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L’écologie politique

La grande arnaque dévoilée par Bernard Charbonneau.

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L’écologie politique

L’écologie est très en vogue. Ou, plutôt, s’impose-t-elle, depuis quelques années, comme le nouvel horizon – sinon comme le suprême étalon – du pouvoir politique, le critère absolu de toute bonne « gouvernance ». Ses zélateurs, de plus en plus nombreux, s’empressent tous d’en faire l’« alternative » aux politiques « libérales » dont ils conspuent – après en avoir inconséquemment loué les causes délétères – les conséquences toxiques pour « la planète », les « générations futures » et le « climat ». Tant et si bien qu’étendant son emprise idéologique, l’écologie est revendiquée par tous et partout. Pour ses défenseurs aux mains pures, gardiens sourcilleux d’une intraitable orthodoxie, ce n’est évidemment pas assez, attendu que l’écologie doit être « politique » assènent-ils du haut de leurs certitudes infatuées.

Il serait aisé de les rejoindre sur leurs travées, sauf, indispensable préliminaire, à ne pas se payer de mots. Que l’écologie soit foncièrement politique, en ce qu’elle irrigue le cœur même de la polis, voilà, pourtant un solide point de désaccord qui surgit quant au contenu d’une notion devenue, au fil du temps, une véritable auberge espagnole. Sous le prétexte, érigé en injonction totalisante, de défendre la « Nature », l’« écologie politique » a déjà, semble-t-il, perdu la partie. La lecture du Bordelais Bernard Charbonneau (1910-1996), alter ego et complice, hélas trop méconnu, de Jacques Ellul, nous enseigne cette évidence écologique que les deux plus grands dangers pour l’écologie sont à la fois l’homme et la Nature : « ce n’est pas de protection de la nature qu’il s’agit mais de celle de l’homme par et contre lui-même », écrit-il dans Le Système et le chaos (1973, sous-titré « Critique du développement exponentiel »). Et d’ajouter que « la nature est une invention des temps modernes. Pour l’Indien de la forêt amazonienne, ou, plus près de nous, pour le paysan français de la IIIe République, ce mot n’a pas de sens. Parce que l’un et l’autre restent engagés dans le cosmos. » Absolutisation ou divinisation de la Nature et prétention démiurgique de l’homme, tels sont les deux péchés capitaux de l’écologie dite « politique ». Le risque, déjà observable, tient dans l’avènement d’une nature fantasmée qui se substituerait à la nature véritable, la seule et unique, oserait-on dire, celle de l’homme dans son biotope. La nature sociale, excroissance monstrueuse de la nature humaine, étend ainsi son emprise de fin du monde sur la phusis, cette nature grecque qui nous surplombe et nous enveloppe.

Le péril de la désincarnation

Ce faisant, l’homme court au-devant d’un péril extrême, celui de la désincarnation : « la fin de la terre des hommes serait la conclusion d’une désincarnation progressive ; la passion de connaître pour connaître et celle de dominer pour dominer se seraient conjuguées avec le recul progressif de l’esprit devant le monde. La force fuyant l’esprit, l’esprit fuyant la force, plus vertigineusement que peuvent se fuir les nébuleuses. » Faute de s’ancrer charnellement dans le réel, l’écologisme actuel laisse entrevoir des paysages de cauchemars – dont les éoliennes anarchiquement plantées çà et là ne sont pas les plus démentiels avant-postes – où la nature, parce que devenant une abstraction, un éther insaisissable, serait sommée de s’offrir au spectacle pathétique de sa propre caricature. Eole est ainsi capturé entre des pales stroboscopiques quand Hélios se voit enrégimenté dans les carrés noirs des légions photovoltaïques de « l’énergie verte ».

Le grand impensé écologique actuel réside en outre dans son impossibilité structurelle à concevoir le grand équilibre immanentiste entre l’homme et la nature. Là où le christianisme enjoignait à l’homme de dominer la nature, l’écologisme idéologique, dans un flux inversé, instaure une transcendance artificielle de la nature sur l’homme. L’harmonie est la grande leçon écologique oubliée au point de rendre incohérentes les politiques publiques qui sanctuarisent telle zone considérée arbitrairement comme naturelle tout en livrant nos campagnes au saccage des chantres du « développement durable ». Charbonneau, là encore, a écrit des lignes définitives qui condamnent d’emblée la tartufferie des écolomaniaques en chambre : « en Europe, en Asie, dans quelques rares contrées d’Afrique et d’Amérique, l’homme s’est lentement soumis à la nature autant qu’il l’a soumise. Et le paysage est né de ce mariage où les champs et les haies épousent les formes des coteaux, dont les vallées portent leurs fermes et leurs villages aux mêmes points où les branches portent leurs fruits. Et comme on ne saurait dire où commence l’homme et où finit la nature dans le paysage, il est impossible de distinguer le paysan du pays. (…) Qui considère la campagne dans nos pays d’Europe ne voit ni l’homme ni la nature mais leur alliance. » (Le Jardin de Babylone, 1969).

C’est dire que l’écologie « politique » n’est qu’une des nombreuses manifestations mortifères de ce que Charbonneau appelait la « Grande Mue », ce chambardement prométhéen qui arraisonne tant la nature que l’homme au nom de la liberté de celui-ci à s’affranchir maladivement et pour son plus grand malheur, de toute limite.

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