Vient de paraître sous la direction d’Olivier Dard et Didier Musiedlak un ouvrage collectif sur la réception politique de la marche sur Rome, passionnant par les perspectives qu’il ouvre.
On revisite le rôle de Gabriele D’Annunzio et de l’entreprise de Fiume, un mythe qui persiste au sein du fascisme malgré le conflit idéologique entre légionnaires et fascistes (Simonelli). On voit comment la Mostra de 1932 fait de la marche, dix ans après, un événement providentiel et presque sacré (Poupault). On évoque successivement les réceptions espagnole (Peloille), roumaine (Turcanu), allemande (Patin) ou brésilienne (Berthona), ou l’influence sur le péronisme argentin (Cucchetti), autant de résonances riches à comparer. Olivier Dard, lui, examine la manière dont la « nébuleuse maurrassienne » a pu rendre compte de la marche. Réservé sur Fiume, sceptique sur Mussolini, Bainville pense que le fascisme est avant tout « né de l’épouvantable faillite de la démocratie parlementaire dans un pays qui ne veut pas mourir d’anarchie ». Selon Dard, « Maurras interprète le fascisme naissant sur un mode très personnel et égocentrique en reliant son histoire à celle du nationalisme italien et cette dernière à celle de l’Action française », faisant du leader italien un simple adaptateur de ses propres principes d’empirisme organisateur. Bref, pour l’Action française, Mussolini est certes le Duce, mais avant tout le chef du gouvernement du roi. Mais avec Valois les choses sont bien différentes : l’épisode de Fiume est mis en avant, et le Faisceau, que lance ce dissident en 1925, se veut bel et bien le premier parti fasciste français, inspiré par la doctrine et par les méthodes, puisque Valois lance une série de conférences ayant vocation à converger vers Paris – qui seront un échec. Un ouvrage à lire pour mieux comprendre l’influence politique d’un moment historique.
Coll. sd. O. Dard et D. Musiedlak, « Signification et portée de la marche sur Rome. Europe, Amérique Latine », Cahiers de la Méditerranée n°107, décembre 2023, Centre de la Méditerranée moderne et contemporaine, Université Côte d’Azur.