Les hasards du calendrier viennent de mettre en lumière, sous l’angle de la culture, deux personnalités présidentielles bien différentes…
L’on célèbre à Paris à grand bruit le dixième anniversaire de l’ouverture du musée du quai Branly, inauguré officiellement le 20 juin 2006. La vedette en est le président Jacques Chirac, chantre du dialogue des cultures. à Brégançon, résidence d’été des présidents de la République, par une initiative plus discrète, on évoque le couple Pompidou en vacances, baigné par le mobilier contemporain d’un créateur qu’ils aimaient tant : Pierre Paulin. Nostalgie du passé immédiat, les années 2000. Nostalgie de l’âge d’or français : les années 1970.
Rares sont les projets culturels consensuels. Le Musée du quai Branly n’a pas échappé à une salve polémique ayant culminé sous la forme d’un livre intitulé Le scandale des arts premiers (Fayard, 2004), signé d’un obscur professeur, Bernard Dupaigne. Il est vrai que ces collections, autrefois rassemblées au musée de l’Homme et au musée des Arts africains et océaniens, étaient jusqu’ici réservées au regard de quelques chercheurs. Ces pièces étaient avant tout des documents, des sémiophores, des porteurs de sens, à l’usage des ethnographes, des anthropologues. Et puis le Marché, avec un grand M, « le fétiche de la marchandise », s’en est saisi.
L’histoire veut que le marchand d’art primitif Jacques Kerchache ait convaincu le futur président Jacques Chirac du bien-fondé de ce projet lors de vacances à l’Île Maurice au début des années 1990. Les critiques de l’époque se fondaient sur le coût du musée, la confiscation de collections entières dont on ne montrerait en définitive que quelques rares pièces (4 000 exposées pour 300 000 en réserve) et sur les juteuses acquisitions complémentaires que cette création n’allait pas manquer d’occasionner sur le marché.
La perspective de donner son nom à ce musée, qui au terme de dix années semble avoir donné satisfaction, achève un cycle. Le patronyme de Chirac va orner son fronton. Arts premiers, œuvres capitales de l’humanité, diversités culturelles sont les maîtres-mots de l’exposition organisée au Musée du quai Branly par Jean-Jacques Aillagon afin de boucler cette boucle. La nostalgie d’un temps où les civilisations ne s’entrechoquaient pas encore.
Autre temps, autre lieu. Le fort de Brégançon se livre à une rétrospective du décorateur et designer Pierre Paulin. Férus de modernisme, les époux Pompidou lui avaient confié la décoration des salons de l’élysée et la création de pièces de commande pour en égayer la tristesse de vieille maison de campagne. Le plexiglas, les tissus synthétiques, les couleurs vives firent une entrée fracassante rue du Faubourg-Saint-Honoré. Brégançon, palais national, exceptionnellement ouvert à la visite ces dernières années, accueille donc cet été des pièces de Pierre Paulin perdues de vue depuis des lustres, ainsi qu’une scénographie évoquant les habitants du lieu.
La relation Pompidou-Paulin allait bien au-delà de l’administration de commandes publiques pour les palais nationaux. Les époux Pompidou avaient déjà confié au décorateur le soin de leur intérieur privé et c’est cette expérience réussie qui a emporté les choix ultérieurs. Décidée par François Hollande, cette « animation » de Brégançon cultive la nostalgie pour les trente glorieuses, « une époque où la création française était reconnue dans le monde entier », comme le dit sans euphémisme le dossier de presse. L’été, période propice au farniente et à la nostalgie.