Si l’Antiquité vous fascine, n’avez-vous jamais rêvé, devant les ruines des cités disparues, de les voir soudain resurgir du passé dans leur splendeur intacte ? L’égyptologue Aude Gros de Beler avoue que ce désir est au cœur de son métier et que tenter de reconstruire d’un site l’image la plus complète et la plus vraie possible est le rêve de tout archéologue. C’est dans cette optique qu’a été conçue la collection Voyage en … qui propose, à travers une iconographie à la fois scientifique et onirique, abondamment commentée, de visiter la Gaule romaine, la Méditerranée romaine, la Rome impériale et, désormais, l’Égypte ancienne. Aux illustrations, d’une grande qualité permettant une véritable plongée dans le passé, s’ajoute un texte sérieux mais accessible de présentation des grands sites de la vallée du Nil, des cités royales de Thèbes et Karnak, des oasis, en même temps qu’une introduction claire, aisée et complète à la civilisation pharaonique, son histoire, ses us, sa religion, ses rites. C’est admirablement bien fait et véritablement fascinant.
Monuments et histoires reconstitués
Quoique beaucoup plus simple, la démarche de Bernard Crochet et Florent Pey, qui cosignent Sites et monuments reconstitués en cent images de synthèse est parallèle. Victimes du temps qui passe, des catastrophes naturelles, des guerres, du vandalisme révolutionnaire, d’un changement de mode qui fit soudain détester ce que l’on admirait jadis, ces cent hauts lieux furent incendiés, rasés, abandonnés. Ils ont pourtant laissé des traces dans les mémoires. Les sites gaulois (Bibracte) ou gallo-romains (Lyon, Bordeaux, Glanum, Nîmes, Paris, Marseille), les abbayes de Beauport, Bon Repos, Cîteaux, Cluny, Jumièges, Saint-Germain des Prés, la basilique Saint-Martin de Tours, victimes de la Terreur, les monuments du Paris médiéval, Bastille, Grand Châtelet, donjon du Temple, cimetière des Saints Innocents, gibet de Montfaucon, les forteresses démantelées pour s’être opposées au pouvoir royal, les saintes chapelles de Bourges ou Dijon, les châteaux de Madrid, Louvois, Marly, Saint-Cloud, des Tuileries, Meudon, Richelieu, Sceaux, Chanteloup retrouvent leur place dans le paysage et notre imaginaire. Plus près de nous, le patrimoine industriel, longtemps méprisé, des XVIIIe et XIXe siècles, les lieux de plaisir du XXe tels le Luna Park ou le cinéma Gaumont Palace ressurgissent, eux aussi. Voilà une promenade merveilleuse dans un monde disparu, souvent tragiquement, qui rappelle combien sont fragiles les œuvres humaines.
Démarche similaire, encore, mais à travers des photographies rares et inédites : Ferry Bertholet et Lambert van der Aalsvoort entraînent le lecteur dans L’empire céleste à travers des « images d’une Chine oubliée ». De 1860 à la veille de la Seconde Guerre mondiale, ces clichés, pris par des photographes européens qui bravaient mille périls pour s’introduire dans un monde résolument hostile aux Occidentaux, puis par des Chinois, ouvrent les portes d’un univers figé dans son passé ancestral. Vous pourriez être cinq ou dix siècles plus tôt ; rien n’avait changé. Des bonzes impassibles sourient devant des pagodes, des bourreaux torturent sur les places publiques, des dames mandchoues en costume de cour posent avec leurs enfants, de riches marchands avec leurs concubines tandis que des centaines de jonques sont à l’ancre dans les ports et que les caravanes de chameaux arrivent à pas lent du désert de Gobi. Il existe une version en anglais de cet album remarquable.
Plus près de nous, Patrick Buisson signe La grande histoire des guerres de Vendée, remarquablement préfacée par Philippe de Villiers. Un survol historique un peu bref, en tout cas pour les passionnés du sujet, mais intelligent, des événements, accompagne une collecte de citations, empruntées pêle-mêle aux mémorialistes et historiens des deux camps, aux témoins comme aux romanciers, de manière à donner les deux visions du conflit, mais il n’est pas difficile de choisir son camp et la vérité. Déplorons une impardonnable coquille en gros caractères qui transforme les Iambes de Chénier en « Lambes ». L’iconographie, très bien exposée, vient soutenir le texte. Elle a l’avantage de rassembler des illustrations connues et moins connues.
Cathédrales en beauté
Impossible de faire le même reproche à la prestigieuse collection La grâce d’une cathédrale qui compte une vingtaine de titres et propose de découvrir l’histoire de ces sanctuaires, leur construction, les œuvres d’art qu’ils abritent, leurs liens avec la ville qui les entoure. L’étonnant est qu’en dépit d’une homogénéité volontaire, ces admirables ouvrages, à la foisonnante et grandiose iconographie, n’ont rien de répétitif et constituent, mis bout à bout, un essai d’histoire ecclésiastique de la France inégalé.
Parmi les titres déjà parus, retenons Notre-Dame d’Amiens, notre plus grande cathédrale, qui abrite le chef de saint Jean-Baptiste et offre l’un des plus beaux ensembles de la statuaire gothique, Saint André de Bordeaux, et Saint-Étienne de Bourges qui découvrent dans le moindre détail tout ce que le visiteur ordinaire ne pourra voir, tout ce qu’il ne saurait appréhender. Des clefs de voûte aux arcs-boutants, des stupéfiantes charpentes aux allures de forêts pétrifiées aux toits, des orgues aux vitraux, à grand renfort de clichés renversants, les édifices sacrés livrent leurs secrets. Leurs meilleurs spécialistes multiplient les commentaires savants et passionnants.
Pourtant, même si ces titres sont extraordinaires, ma préférence va, pour leur originalité assumée, à deux autres parutions récentes, l’une consacrée à la « cathédrale des corsaires », Saint-Vincent de Saint-Malo, l’autre, Vendée, aux deux cathédrales du diocèse, Notre-Dame de Luçon, infiniment plus riche de trésors qu’il y paraît et Maillezais, ruinée et abandonnée à la fin des guerres de religion, mais aussi aux sanctuaires de Saint-Laurent-sur-Sèvre.
Saint-Malo est une ville née et grandie autour de son siège épiscopal, supprimé à la Révolution, et renée avec lui après les destructions de 1944. Leurs deux histoires se confondent intimement et le récit de la reconstruction du sanctuaire, exemplaire, se révèle un modèle du genre. Quant à l’autre, c’est un prodigieux mémorial à la gloire de la Vendée sainte et martyre, en même temps qu’à Saint Louis Grignion de Montfort. Aucun de ceux qui s’intéressent à l’insurrection vendéenne ne saurait passer à côté de cette merveille.
Une autre série, la grâce d’une basilique, propose dans le même esprit un Fourvière époustouflant qui se veut une plongée dans le passé religieux lyonnais. Du cachot de saint Pothin au trésor du sanctuaire, en passant par les toits et les escaliers cachés, la promenade est à couper le souffle.
Seul défaut de ces livres d’une qualité exceptionnelle, leur prix élevé, mais largement mérité, et leur poids, qui réclamerait presque l’usage d’un lutrin.
Terminons avec Les photos secrètes du Vatican, empruntées aux fonds de Paris Match et de l’Osservatore romano, commentées par Caroline Pigozzi et Giovanni Maria Vian, mettant en scène la vie quotidienne des souverains pontifes et des habitants du plus petit État de la planète. Outre quelques clichés anciens, – les premiers conservés montrent Pie IX, les portraits de Grégoire XVI ayant été hélas perdus – l’on trouvera surtout ici les souverains pontifes contemporains, avec une place prépondérante accordée au pape régnant. n
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Voyage en Egypte ancienne
J.C. Golvin, A. Gros de Beler
Ed. Errance, 92 p, 20 x 26 cm, 29 € |
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Sites et monuments reconstitués en 100 images de synthèse – De l’Antiquité au XXe siècle en France
Bernard Crochet, Florent Pey
Ed. Ouest-France, 192 pages, 21,3 cm × 28,5 cm, 29,50 € |
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L’EMPIRE CÉLESTE – Images d’une Chine oubliée
Ferry Bertholet, Lambert van der Aalsvoort
Ed. de La Marinière, 224 pages 25 x 30 cm, 49.95 € |
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La grande histoire des guerres de Vendée
Patrick Buisson, Préface de Philippe de Villiers
Ed. Perrin, 300 pages, 29 € |
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La grâce d’une Basilique : Fourvières
Ed. La Nuée bleue, 416 p., 26,9 x 35,7 cm, 85 € |
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Les photos secrètes du Vatican
Caroline Pigozzi, Giovanni Maria Vian
Collection Reportages, 324 pages, 29.95 € |