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La Piscine

Une ode à la beauté, à la grâce, à la volupté… telle est La Piscine, film noir français en couleurs (excusez du peu), et quelles couleurs !, mis en scène par Jacques Deray en 1969. Dans ce film, Alain Delon récidivait.

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La Piscine

Neuf ans auparavant, il faisait fondre la pellicule dans Plein soleil, autre film noir, réalisé par René Clément cette fois, flanqué de Maurice Ronet qu’il retrouvera dans La Piscine dans le rôle identique et quasi prédestiné de la victime occise par noyade. Patricia Highsmith – dont les thrillers seront à l’origine de films aussi connus que L’Inconnu du Nord-Express d’Alfred Hitchcock (1951), Le Meurtrier de Claude Autant-Lara (1963) ou encore Le Cri du hibou de Claude Chabrol (1987) – avait inspiré au cinéaste bordelais de La Bataille du rail (1946) et de Jeux interdits (1952) cette adaptation réussie du Monsieur Ripley, selon le titre original de l’œuvre de la célèbre romancière américaine. C’est à Alain Page (pseudonyme de Jean-Emmanuel Conil, qui publiera, en tant qu’éditeur, le seul roman de Georges Brassens, La Tour du miracle), prolifique auteur au Fleuve Noir, que l’on doit la base du scénario original (que Jean-Claude Carrière retravaillera substantiellement) de ce chassé-croisé amoureux et ambigu, à l’atmosphère indolente mais de plus en plus pesante et, finalement, poisseuse. Au rythme jazzy du piano de Michel Magne, la sensualité évocatrice des premières minutes entre les deux amants fusionnels, à l’épiderme doré par les rayons du Midi, Jean-Paul/Alain Delon et Marianne/Romy Schneider, s’évanouit rapidement avec l’arrivée impromptue d’Harry/Maurice Ronet, play-boy vieillissant et m’as-tu-vu, accompagné de sa fille Pénélope/Jane Birkin, femme-enfant faussement sage, qu’il fait passer pour sa maîtresse pour paraître plus jeune. Jalousies, faux-semblants, malentendus et, surtout, sous-entendus animent les personnages telles des marionnettes incapables de résister à leurs désirs (notamment physiques), cherchant d’autant plus mollement à échapper à leur destin que s’établit entre eux un réseau arachnéen d’interdits à transgresser et de sourdes rancœurs.

Les cendres encore chaudes de l’éruptif Mai 68 retombent

La morale n’est guère sauve, bien entendu (comment peut-elle l’être dans cet univers festif, factice et lubrique…), mais, dans ce milieu petit-bourgeois de jouisseurs et de noceurs, où le paraître peine à masquer le néant de l’être, l’on s’attachera, avec la dernière énergie, à sauvegarder les apparences. L’hypocrisie et le mensonge sont les seuls paravents d’une société irréversiblement gâtée par le consumérisme de masse, voire, pour certains, par l’argent facile. Les cendres encore chaudes de l’éruptif Mai 68, retombent lentement et pour longtemps… Les deux inspecteurs de police chargés d’enquêter sur la mystérieuse noyade d’Harry, bien que n’étant pas dupes, s’y casseront les dents, faute de preuves. Symbole de quiétude et de douceur de vivre, l’eau stagnante et dormante de la piscine, apparaît progressivement menaçante au milieu de cette somptueuse propriété écrasée extérieurement par un soleil de plomb mais délicieusement fraîche et, pour ainsi dire, bientôt glaciale dans l’intimité de ses chambres, alcôves et salons. Jacques Deray semble s’être inspiré de Niagara, splendide film noir en technicolor d’Henry Hathaway faisant évoluer une Marilyn Monroe aussi troublante que lascive dans un climat électrique et torride aux pieds des bouillonnantes chutes. Dans La Piscine, Romy (que Delon imposera sur le plateau, récusant ainsi Natalie Wood, Angie Dickinson ou Monica Vitti) se contente de rayonner : le physique est certes irréprochable, mais le regard, à la fois ferme, intense et d’une caressante tristesse, le magnétisme de l’actrice, également, tout comme ce subtil et charmant accent viennois, font que la magie opère instantanément. La tendre et insouciante Sissi n’est plus et laisse place à une superbe jeune femme, déjà mère, que la décennie soixante-dix confirmera cinématographiquement dans des rôles plus complexes sur le plan psychologique (Les Choses de la vie, Max et les ferrailleurs, César et Rosalie, Une Femme à sa fenêtre, Une histoire simple…). Tout le contraire de Birkin qui, du haut de ses 23 ans, incarne une sexualité que l’on devine libérée, même si elle reste encore bridée par les derniers vestiges d’une éducation traditionnelle. Avec plus de 2,5 millions de spectateurs, La Piscine fut un indéniable succès. La carrière de Romy prenait un nouveau souffle, quand Delon confirmait son talent.

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