Recevez la lettre mensuelle de Politique Magazine

Fermer
Facebook Twitter Youtube

Article consultable sur https://politiquemagazine.fr

Modernes Sabliers

Facebook Twitter Email Imprimer

Modernes Sabliers

On est vraiment très loin des danses macabres si chères au XVe siècle. Aujourd’hui, la mort se fait discrète. L’égrotant, on l’envoie dare-dare à l’hôpital afin d’épargner à ses proches l’odieux spectacle de son agonie. Dès qu’il a passé l’arme à gauche, on le maquille pour qu’il paraisse plus vivant. On ne le ramène surtout pas chez lui, de peur d’effrayer les voisins. Par voie de conséquence, on ne drape plus sa maison comme on le faisait encore au Moyen-Âge, c’est-à-dire vers 1950. On ne dit pas qu’il est mort, on dit qu’il est passé de l’autre côté du miroir, sur l’autre rive, qu’il est au ciel, qu’il nous voit de là-haut (probablement accoudé à un balcon fleuri), qu’il est devenu poussière d’étoiles. En attendant, on l’amène à l’église ou dans un lieu plus laïc, non pas dans un corbillard avec des chevaux à pompons et encagoulés comme des membres féroces du Ku Klux Klan, mais dans une voiture sportive à l’avant de laquelle ont pris place deux personnages facétieux qui ont tout l’air de deux mafieux enjoués. Il y a encore un cercueil, pas pour longtemps parce qu’on va le cramer, mais on passe des musiques entraînantes et les petits-enfants de la défunte, qui était bonne cuisinière, viennent au micro détailler les recettes de la grand-mère de telle sorte que tout l’auditoire se réjouit de les appliquer et salive déjà. Bref, la mort de nos jours joue bien à cache-cache.

Mais elle existe toujours et arrive encore à se faire entendre, d’une toute petite voix certes, mais d’une façon nouvelle, qui montre qu’elle n’est pas du tout rétive au progrès et qu’elle a trouvé le moyen de s’insinuer dans les préoccupations de l’homme moderne s’il lui reste un petit peu de sensibilité et de lucidité. Elle est entrée dans les fours à micro-ondes, les chaînes Hifi quand on appuie sur la touche « display », les sèche-mains dans les urinoirs, tous ces appareils qui se multiplient et nous cernent, résurrections des antiques sabliers qui figuraient dans les vanités et qui décomptent les secondes et nous rappellent que chaque seconde nous rapproche de notre fin

Facebook Twitter Email Imprimer

Abonnez-vous Abonnement Faire un don

Articles liés

Civilisation

En pleine littérature

En pleine littérature

Par Michel Bouvier

Ou en pleine déconfiture ? Il est vrai que la littérature se porte mal, mais plutôt moins mal que l’homme, qui la produit, lequel chemine inéluctablement en étourdi vers la mort. La saison est mauvaise. Mais c’est justement dans ce sale temps-là que vient Noël, avec son étoile, et ses lumignons, avec son Enfançon royal, reçu dans une mangeoire comme une nourriture attendue. Fermons les volets, allumons le feu, et fêtons ces mystères, dont celui de l’écriture, de toutes ces écritures qui sont les petits de l’Écriture Sainte. « Laissez venir à moi les petits enfants. » Qu’ils viennent donc, les petits écrivains, qu’ils sortent de leurs boîtes de papier, qu’ils entonnent leurs chants de gloire.

Civilisation

La déspiritualisation du Verbe ou la littérature comme astre mort

La déspiritualisation du Verbe ou la littérature comme astre mort

Par Louis Soubiale

Excepté le petit monde consanguin de la germanopratinité littéraire parisienne, nul ou presque ne peut ignorer le blog Stalker (sous-titré éloquemment « Dissection du cadavre de la littérature ») fondé et animé par Juan Asensio, critique atrabilaire bernanosien (il tient Monsieur Ouine, qu’il a lu maintes fois, pour son livre de chevet) faisant pleuvoir ses méphistophéliques philippiques bloyennes sur les écrivassiers contemporains ayant la fatuité de concevoir leur incontinente production excrémentielle annuelle comme de la littérature.