Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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Vincent Lambert est pour l’instant sauvé. Les réseaux sociaux, les médias de toutes tailles et de tous bords en ont parlé, les opinions se sont heurtées, les petites phrases, les communiqués ont fleuri ; beaucoup de bruit pour un évènement qui le mérite, pour une fois : nous sommes passés au ras d’une bascule de civilisation, nous avons failli rejoindre les Belges dans l’euthanasie, et les Suisses dans le suicide assisté. Il est vrai que la loi Léonetti-Claeys de 2016 préparait le terrain, et que notamment grâce au concept d’« obstination déraisonnable », et aux ressources de la sédation profonde, on peut avancer vers la chose en faisant mine d’ignorer le mot !
Les six dernières semaines auront été bien sombres, entre l’incendie de Notre-Dame, la mort au combat de nos deux soldats d’élite – deux frères que nous partageons de cœur avec notre armée –, et la détention cruelle de Vincent Lambert dans son CHU-prison, qui a bien failli aboutir à son assassinat ; n’était la fête de Pâques, six semaines de ténèbres, presque celles de la neuvième plaie d’Egypte, ténèbres « où l’on tâtonnait », car les lampes ne pouvaient les dissiper.
Mais les ténèbres ne sont jamais totales ; la lumière brille toujours quelque part ; l’émotion immense soulevée par l’incendie de Notre-Dame, l’assistance respectueuse et grave sur l’esplanade des Invalides au passage du convoi funèbre des deux officiers mariniers tués, l’émotion encore, les prières et les manifestations d’indignation devant l’hypocrite forfaiture du gouvernement dans l’affaire Vincent Lambert, tout cela fait des trous de clarté dans l’obscure défroque de la république.
Reste très inquiétante, tout de même, une chose que l’on pourrait appeler l’étrange atonie des braves gens, particulièrement lors des péripéties de l’affaire Vincent Lambert. Les belles et généreuses réactions ne sauraient faire oublier la foule de ceux qui ont vu tout cela avec indifférence, ou qui n’ont pas cherché à vérifier les approximations cauteleuses des médias. Beaucoup, même parmi les chrétiens, montrent de l’ennui, un « à quoi bon s’émouvoir », un fatalisme tiède, une accoutumance moite ; en cela, ils sont les alliés objectifs des partisans du prétendu « laisser partir », qui eux se targuent de s’appuyer sur la loi, référence suprême du moment, en attendant de se rallier à la suivante, toujours plus perverse et meurtrière ; éternelle connivence des âmes faibles et des cyniques…
Il n’est pas indifférent de remarquer chez les tièdes comme chez les postulants-euthanasistes la même propension à travestir les faits avec des mots décalés ou inappropriés : fin de vie, état végétatif, soins palliatifs, laisser partir, etc.
À la réflexion, une explication de cette atonie et de cette complaisance molle finit par se faire jour : dans une maison, une famille où le mal se fait chaque jour, parce qu’il y a ses aises et ses droits, même les meilleurs finissent par être atteints d’une sorte d’engourdissement ; on détourne les yeux, on cherche des excuses, on essaie de penser à autre chose, et l’on y réussit parfois.
À l’échelle de notre nation, le mal a fini par acquérir droit de cité, par la loi. Et la loi permet l’avortement de six-cents enfants tous les jours. La loi érige cela en droit imprescriptible, donc le travestit en bien. Et les docteurs de la loi auraient bien voulu se servir de Vincent Lambert pour étendre leur droit de mort sur ceux qu’ils considèrent comme inutiles parce que faibles et coûteux, et qu’ils font tache dans le décor de la future humanité augmentée. Ils ont échoué cette fois-ci, mais ils y reviendront. Les laisserons-nous faire ?