Après nous avoir donné le splendide Grandeur et décadence des Caligny, Muriel de Rengervé nous emmène ce coup-ci au Japon. Mais il y a très peu d’exotisme, nous ne sommes pas chez Loti.
À peu de chose près, les tribulations de Shuji Muraoka, pour lequel Muriel de Rengervé s’est librement inspirée du réel Osamu Dazaï, pourraient avoir eu lieu en France. Shuji Muroaka a des côtés bien détestables : il est alcoolique, égoïste, drogué, débauché, bientôt sale (au début au contraire, il se pique d’une élégance extravagante) ; il rate quatre suicides et réussit le cinquième ; il est arrogant comme sont ceux qui n’ont pas confiance en eux, perturbés qu’ils ont été par la protection de parents rigides. Mais il a le mérite de mettre la littérature au-dessus de tout, de ne pas la compromettre dans le commerce et de ne connaître le succès que dans les derniers mois de sa triste vie.
Ce roman est composé subtilement. Y sont mêlés des extraits du journal de Shuji et des témoignages d’amis ou de gens qui l’ont côtoyé. Il y a aussi des témoignages post-mortem, notamment d’universitaires réunis en colloques peu utiles. Pour l’un d’eux, Muriel de Rengervé, qui est docteur en histoire, se livre à une parodie du charabia universitaire, tout à fait réjouissante.
Muriel de Rengervé, Vous ne savez rien de Shuji Muroaka, La mouette de Minerve, 280 p. 18€
