voir une application stricte des recommandations aberrantes du rapport Sauvé : reconnaissance de la responsabilité systémique de l’Église et donc suppression de la structure hiérarchique de l’Église, mariage des prêtres, réécriture du magistère, de la Bible (!), suppression du secret de confession, etc. Dans chacune de ces propositions transparait une profonde méconnaissance de l’Église et de son fonctionnement, méconnaissance partagée par ceux – mêmes catholiques pratiquants – qui souhaitent appliquer sans réflexion toutes ces mesures. Le sondage du 5 novembre dernier mené par l’institut Odoxa renforce cette impression, près d’un catholique sur deux se disait favorable à l’intervention de l’État dans la réforme de l’Église. 

Ceux qui critiquent le rapport Sauvé sont-ils dépourvus de science et de compétence, d’une part, de compassion, d’autre part, qu’il s’agisse des journalistes ou des membres de l’Académie catholique de France ?

Lorsqu’une critique argumentée apparaît, quel que soit l’émetteur et le vecteur, il serait idiot de la balayer d’un revers de la main. Dans le cas qui nous intéresse, il est intéressant de noter que les analyses critiques du rapport de la CIASE sont venues de sources différentes pour converger vers les mêmes conclusions par des moyens différents. De mémoire, c’est Aline Lizotte, philosophe et théologienne, spécialiste des questions de sexualité, qui a ouvert le bal sur son média Smart Reading Press, dès le 8 octobre. Déjà elle relevait l’étrange choix des membres, le biais des chiffres et les surprenantes recommandations. Ont vite suivi Jacques Bonnet, dans L’Homme Nouveau, ancien haut-fonctionnaire qui a supervisé différents rapports du même type, puis les membres de l’Académie catholique de France, qui agissaient en leur nom propre, et bien d’autres, comme Politique Magazine. Sur les membres de l’Académie, dont la science et la compétence ne peuvent être sérieusement questionnées, il est remarquable que Jean-Marc Sauvé ait déclaré à La Croix « Je m’attendais à des attaques contre le rapport de la Ciase. […] Je les pressentais plus précoces et très fortes, en particulier des milieux traditionalistes. » Tous catholiques, les critiques ont en commun de ne pas remettre en cause l’importance des abus sexuels mais ils demandent que la recherche de la vérité soit honnête. Pour la compassion, il est tentant de répondre comme Giscard en son temps : les partisans de la CIASE et de ses conclusions n’ont pas « le monopole du cœur ». 

Que penser de la manière dont les évêques de France ont, collectivement, validé tout le rapport Sauvé, y compris ses conclusions abusives ?

Comme le rappelait le communiqué de la CEF qui a suivi la parution du rapport Sauvé, « tous les points doctrinaux mentionnés […] (morale sexuelle, anthropologie, sacerdoce ministériel, instrumentalisation de la Parole de Dieu, distinction entre pouvoir d’ordre et pouvoir de gouvernement…) » feront l’objet d’une réévaluation. Les évêques en déléguant à une commission extérieure le travail d’enquête sur les abus sexuels dans l’Église (les compétences n’existaient pas en interne ?) semblent avoir délégué également leur esprit critique. Il est normal d’avoir des réserves sur un document de plus de 3000 pages. La seule voix qui a été entendue fut celle de Mgr de Moulins-Beaufort rappelant le caractère sacré du secret de confession : convoqué par le ministre de l’Intérieur, il n’a pas osé lever la voix et rappeler l’indépendance de l’Église. Plus largement, les évêques se tirent bien de ce rapport. Pas un seul nom de ceux qui ont véritablement caché des cas graves n’est sorti au grand jour. La reconnaissance de la responsabilité systémique les amnistie et rend en plus tous les fidèles coupables (même les victimes !), puisque l’Église étant constituée de chacun de ses membres, unis au Christ, si elle est coupable, chaque fidèle porte une part de responsabilité. En validant les recommandations de la CIASE sans réserve, les évêques apparaissent comme ceux qui auront pris des mesures contre les abus sexuels. Qu’ils se rassurent, avec leurs séminaires vides et leurs prêtres vieillissants, dans 30 ans le risque d’abus par un prêtre diocésain aura disparu. 

D’une certaine manière, on a l’impression que l’Église bascule elle aussi dans une reconnaissance sans condition des victimes, sans même les connaître, sans même savoir si elles sont vraiment victimes ni si elles existent réellement : pourquoi précipiter une réforme qui va aboutir à priver l’Église de son indépendance légale et financière ?

Les évêques sont pour une partie importante des liquidateurs. Avec la baisse des revenus, la chute du nombre de pratiquants et de vocations, les frais sont devenus trop importants. La question de l’indemnisation va permettre de vendre les bâtiments auxquels étaient attachés les derniers carrés de fidèles. Bien sûr, une partie ira au fond d’indemnisation, le reste ira aux frais de fonctionnement, aux remboursements des dettes, etc. Comme le faisait remarquer le Père Michel Viot, nous sommes face à la troisième spoliation des biens du clergé, cette fois-ci avec l’aval de la hiérarchie. Comme promis, les fidèles ne seront pas directement sollicités, mais comment et pour quel usage ont été acquis les bâtiments qui vont être vendus ? Les dons et legs des fidèles étaient réalisés pour que l’Église rayonne et porte l’Évangile au monde. 

Le pape François, qui, au vu de la polémique enflant, a repoussé la date où il devait recevoir la commission Sauvé, a naguère expliqué qu’il n’avait pas lu le rapport et qu’il ne fallait pas juger hier avec les critères d’aujourd’hui. Pourquoi recevoir des rapporteurs sans examen préalable de leur rapport, pourquoi y surseoir et comment comprendre cette opposition entre hier et aujourd’hui ?

Une fois de plus, au détriment de la recherche de la vérité, c’est ici une guerre de la communication qui se joue. Il m’est difficile de vous répondre sans avoir la réponse explicite du pape, je peux tout au plus formuler des hypothèses. Les décisions prises par les évêques de reconnaître le caractère systémique des abus et la responsabilité de l’institution ne leur appartiennent pas. Il n’y a pas d’Église de France, il existe simplement l’Église universelle. Pour donner du poids à leur décision, les évêques avaient donc besoin d’une validation par le pape. La rencontre avec Jean-Marc Sauvé, peu de temps après l’Assemblée plénière de Lourdes, aurait envoyé un message fort. L’annulation par le pape de ce rendez-vous montre le sérieux des critiques du rapport qui lui sont parvenues. La reprogrammation de ce rendez-vous suite à la rencontre entre le président de la CEF et le pape permet au premier de ne pas perdre la face. Remarquons qu’une fois de plus les fidèles qui ne sont pas au fait de ce qui se trame dans les arcanes du Vatican sortent désemparés de ces annonces et contre-annonces.

 

Illustration : Mgr Éric de Moulins-Beaufort a été décoré de la Légion d’honneur par Gérald Darmanin. Selon son entourage, le prélat « reçoit vraiment cette décoration au titre de ses fonctions et non en raison de quelques mérites personnels » (Aleteia). On ne saurait mieux dire.

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