Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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Il est plus facile de dénigrer son prochain que de le rencontrer.
Le 10 février 2020, la compagnie publique aérienne Scandinavian Airlines (SAS) publiait sur sa chaîne Youtube une vidéo promotionnelle intitulée « Qu’est-ce qui est vraiment scandinave ? » (What is truly Scandinavian ?). La réponse était immédiatement donnée : « Absolument rien. Tout a été copié ». La démocratie est grecque, le congé parental, suisse ; le pain de seigle, turc ; les mouvements féministes, américains. « Nous ne valons pas mieux que nos ancêtres vikings », confesse la narratrice, selon laquelle ce qui fait la fierté des Scandinaves a été pris lors de voyages à l’étranger. Et de conclure que la seule chose qui soit authentiquement scandinave est cette attitude à s’ouvrir au monde, à la diversité, qui, comme chacun sait, est facteur d’innovation et de progrès.
On l’aura remarqué, cette entreprise sort quelque peu du domaine économique. Sa réclame ne vante pas la qualité de son personnel, le prix attractif de ses prestations, le confort et la sécurité de ses avions, ou encore l’offre pléthorique de ses destinations. Ce n’est pas la première fois qu’une société s’engage sur le terrain politique et se fait le porte-voix d’une idéologie. Cela devient même une habitude, sous la houlette des néo-titans numériques de la Silicon Valley ou du mouvement de censure Sleeping Giants.
Mais la technique n’apparaît pas aussi neutre qu’on pourrait le penser. En effet, l’avion est présenté comme la meilleure manière de vivre cette vocation de voyageurs et de faire venir chez soi tous ces éléments étrangers devenus scandinaves par construction. Et c’est un fait que l’avion est le moyen le plus efficace de raccourcir les distances, de faire du lointain un proche, ce qui n’est pas sans effets sur notre rapport au monde, à notre pays et à nos compatriotes, favorisant une forme de sécession mentale, dans la mesure où il est plus rapide et plus facile de prendre un vol pour une destination exotique que de se rendre dans tel territoire à l’écart des métropoles. Jusqu’à la situation, contre laquelle Rousseau nous met en garde, de « ces cosmopolites qui vont chercher au loin dans leurs livres des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux ». La consommation de kérosène aidant, c’est tout simplement parce que ce « autour d’eux » est changeant. Consolons-nous : la vidéo en question – vue, quelques jours après sa publication, par presque 800 000 personnes – a reçu près de 90 % d’avis négatifs.