France
La France est en guerre
Guerre énergétique, guerre industrielle, guerre monétaire, conflit avec les Allemands, guerre interne, enfin : la guerre, contre la France et en France, est totale.
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Depuis peu, l’hydrogène a la faveur des médias et des politiques. Les projets industriels se multiplient. C’est que ce gaz est sans doute le maillon manquant pour une réelle transformation énergétique. Surtout, l’hydrogène peut être un vecteur de création de valeur forte pour les territoires, l’industrie et même nos forces armées.
Il existe différentes façons de produire de l’hydrogène. 99 % de l’hydrogène, sur terre, provient du vapocraquage ou du vaporeformage, à partir du pétrole ou du gaz naturel. On parle alors d’hydrogène noir ou gris, un hydrogène “carboné”, issu d’énergie fossile. Une des autres méthodes est l’électrolyse de l’eau, via un électrolyseur et une source d’électricité. Si la source d’électricité est nucléaire, on a un hydrogène bleu, turquoise, rose et même jaune. La vraie dénomination est « hydrogène décarboné ».
Pour produire 1 kg d’hydrogène via l’électrolyse de l’eau, il faut 55 kWh. Dans 1 kg d’hydrogène, il y a 33 kWh. Et lorsque qu’on l’utilise via une pile à combustible, on récupère 25 kWh électrique pour alimenter un moteur par exemple. On se rend compte alors que le rendement global, du « puit à la roue », n’est pas excellent : certes largement meilleur que celui du pétrole, mais moins bon que celui de la chaine énergétique électrique qui affiche un rendement optimal moyennant quelques pertes sur les réseaux (plus de 30 % !).
Si on utilise des énergies renouvelables pour produire l’hydrogène, celui-ci est vert. Le kilo d’hydrogène dont nous parlions peut en plus être produit localement, sur un territoire, à partir des ressources locales. C’est cet hydrogène qui est à promouvoir en priorité, car produit localement à partir de nos ressources territoriales. Territoires qui ont différentes définitions et différentes dimensions. On peut les voir à l’échelle d’un pays, d’une région, d’une agglomération, d’un quartier, même d’une usine. Il faut simplement comprendre quels sont les usages et comment créer de la valeur ou comment répondre à des problématiques énergétiques spécifiques.
Dans un territoire agricole, par exemple, il y a des méthaniseurs, qui peuvent aussi produire de l’hydrogène par vaporeformage. Cette technique peut offrir des solutions rentables et finançables sans subventions, au contraire des électrolyseurs. Une autre solution est la production d’hydrogène via la pyrolyse des déchets plastiques. C’est une opportunité de revoir notre économie pour produire de l’énergie pour nos territoires, car ces deux méthodes de production d’hydrogène permettent d’avoir de l’hydrogène à bas coût et en très grande quantité.
Les dernières années ont été l’objet de profonds bouleversements entre changement climatique et pandémie. Si on y rajoute la guerre en Europe et une inflation galopante, on aboutit à une crise profonde de notre système énergétique, qui est à la base de tout, système industriel, système de transport, modes de vie… L’année 2022 a montré les limites de nos modèles énergétiques et à quel point nous sommes faibles.
Il y a deux ans encore, le prix du marché était de 40 €/MWh. Il a été multiplié par 15 en 2022. Les prévisions ne donnent pas de baisse avant 2025 … et il n’y aura pas de nouvelles centrales nucléaires avant un temps certain ! En France, un bouclier a été mis en place pour les particuliers, mais pas pour les villes, les administrations, les hôpitaux, et pour l’industrie. En Angleterre, la facture mensuelle d’une personne seule, payant 60 €/mois, est passée à plus de 600 €/mois. C’est intenable pour les petits salaires et les retraités ! Les villes sont obligées d’augmenter les impôts locaux ou de supprimer des services ou des installations (piscine par exemple).
Les modèles économiques et nos systèmes énergétiques sont descendants. Une grosse centrale produit de l’énergie, la distribue et les clients payent leurs factures, sans avoir de pouvoir sur les prix… C’est le marché qui décide. Depuis la seconde guerre mondiale, tout marche ainsi. Les clients n’ont que le choix de subir et de payer plus.
Pourtant, dans les territoires, on découvre des modèles différents, qui sont ascendants. Ainsi en produisant de l’électricité via des ENR, et en sortant des réseaux nationaux, on peut maîtriser le coût de l’énergie qui n’est basé que sur le retour sur investissement de l’installation. Les territoires peuvent faire leurs propres réseaux intelligents, et avoir des prix stables de l’énergie. On a l’exemple de Locminé avec le projet Liger, qui du bioGNV (du gaz naturel utilisé pour se déplacer et obtenu à partir de la méthanisation de déchets organiques) et alimente la ville en gaz, en chaleur, en électricité et bientôt en hydrogène. Ce projet a permis de fixer le prix de l’énergie et d’être 4 fois moins cher que le marché du gaz naturel national. La valeur est créée à partir des ressources du territoire, et la valeur reste sur son territoire.
Le cas de Locminé suit les principes de l’économie symbiotique.
Maîtrise des flux physiques : production et distribution de gaz, dont l’hydrogène, pour faire des services de mobilité, de livraison et d’effacement des réseaux.
Maîtrise des flux d’informations : plateforme et applications pour suivre tous les services.
Maîtrise de la gouvernance : création d’une entité spécifique (SPV), pour que tous les acteurs locaux puissent rentrer au capital et donc gérer la création de la valeur.
Ce projet a permis la création de la norme AFNOR M58-007, créée par un groupement de sociétés. La société de territoire va donc produire sa propre énergie et ne l’injectera jamais dans les réseaux, sinon elle ne maîtrisera plus le prix. Et l’avantage de l’hydrogène, c’est sa taille. C’est la plus petite molécule, donc les réseaux actuels ne peuvent pas l’accueillir à cause des fuites. Si on change les réseaux, le prix de l’hydrogène augmentera de 2 € / kg. Donc l’hydrogène doit être produit et consommé localement.
En parlant prix, il faut savoir que celui-ci varie en fonction du mode de production de l’hydrogène. Pour l’électrolyse de l’eau, le prix est de 14 à 25 €/kg (avec subvention). Pour du vaporeformage du BIO GNL, on a 7 €/kg. Pour faire 100 km avec une voiture standard, il faut 1 kg d’hydrogène. Donc si le prix de l’hydrogène n’est pas vers les 9 €/kg, il n’y aura pas de bascule vers cette énergie. Le plan hydrogène français veut favoriser la production d’hydrogène par les énergies vertes. Mais qu’est-ce qu’une énergie verte, si celle-ci produit un hydrogène trop cher ?
Les premiers projets du « Plan de déploiement de l’hydrogène pour la transition énergétique » ont mis en évidence une certaine gabegie dans les budgets municipaux. À Pau, on compte une surfacturation de 1,8 millions d’euros pour alimenter une poignée de bus. Mais d’autres villes ont fait la même erreur en se faisant dicter leur politique par une sacro-sainte envie de décarboner leur environnement via l’hydrogène. Mais par manque de vision, de connaissances scientifiques et de compréhension des modèles économiques, ces villes et agglomérations vont payer le prix cher au profit des mêmes entreprises énergétiques. Le marketing ne fait pas un budget pour une ville … et lorsqu’on se moque de la science, à un moment donné, elle se venge, comme le montre le secteur du nucléaire.
L’hydrogène est une opportunité pour notre économie si on comprend l’enjeu stratégique pour notre pays, pour son indépendance et la pérennité de notre mode de vie. L’année 2022 a mis en évidence notre faiblesse et notre dépendance face aux énergies fossiles. De grands groupes se sont « gavés », et déjà on parle de repousser les engagements de transition énergétique à plusieurs années. L’hydrogène va permettre une vraie transformation énergétique en créant de la valeur localement, et en prenant en compte le citoyen comme un actionnaire de son environnement et des SPV locales !
Illustration : « En février j’ai fait 2600 km à travers la France pour 6 euros 80 les 100 Km » affirmait Grégoire Super, le maire de Locminé, en 2022. « On produit notre gaz nous-même, explique Dominique Dubeau, responsable de l’unité de méthanisation et de la station de distribution. C’est un gaz vert issu des différents sous-produits que l’on récupère dans l’industrie agro-alimentaire et chez les agriculteurs. On injecte ce gaz dans le réseau et on le rachète en étant sûr qu’il est bio-sourcé à un prix qui est garanti stable jusqu’en juillet 2023 » (France Bleu, mars 2022).