Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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Le dernier essai d’Alain de Benoist n’est pas un ouvrage de plus sur le libéralisme mais un livre percutant contre le libéralisme. La nuance est de taille : le penseur, dont il est devenu difficile pour le monde intellectuel officiel de faire l’économie, après l’avoir tenu à l’écart durant près de 40 ans, entre ici en confrontation directe avec ce qu’il identifie comme étant l’idéologie dominante, en même temps que celle de la classe dominante. Comment donner tort à Alain de Benoist sur un tel sujet ?
La question n’est pas d’analyser l’un des nombreux aspects du libéralisme mais d’en remarquer les effets anthropologiques. Il ne s’agit donc pas de savoir si le libéralisme a apporté des libertés, un accroissement du niveau de vie… mais de saisir combien être contre le libéralisme est une nécessité vitale quand il est contre l’humain. Détaché de tout lien, de toute communauté, de tout enracinement, rejetant la culture à laquelle il appartient (« il n’y a pas de culture française », disait l’actuel DRH de la République), l’homo libéral est un individu hors sol et non plus une personne, pas plus une personnalité, tant il est interchangeable. C’est le rejeton de l’idéologie de la modernité et de la croissance progressiste, dans un monde au bord de la catastrophe.
Alain de Benoist procède ici par étapes, de façon très structurée, pédagogique même, à l’excellent sens de ce terme : après avoir posé ce qu’est le libéralisme en tant qu’anthropologie, l’auteur en confronte les attendus avec d’autres conceptions – les communautariens, nés aux États-Unis en tant que courant de pensée contre le libéralisme, particulièrement de John Rawls, et en débat avec le républicanisme d’un Skinner par exemple, le concept d’identité, la figure du bourgeois, la problématique de la démocratie, le capitalisme, le conservatisme, la critique de la valeur… Un essai qui part dans tous les sens, là aussi de façon positive : de Benoist apporte de quoi penser à son lecteur, il ne lui demande aucun assentiment. Bien sûr, l’auteur ne croit pas possible que l’on soit libéral en économie (et sur un plan tactique), conservateur sociétalement, identitaire en profondeur. C’est le point d’orgue du débat actuel. Il est donc possible de partir de la définition du libéralisme donnée par l’auteur : une unité profonde qui « réside dans son anthropologie, une anthropologie dont le fondement est, indissociablement, l’individualisme et l’économisme ». En effet, avec l’individu comme absolu dans une économie intégralement ouverte et hors de contrôle, elle-même conçue comme absolutiste, nous avons là une définition juste du libéralisme contemporain. Cependant, la question sera aussi celle de la mise en œuvre d’une anthropologie autre, dans un futur politique concret. La première étape à laquelle s’attache de Benoist pose un fondement : quelle est l’idéologie à combattre ? demande-t-il. La dernière étape sera celle d’une anthropologie contraire mise en œuvre dans le réel. Entre les deux ? Il est possible de croire en une révolution qui viendrait, comme un acte de foi ; il est sans doute plus probable d’envisager une seconde étape passant par une victoire dans le cadre électoral actuel et débouchant sur un retour aux économies d’avant l’ouverture effrénée des frontières, ce qui ne fonctionnait pas si mal finalement. Cette seconde étape ne demandera pas de compromis avec le libéralisme, juste d’accepter que « la nation puisse encore être un cadre révolutionnaire provisoire », ce qu’une Chantal Mouffe, par ailleurs lue par Alain de Benoist, a très bien compris. De cette façon, « la nation pourrait être le meilleur chemin vers un retour à l’identité de l’Europe ». Demain, au fond, cela nécessite aussi une stratégie.