France
Aux premières loges
Souvenez-vous de la formule baroque : le monde entier est un théâtre. Shakespeare l’a rendue célèbre ; Corneille en a fait le ressort de son premier succès, L’illusion comique (où comique signifie théâtrale).
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Raoul a disparu. Christophe, bientôt surnommé Chartreuse car il en boit et en offre, se retrouve embringué avec trois mousquetaires improbables (on se croirait dans Les biffins de Gonesse) à la recherche de leur copain disparu, qu’il ne connaît pas, qui habite à Fécamp un quartier reculé, et qui a du bien que convoitent des malfaisantes, car Raoul attire les mégères, qui l’enjôlent et le volent.
Si on se moque un peu de Raoul, à franchement parler, c’est que Bernard Leconte n’essaie pas vraiment d’écrire un roman policier mais raconte une histoire qui tient des Vieux de la vieille (1960), camaraderie et mélancolie, une histoire de riens où Christophe est happé par un cercle d’amitié, une manière de club ou plutôt de fraternité, comme chez les Allemands ou les Anglais, mais sans rien de formel, fraternité dont les membres ne comprennent pas la défection de Raoul, qui est parti, qu’on a retrouvé mais qui n’est pas comme avant, qu’on doit peut-être sauver de lui-même, pourquoi pas avec l’aide de Thierry, qui fait le marché à Toufflettes et qui a été capable de prendre sous le bras le cadavre du père Morel et de le « descendre tranquillement dans l’escalier étroit et raide. » Bernard Leconte sème ainsi des pépites discrètes au gré des pages douces-amères avec un Raoul en fait martyrisé, parce que la vie n’est rose pour personne, ni pour lui ni pour ses amis, qui l’ont sauvé comme de vrais mousquetaires, car à quoi servent les amis sinon à se sauver, même de la vie ?