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Si Pompidou m’était conté

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Si Pompidou m’était conté

La culture est, dans la sphère publique, un monde qui attire. C’est, pour reprendre une image un peu familière, la fameuse « piscine trop chaude » dont on ne sort jamais, perspective qui, même hypothétique, suscite l’inconfort. Pas étonnant qu’une récente nomination au centre Pompidou ait pu faire frissonner.

Le mélodrame a mis en scène le changement de tête intervenu au sommet de l’un des établissements les plus réputés de notre culture. Un conseiller d’état, Alain Seban, a dû laisser sa place à un autre conseiller d’état, Serge Lasvignes, à la tête du fameux pompidolium, comme il est désigné dans l’argot des Halles. La polémique a porté sur la qualification du futur patron du Centre, jusqu’ici – excusez du peu – secrétaire général du gouvernement, serviteur de l’État salué par tous mais dont l’absence de compétence culturelle a été ouvertement critiquée. Mauvais procès. Il suffit de se souvenir dans quelles conditions Alain Seban a lui-même, en 2007, téléguidé sa propre nomination depuis l’Élysée où il était conseiller du président de la République.

Tête indéniablement bien faite, il a littéralement découvert à l’époque l’art contemporain et bûché, comme on le fait à l’Ena, à grand renfort de fiches de lecture et de note de synthèse. Dès qu’un moment libre se dégageait, il s’en abreuvait, s’en imprégnait, dans l’obscurité de cette vieille maison de campagne qu’était devenu l’Élysée aux derniers temps de la présidence Chirac. Le Rastignac toulousain ne négligeait pas non plus les travaux pratiques. Il a su entourer Claude Pompidou et encourager les activités de sa Fondation, soutenir aussi parfois les velléités culturelles de certains rejetons du clan.

Bref, un véritable sans-faute, couronné par un magistral jeu de chaises musicales entre plusieurs postes culturels en vue dont il sortit vainqueur. Voilà bientôt huit ans qu’Alain Seban dirige le Centre, travaille comme un damné, brille en société et jouit de quelques menus avantages dus à son rang. Mais il est temps de laisser la place à un autre sur ce beau manège carillonnant et clignotant. Au terme de quel bilan ? Question qu’il est bien difficile d’éclairer, tant la réalité a peu de prise sur l’évanescence de ce monde-là. Des finances un peu raffermies – avec un vrai talent pour capter les mécènes –, un fonctionnement courant assumé sans catastrophes majeures et quelques impasses fumeuses (le centre Pompidou mobile, l’avenir de l’antenne de Metz). Une chose est sûre, l’atmosphère s’est brutalement allégée à l’annonce de son départ tant il était craint, voire détesté.

Champs de mines et transparence

L’avenir de l’ancien patron n’est pas encore écrit. Il est bien possible qu’il fasse fructifier son réseau à l’ombre d’un milliardaire ou d’un mécène, comme d’autres avant lui. L’arrivée de son successeur ne s’est pas faite sous les meilleurs auspices, sans doute un combat d’arrière-garde pour gâcher la fête. Car, d’ordinaire, une telle nomination passe inaperçue, a fortiori lorsqu’elle se joue dans le vivier feutré des grands commis de l’Etat. Seuls des apports externes, au parfum de scandale, font jaser : ludion télévisuel façon Frédéric Mitterrand à la Villa Médicis, ou journaliste favori du Prince façon Catherine Pégard à Versailles.

Mais voilà le pauvre Lasvignes livré à la vindicte populaire. L’ensemble des éditorialistes de France et de Navarre ont mis l’infortuné personnage au menu de leurs éditoriaux vengeurs pour fustiger une nomination discrétionnaire. Chœur stupide et ignorant de ces choses. Mais le sommet de la tartufferie revient sans doute à cette ancienne ministre, de gauche, fustigeant là le fait du Prince, alors que, de son temps à elle, transparence et commissions permettaient de faire des choix soi-disant dégagés des contingences politiques. Ces mascarades à base de jurys truqués et de témoins vendus, comme au bon vieux temps des procès de Moscou, n’abusaient personne. Bonne baignade, monsieur Lasvignes !

Photo : L’ex-directeur du centre Pompidou, Alain Seban.

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